Anthony a publié une critique de Aucun de nous ne reviendra par Charlotte Delbo (Auschwitz et après, #1)
Aucun de nous ne reviendra
5 étoiles
La génération à laquelle j'appartiens n'a pas échappé à cette conviction qu'il ne fallait pas oublier. Parce que la mémoire serait un remède contre de futures horreurs. J'ai donc grandi, été éduqué en ce sens, été imprégné par ces récits autour des camps d'extermination. Je n'avais jamais rien lu à ce sujet, mais l'école, le lycée et le cinéma m'ont apporté des images et ont façonné en moi un univers « imaginable » de quelque chose d'inimaginable. En ouvrant ce livre de Charlotte Delbo, je pensais en quelque sorte retrouver cet univers. J'y allais un peu à reculons. Mais il n'en est rien. Le récit, une succession de chapitres assez courts, est d'une force évocatrice telle qu'il perturbe ces images intérieures et me plonge dans un univers incompréhensible — d'ailleurs, les vociférations des bourreaux sont le plus souvent inintelligibles. Des nuits « plus épuisantes » que les jours, des jours …
La génération à laquelle j'appartiens n'a pas échappé à cette conviction qu'il ne fallait pas oublier. Parce que la mémoire serait un remède contre de futures horreurs. J'ai donc grandi, été éduqué en ce sens, été imprégné par ces récits autour des camps d'extermination. Je n'avais jamais rien lu à ce sujet, mais l'école, le lycée et le cinéma m'ont apporté des images et ont façonné en moi un univers « imaginable » de quelque chose d'inimaginable. En ouvrant ce livre de Charlotte Delbo, je pensais en quelque sorte retrouver cet univers. J'y allais un peu à reculons. Mais il n'en est rien. Le récit, une succession de chapitres assez courts, est d'une force évocatrice telle qu'il perturbe ces images intérieures et me plonge dans un univers incompréhensible — d'ailleurs, les vociférations des bourreaux sont le plus souvent inintelligibles. Des nuits « plus épuisantes » que les jours, des jours de forçats. Des « bouches hurlantes au ciel », des corps désarticulés, des corps inanimés, des vies qui n'en sont plus vraiment et qu'on croit déjà anéanties, mais qui résistent par on ne sait quel mystère. Le froid glacial de ces interminables attentes (l'appel) pénètre en nous, nous déchire, et je pense qu'un nombre de pages plus important aurait été difficilement supportable.