Nicolas Fressengeas a publié une critique de Soleil vert par Harry Harrison
Un chef-d'œuvre avec quelques rides
3 étoiles
Soleil Vert est un roman d'anticipation dont le thème central est l'écologie. Publié en 1966, C'est un classique de la science-fiction, que certains collégiens ont même eu le privilège de découvrir au sein du programme officiel. Sauf erreur de ma part, je pense que son originalité principale réside quelque part entre le thème de son univers et son année de publication : Soleil Vert se compte parmi les toutes premières préoccupations écologiques de la science-fiction. Je gage que c'est ce qui a fait sa réputation.
L'action est située au tournant du millénaire, au sein d'un Manhattan surpeuplé. Son univers est mieux décrit par le titre original Make Room! Make room! -- Faites place ! Faites place !. L'intrigue est policière, du genre où le roman s'ouvre sur le déroulé précis des faits : point de suspens à attendre de ce côté. Et en effet, ce n'est pas là que …
Soleil Vert est un roman d'anticipation dont le thème central est l'écologie. Publié en 1966, C'est un classique de la science-fiction, que certains collégiens ont même eu le privilège de découvrir au sein du programme officiel. Sauf erreur de ma part, je pense que son originalité principale réside quelque part entre le thème de son univers et son année de publication : Soleil Vert se compte parmi les toutes premières préoccupations écologiques de la science-fiction. Je gage que c'est ce qui a fait sa réputation.
L'action est située au tournant du millénaire, au sein d'un Manhattan surpeuplé. Son univers est mieux décrit par le titre original Make Room! Make room! -- Faites place ! Faites place !. L'intrigue est policière, du genre où le roman s'ouvre sur le déroulé précis des faits : point de suspens à attendre de ce côté. Et en effet, ce n'est pas là que se situe le sel de ce roman : c'est le contexte qui vaut le détour. L'enquête criminelle qui suit le meurtre initial invite en effet le lecteur à explorer Manhattan et ses environs à l'aube du XXIe siècle. À cette époque, vue de 1966, les États-Unis, comme le reste du monde, ont achevé d'épuiser les ressources nécessaires à leur subsistance, qu'elles soient liquides, solides ou énergétiques.
La raison de cet épuisement des ressources est clairement présentée comme étant liée à la surpopulation humaine, endémique aux États-Unis comme, cela est suggéré, sur l'ensemble de la planète. Une partie non négligeable du roman est consacrée à la responsabilité de l'Église dans cette situation, du fait de son rejet dogmatique de la contraception. Je dois confesser que bien que ce rejet soit bien réel même aujourd'hui et trouve peu de grâce à mes yeux, je n'ai pas trouvé ces passages des plus réussis et convaincants, à la différence du reste du roman. Plus généralement, je n'ai pas saisi l'intérêt d'une certaine intrication entre intégrisme religieux — chrétien — et épuisement des ressources. Cela peut être lié à la difficulté que j'éprouve à me mettre dans la peau du lecteur de 1966.
Rappelons également que ce n'est que juste après 1966 que le consensus scientifique annonçant le changement climatique que nous vivons aujourd'hui n'a commencé à se former. Harry Harrison est donc parfaitement pardonné de n'avoir pas entrevu ce futur possible, ni focalisé son attention sur les causes anthropiques de ces changements. Néanmoins, la proximité des préoccupations de Soleil Vert avec ces dérèglements est troublante pour le lecteur du XXIe siècle, d'autant plus que le roman s'ouvre incidemment sur un Manhattan étouffé de chaleur ; chaleur qui n'est donc que coïncidence et n'a pas le réchauffement climatique pour cause.
Un peu de désarroi, donc, pour le lecteur de 2024 — oui, l'écriture de cette chronique a pris un peu de temps. Étant donné la renommée de ce roman, je m'attendais à un chef-d'œuvre. En est-ce un ? J'ai tendance à penser que la réponse doit être positive, pour un lecteur de 1966, au vu surtout de la primauté de la préoccupation écologique d'anticipation. La science-fiction est cependant assez sensible aux évolutions des connaissances scientifiques. Sa vraisemblance peut souffrir de découvertes radicales menant à de nouveaux consensus, tels que celui attestant du changement climatique et de sa cause anthropique. Un chef-d'œuvre qui a pris quelques rides est néanmoins toujours un chef-d'œuvre.