"Une vieille femme câpresse, très grande, très maigre, avec un visage grave, solennel, et des …
Ti-Cirique avait déclaré un jour qu’au vu du Larousse illustré, nous étions – en français – une communauté. Eh bien, dans cette communauté, le chocolat de communion c’était Marie-Clémence. Si sa langue s’avérait redoutable (elle fonctionnait sans jours fériés) sa manière d’être, de dire bonjour et de vous questionner était d’une douceur exquise. Sans méchanceté aucune, avec le naturel de son esprit, elle exposait l’intimité des existences aux sentinelles de la curiosité. Personne ne désirant être plus exposé que quiconque, chacun alimentait Marie-Clémence avec ce qu’il ne fallait pas savoir sur les autres. Les équilibres ainsi respectés, elle nous devenait une soudure bienfaisante et dispensait juste l’aigreur nécessaire pour passionner la vie.
"Une vieille femme câpresse, très grande, très maigre, avec un visage grave, solennel, et des …
Sans s’être consultés, ils s’apprêtaient à ramener des hameçons devenus imbéciles dans des appâts intacts, mais quand la ligne se mit à résister, ils furent certains d’une prise. Iréné demeurant pourtant sombre, Joseph crut qu’il remontait là un de ces requins noirs aux pupilles sataniques qu’aucun nègre chrétien ne désirait manger. Quand la ligne tirait, Iréné la stoppait. Quand elle mollissait, il la ramenait rapide. Il ajustait sa force aux résistances perçues pour ne pas fendre la gueule au venant de l’abîme.
“La naturaleza de este documento es algo indefinida. Por su forma agrupa relatos cortos, a …
"Les capitulés", ou le don de pardonner.
4 étoiles
Aguero est le fils de combattants du Sentier Lumineux, assassinés dans les années 80-90. Maintenant historien, il a participé a la Commission Vérité et Réconciliation du Pérou après la sanglante guerre civile de ces années là.
Il nous livre un ensemble de textes regroupés sous le titre "Los rendidos" (littéralement, "ceux qui se sont rendus", intraduisible, sauf peut-être par un néologisme type "les capitulés").
Les textes sont courts et faciles d'accès. Aguero aborde des questions très difficiles, qu'est une victime, un coupable peut-il être aussi victime ? Peut-il, doit-il, demander pardon pour les crimes commis par ces parents ? A-t-il le droit d'être une victime pour pouvoir concéder le pardon aux meurtriers de ses parents ("le don de pardonner", sous-titre de l'édition originale) ?
Son cas personnel et d'autres, toujours exposés avec simplicité et humanité, viennent alimenter les réflexions sur ces questions de réparation, de culpabilité, d'innocence, de pardon.
Bien …
Aguero est le fils de combattants du Sentier Lumineux, assassinés dans les années 80-90. Maintenant historien, il a participé a la Commission Vérité et Réconciliation du Pérou après la sanglante guerre civile de ces années là.
Il nous livre un ensemble de textes regroupés sous le titre "Los rendidos" (littéralement, "ceux qui se sont rendus", intraduisible, sauf peut-être par un néologisme type "les capitulés").
Les textes sont courts et faciles d'accès. Aguero aborde des questions très difficiles, qu'est une victime, un coupable peut-il être aussi victime ? Peut-il, doit-il, demander pardon pour les crimes commis par ces parents ? A-t-il le droit d'être une victime pour pouvoir concéder le pardon aux meurtriers de ses parents ("le don de pardonner", sous-titre de l'édition originale) ?
Son cas personnel et d'autres, toujours exposés avec simplicité et humanité, viennent alimenter les réflexions sur ces questions de réparation, de culpabilité, d'innocence, de pardon.
Bien que l'ouvrage date de 2015, ces réflexions sur ce qu'est un terroriste, une victime, herite-t-on des crimes de ses parents, me frappent par leur actualité et leur pertinence dans le contexte français contemporain. Le choix d'éditer ce texte en français aujourd'hui, sous le titre (assez fade) "Après la violence" me semble particulièrement judicieux.
Depuis les années 2000 et la massification des « high tech », le
monde a …
Comment se fait-il qu’on prenne autant au sérieux les « services » que pourraient nous rendre robots et drones dans la vie quotidienne relevant au mieux du gadget et ayant toutes les chances de s’avérer socialement désastreux et qu’on ignore autant les problémes autrement plus graves que leur diffusion de masse va engendrer ? Quels matériaux, extraits de quelles mines, dans quelles conditions et au prix de quels conflits géopolitiques ? Combien d’usines faudra-t-il construire, avec quels effets sur le milieu ? Quelle durée de vie pour ces gadgets ? Quid des déchets et de la consommation d’électricité ? Questions qui se poseront peut-être, trop tard, quand, « dans cinq ans, il sera aussi banal de posséder un robot de telé-présence qu’aujourd’hui un smartphone » a en croire Bruno Bonnell, PDG de la société Syrobo et pilote du plan robotique de la nouvelle France industrielle.
« Pour le dire clairement, mes parents et mes grands-parents sont nés dans la ville …
Foodistan : après l'apérolypse
4 étoiles
La lecture de Foodistan est entrée en résonance avec ma lecture il y a quelques temps d'un essai philosophique de Corine Pelluchon, "Les nourritures. Philosophie du corps politique" que j'avais trouvé stimulant à plus d'un titre. L'essai s'ouvrait par cette citation classique de Levinas, "Au commencement il y avait la faim", invitant à envisager le corps comme le point de départ de notre expérience. Les développements de la philosophe m'avaient particulièrement intéressée dans la manière elle s'employait à replacer la centralité de la notion de "nourriture", rompant avec les philosophies libérales et différents dualismes en découlant, pour repartir de l'expérience de la faim afin de repenser, notamment, la notion de justice.
Dans Foodistan, Ketty Steward se réapproprie l'idée de la centralité de la nourriture pour déployer une exploration gustativo-littéraire au sein d'un pays, qui fut autrefois la France, et est devenu après "l'apérolypse", le Foodistan, entièrement refondé autour de la …
La lecture de Foodistan est entrée en résonance avec ma lecture il y a quelques temps d'un essai philosophique de Corine Pelluchon, "Les nourritures. Philosophie du corps politique" que j'avais trouvé stimulant à plus d'un titre. L'essai s'ouvrait par cette citation classique de Levinas, "Au commencement il y avait la faim", invitant à envisager le corps comme le point de départ de notre expérience. Les développements de la philosophe m'avaient particulièrement intéressée dans la manière elle s'employait à replacer la centralité de la notion de "nourriture", rompant avec les philosophies libérales et différents dualismes en découlant, pour repartir de l'expérience de la faim afin de repenser, notamment, la notion de justice.
Dans Foodistan, Ketty Steward se réapproprie l'idée de la centralité de la nourriture pour déployer une exploration gustativo-littéraire au sein d'un pays, qui fut autrefois la France, et est devenu après "l'apérolypse", le Foodistan, entièrement refondé autour de la question de l'alimentation. Dans ce futur ainsi mis en scène, on suit une serrurière assermentée dont le statut lui permet explorations et rencontres en navigant dans la cartographie socialo-culinaire de cette nouvelle société où le régime alimentaire et l'expression même du rapport à la nourriture renvoient directement à un certain positionnement social.
Dans cette courte novella-recueil où se mêlent vignettes d'un récit fil rouge, recettes de cuisine et poèmes, jeux d'intertextualité et de polytextualité, Ketty Stewart propose une véritable expérimentation poético-politique. Tout en se livrant à une refondation langagière aussi gourmande que réjouissante pour les lecteurices (à l'image de "l'apérolypse", la crise est devenue la "cerise", la société, la "satiété", etc.), l'autrice met en lumière, avec un discours critique sur le présent du Foodistan comme sur le passé (notre présent donc), ce que le prisme de l'alimentation révèle d'une société, sur les rapports de force qui s'y déploient et qu'elle contribue à façonner, aussi bien entre ses membres que dans leurs liens avec le vivant au sens large.
En résumé, une lecture savoureuse, investissant la question de la nourriture dans un registre à part de fiction poético-politique qui ne m'a pas laissée indifférente.
Dans un futur proche, le Soleil se transforme progressivement en géante rouge. La Terre se …
Terre errante
3 étoiles
J'ai tenté de me réconcilier avec le célèbre auteur Liu Cixin, mais je crains que nous n'ayons guère avancé en ce sens. Je n'avais pas aimé sa célèbre trilogie, et si Terre errante ne m'a pas déplu, si son style est sobre et efficace, elle ne restera pas en moi comme la marque d'une grande nouvelle.
Si, au début, l'idée de faire de la Terre un vaisseau m'a paru originale, j'ai rapidement déchanté. La Terre, ici, n'est qu'un gros caillou balancé par des techno-solutionnistes dont le regard sur la planète se réduit à un bloc géologique : quid de son écosystème ? De tout ce qui, justement, devrait la distinguer d'un gigantesque vaisseau de métal ? La nouvelle se lit vite, mais elle est assez pauvre dans le fond. Dommage, ce ne sera pas l'occasion de comprendre ce qui plaît tant chez l'auteur.
Récit du voyage autour du monde depuis le départ de La Boudeuse de Nantes, le …
Les bestiaux y sont dans la même abondance que dans le reste de ce pays, ce qui, joint à la salubrité de l’air, rend la relâche à Montevideo excellente pour les équipages ; on doit seulement y prendre ses mesures contre la désertion. Tout y invite le matelot dans un pays où la première réflexion qui le frappe en mettant pied à terre, c’est que l’on y vit presque sans travail. En effet, comment résister à l’alternative de couler dans le sein de l’oisiveté des jours tranquilles sous un climat heureux, ou de languir affaissé sous le poids d’une vie constamment laborieuse, et d’accélérer dans les travaux de la mer les douleurs et les infirmités de la vieillesse ?
Dans un futur proche, le Soleil se transforme progressivement en géante rouge. La Terre se …
— Le petit monde est mort. Les enfants, qui peut me dire pourquoi ? a demandé Mlle Xing en brandissant la sphère sans vie devant les élèves.
— Il était trop petit !
— En effet. Il était trop petit. Quel que soit le soin apporté à leur conception, les petits écosystèmes ne résistent pas au passage du temps. Les appareils dont rêvent les partisans du clan des Vaisseaux connaîtront le même sort.
— Mais nous pourrons construire des vaisseaux aussi grands que les villes de Shanghai ou New York ! a rétorqué A Dong, dont la voix avait cependant baissé d’un ton.
— En effet, les progrès de la technologie nous permettront peut-être de construire des engins de cette taille, mais ces écosystèmes artificiels resteraient minuscules, vraiment minuscules, à l’échelle de la Terre.
Il y a ceux qui y débarquent, s’y précipitent, s’y abandonnent. Il y a ceux …
Manhattan Transfer
4 étoiles
New York début de siècle comme si on y était, un roman très vivant qui livre quasiment des instantanés de la modernité, un récit éclaté entre ses multiples personnages emmenés dans le tourbillon de la ville-monde, qui apparaissent, se croisent et disparaissent sans que rien n'arrête le rythme effréné de New-York et sa bande-son en constant fond sonore.
Malheureusement pour moi, je ne connaissais aucune des chansons qui apparaissent dans le texte, donc je devais me contenter des paroles ou imaginer un air qui colle (il existe peut-être une édition qui identifie tous les morceaux et permettrait de les écouter en lisant ?).
J'ai trop étalé ma lecture et j'avais parfois du mal à m'y retrouver dans les personnages et leur évolution, peut-être aussi parce que j'ai eu du mal à m'attacher à eux et réellement m'intéresser à leur sort, ce qui me faisait osciller entre m'accrocher pour suivre le …
New York début de siècle comme si on y était, un roman très vivant qui livre quasiment des instantanés de la modernité, un récit éclaté entre ses multiples personnages emmenés dans le tourbillon de la ville-monde, qui apparaissent, se croisent et disparaissent sans que rien n'arrête le rythme effréné de New-York et sa bande-son en constant fond sonore.
Malheureusement pour moi, je ne connaissais aucune des chansons qui apparaissent dans le texte, donc je devais me contenter des paroles ou imaginer un air qui colle (il existe peut-être une édition qui identifie tous les morceaux et permettrait de les écouter en lisant ?).
J'ai trop étalé ma lecture et j'avais parfois du mal à m'y retrouver dans les personnages et leur évolution, peut-être aussi parce que j'ai eu du mal à m'attacher à eux et réellement m'intéresser à leur sort, ce qui me faisait osciller entre m'accrocher pour suivre le fil et enregistrer les informations, et des moments de pur plaisir de lecture face à la langue déployée par Dos Passos et le monde bouillonnant qu'il nous livre.