Qu'est-ce qu'être gouine ? Bien plus qu'une orientation sexuelle, l'homosexualité féminine se conjugue au pluriel …
Gouines
4 étoiles
Huit textes, chacun précédé d’une courte présentation rédigée par l’auteur·rice·x du texte précédent – une idée très chouette. Les récits abordent le lesbianisme, notamment la difficulté, dans la jeunesse, de trouver des références vers lesquelles se tourner ; mais aussi l’intersectionnalité, à travers des réflexions sur le racisme, le classisme et le validisme. On découvre une diversité de vécus et de ressentis qui convergent tout de même sur des problématiques similaires.
Au cœur d'une famille en pleine implosion, le beau-père atypique capte toutes les attentions. Mythomane, …
Un perdant magnifique
4 étoiles
Je découvre l'écriture de Florence Seyvos à travers « Un perdant magnifique » et, posant le livre achevé sur ma table de chevet, je suis assez surpris d'avoir été emporté par une histoire somme toute « banale ». Une famille, les aléas de la vie, un beau-père excentrique et fascinant sous le regard de la cadette des deux filles.
Il faut dire que l'autrice écrit remarquablement bien, dans une langue à la fois naturelle et travaillée. Le regard bienveillant de la narratrice sur un personnage qui provoque tantôt attraction, tantôt révulsion, la capacité de nous garder en haleine sur un simple aller-retour en Italie, la longueur quasi parfaite du roman : les ingrédients sont savamment mélangés pour nous offrir quelques heures agréables de lecture.
Traduit de l’américain par Jacques Chambon et Henri Robillot.
451 degrés Fahrenheit représentent la température …
Fahrenheit 451
5 étoiles
Incroyable qu’un roman écrit il y a plus de 70 ans puisse à ce point résonner avec l'actualité de 2025. Ray Bradbury expose une société totalitaire sans tyran où, sous prétexte d’apaiser les âmes et de satisfaire la multitude des minorités – professions, religions, associations, etc. – les romans sont brûlés, les intellectuels, au mieux, exilés. Le pompier incendiaire Montag rencontre une jeune femme qui instillera le doute dans son esprit, lui permettant de s'affranchir, d’ouvrir les yeux. Les écrans publicitaires, les caméras, les voisins délateurs, les robots chasseurs de têtes : nous sommes projetés dans une dystopie effrayante et visionnaire avec, qui plus est, dans cette traduction de Jacques Chambon et Henri Robillot, une véritable qualité littéraire.
Traduit de l’Anglais par Charles Mauron.
Préface de Diane de Margerie.
Orlando, ce sont les …
Orlando
5 étoiles
Lire Orlando, c'est se laisser porter par une légère brise à travers les âges et les genres. Si ce n'est pas mon Virginia Woolf préféré, j'y ai quand même retrouvé ce délicieux nectar, cette sève littéraire qui transporte mirifiquement en nous images et sensations avec douceur et bienveillance, et particulièrement ici, avec une réelle jubilation de l'écrivaine. J'ai trouvé quelques passages un peu longs, mais rien qui ne puisse gâcher la lecture, parce qu'il suffit d'une phrase, d'une description, pour à nouveau nous immerger dans le périple multi-séculaire de notre héro·ïne.
L’ouvrage mériterait plusieurs lectures, tant il est chargé de thèmes et de détails qui nous échappent — d’autant qu’un siècle après son écriture, bien des références nous manquent.
« [...] cet essai de l'écrivaine américaine Julia Serano est l'un des piliers du transféminisme. …
Manifeste d'une femme trans et autres textes
5 étoiles
Je conseille vivement ce recueil de textes, et particulièrement aux cissexuel·les, dont je suis. Conscients ou non, nous sommes imprégnés depuis notre plus jeune âge de préjugés que l’autrice Julia Serano expose à notre regard avec virtuosité, sans la moindre agressivité, mais au contraire avec une extrême sensibilité, qui ne peut, à tout le moins, que nous faire réfléchir.
Le genre expérientiel est le texte qui m’a le plus touché, et que je recommanderais à toutes et tous, notamment aux plus jeunes.
Ce petit livre est le fruit du travail de Noémie Grunenwald, non seulement traductrice, mais aussi celle qui a choisi ces textes et a trouvé le moyen de les éditer en France, à une époque où ce n’était pas évident.
Le matin du 7 octobre 2023, à Toulouse, Dror Mishani découvre le message de sa …
Au ras du sol
5 étoiles
Le journal d'un auteur israélien dont les premières pages s'ouvrent sur le jour du 7 octobre, voilà un ouvrage dans lequel plonger pour tenter de trouver quelques clés de compréhension, non sur un conflit – des centaines de spécialistes ont publié sur le sujet – mais bien de trouver quelques pistes pour rendre intelligible le rapport de la population à ce massacre et à l'innommable répression — il suffit de voir ce qu'un seul mot peut provoquer comme réactions – qui s'en est suivie. Dror Mishani, lucide, conscient qu’ajouter de la violence à la violence n’est que jeter de l’huile sur les feux de l’enfer, parvient à nous plonger dans une société où le seul doute est subversif, où la propagande et ses répercussions sur tout un chacun, sur sa propre famille, font que ce livre est un réel acte de courage. Nous n'en tirons aucune réponse, sauf sans doute …
Le journal d'un auteur israélien dont les premières pages s'ouvrent sur le jour du 7 octobre, voilà un ouvrage dans lequel plonger pour tenter de trouver quelques clés de compréhension, non sur un conflit – des centaines de spécialistes ont publié sur le sujet – mais bien de trouver quelques pistes pour rendre intelligible le rapport de la population à ce massacre et à l'innommable répression — il suffit de voir ce qu'un seul mot peut provoquer comme réactions – qui s'en est suivie. Dror Mishani, lucide, conscient qu’ajouter de la violence à la violence n’est que jeter de l’huile sur les feux de l’enfer, parvient à nous plonger dans une société où le seul doute est subversif, où la propagande et ses répercussions sur tout un chacun, sur sa propre famille, font que ce livre est un réel acte de courage. Nous n'en tirons aucune réponse, sauf sans doute celle de prendre conscience que la littérature déploie toute sa force et fait la démonstration de sa pleine nécessité.
« Il n'y a rien de tel que la réalité. » On pourrait dire que …
La Realidad
4 étoiles
J'apprécie grandement Neige Sinno. Son écriture me procure un sentiment de proximité. Sans doute que son âge et le monde de son enfance font écho à ma propre jeunesse, bien que je n'aie absolument pas vécu les terribles expériences qui n’auraient jamais dû – ne devraient jamais – toucher quiconque.
L'ouvrage a été écrit antérieurement à Triste Tigre et il ouvre déjà le chemin de ses futures révélations. Il ne s'agit pas de fiction, mais plutôt d'une réflexion en mouvement, d'une quête intime – et sans nul doute universelle – qui fait partir, puis revenir l'écrivaine. Ailleurs, passé ce sentiment d'exotisme... ailleurs n'est guère différent d'ici. Neige Sinno ne trouve certes pas de réponses à ses questions mais, me concernant, elle apporte énormément de matière à penser au lecteur (homme) que je suis. Je referme cette note de lecture en la remerciant chaleureusement.
"Ici, c’est comme ça."
Cette phrase, elle l’entendrait souvent. À cet instant précis, elle comprit …
Le pays des autres
3 étoiles
Il y a des écrits qu'on aimerait aimer, mais avec lesquels, rien à faire, cela ne fonctionne pas. Ce roman de Leïla Slimani, premier d’une trilogie, est de ceux-là.
Si, dans une première partie, j'ai été gêné parce que j'avais l'impression de lire une vision occidentale du Maroc – un regard trop moderne et qui manquait d'originalité – sur les années clinquantes, sans doute parce que nous suivons un personnage qui vient de France, c'est surtout le style très « en retrait » qui n'est pas parvenu à m'introduire dans le récit. Ce n'est pas que l'autrice manque de qualités littéraires, ce n'est pas non plus la pauvreté du récit – riche d'informations sur l'histoire du Maroc –, mais j'ai manqué d'un fil, d'une corde qui nous aurait permis de descendre dans les entrailles du texte pour s'y sentir immergés. Nous passons parfois d'un personnage à l'autre – comme une …
Il y a des écrits qu'on aimerait aimer, mais avec lesquels, rien à faire, cela ne fonctionne pas. Ce roman de Leïla Slimani, premier d’une trilogie, est de ceux-là.
Si, dans une première partie, j'ai été gêné parce que j'avais l'impression de lire une vision occidentale du Maroc – un regard trop moderne et qui manquait d'originalité – sur les années clinquantes, sans doute parce que nous suivons un personnage qui vient de France, c'est surtout le style très « en retrait » qui n'est pas parvenu à m'introduire dans le récit. Ce n'est pas que l'autrice manque de qualités littéraires, ce n'est pas non plus la pauvreté du récit – riche d'informations sur l'histoire du Maroc –, mais j'ai manqué d'un fil, d'une corde qui nous aurait permis de descendre dans les entrailles du texte pour s'y sentir immergés. Nous passons parfois d'un personnage à l'autre – comme une caméra sur des acteurs – mais je n'ai pas trouvé de subjectivité, de personnalité aux mots : comme si l'autrice avait voulu prendre ses distances avec le vécu de ses personnages.
Ce n'est pas un livre désagréable, mais j'ai l'impression de l'avoir lu à distance, sans engagement.
Récit du voyage autour du monde depuis le départ de La Boudeuse de Nantes, le …
Voyage de Bougainville autour du monde
Aucune note
J’ai toujours grand plaisir à lire les explorateurs d’antan. Avec deux ans de voyage autour du monde, celui de Bougainville nous plonge dans un monde bien éloigné du nôtre. Le voyageur, d’une impressionnante culture maritime — de ceux qui cumulent des connaissances dans bien des domaines — nous apprend moult détails sur son périple, mais également, dans une vision occidentale évidemment fort critiquable aujourd’hui, sur leurs rencontres avec les nombreux peuples qu’ils colonisaient sans la moindre vergogne : le voici qui cache ici ou là un message daté indiquant la prise de possession des lieux, que celui-ci soit habité ou non.
Parfois, le lecteur trouvera certains passages assez fastidieux, notamment ceux entièrement consacrés à la navigation et à ses détails destinés aux navigateurs de l’époque. Mais cela nous rappelle qu’il s’agit ici d’un récit de voyage non destiné à la publication, ce qui m’incite à ne pas attribuer de note …
J’ai toujours grand plaisir à lire les explorateurs d’antan. Avec deux ans de voyage autour du monde, celui de Bougainville nous plonge dans un monde bien éloigné du nôtre. Le voyageur, d’une impressionnante culture maritime — de ceux qui cumulent des connaissances dans bien des domaines — nous apprend moult détails sur son périple, mais également, dans une vision occidentale évidemment fort critiquable aujourd’hui, sur leurs rencontres avec les nombreux peuples qu’ils colonisaient sans la moindre vergogne : le voici qui cache ici ou là un message daté indiquant la prise de possession des lieux, que celui-ci soit habité ou non.
Parfois, le lecteur trouvera certains passages assez fastidieux, notamment ceux entièrement consacrés à la navigation et à ses détails destinés aux navigateurs de l’époque. Mais cela nous rappelle qu’il s’agit ici d’un récit de voyage non destiné à la publication, ce qui m’incite à ne pas attribuer de note à ce récit.
– On aurait voulu inventer ta vie, Théo, qu'on n'aurait pas osé, dit Léa. Tu …
Toutes les vies de Théo
4 étoiles
Futur lecteur, peut-être qu’il te faudrait éviter de lire la suite de ce petit compte-rendu de lecture, sachant que je ne peux éviter d’en trop dire. Ce sombre roman de Nathalie Azoulai, fort pessimiste, exprime à quel point le 7 octobre, véritable séisme, ouvre une faille béante qui vient séparer les êtres en deux territoires ennemis. Et parmi la communauté déchirée qui se recompose, qui redevient juive (lui laisse-t-on le choix ?), une partie se replie sur elle-même. Et là, dans cette terreur quasi maladive, toute altérité devient impossible ; et le narrateur, qui pensait pouvoir faire face, se sent exclu au point de rejoindre – pour un temps du moins – le camp adverse. Exogamie en échec, au point que le repli aboutisse à l’inceste même.
Les êtres sont déchirés, en leur fort intérieur, dans leurs propres familles comme dans les liens qui les avaient rapprochés de l’Autre. Chacun …
Futur lecteur, peut-être qu’il te faudrait éviter de lire la suite de ce petit compte-rendu de lecture, sachant que je ne peux éviter d’en trop dire. Ce sombre roman de Nathalie Azoulai, fort pessimiste, exprime à quel point le 7 octobre, véritable séisme, ouvre une faille béante qui vient séparer les êtres en deux territoires ennemis. Et parmi la communauté déchirée qui se recompose, qui redevient juive (lui laisse-t-on le choix ?), une partie se replie sur elle-même. Et là, dans cette terreur quasi maladive, toute altérité devient impossible ; et le narrateur, qui pensait pouvoir faire face, se sent exclu au point de rejoindre – pour un temps du moins – le camp adverse. Exogamie en échec, au point que le repli aboutisse à l’inceste même.
Les êtres sont déchirés, en leur fort intérieur, dans leurs propres familles comme dans les liens qui les avaient rapprochés de l’Autre. Chacun tente à sa manière de survivre dans le cataclysme. La peinture est réussie, toute en nuance, jamais moralisatrice. L'autrice, démunie comme l'est son lecteur, n'offre aucune prise à laquelle s'accrocher. Nous posons le livre, mais celui-ci ne sera jamais refermé.
Elle vit à Nuuk, la capitale du Groenland. Elle est inuite, jeune, moderne et pleine …
La vallée des fleurs
4 étoiles
Le Groenland est la région du monde où le taux de suicide est le plus élevé. Ce préliminaire, forme d'avertissement, vous fera comprendre que ce sujet ô combien sensible est omniprésent dans le livre de Niviaq Korneliussen. Celui-ci a été écrit en danois avant d'être traduit, par l'autrice elle-même, dans sa langue maternelle. Il est à noter que l’autrice donne, textuellement, quelques explications physiologiques quant aux causes de cette excroissance statistique au pays sans soleil (ou sans nuit) ; mais que l’autre versant de l’explication se trouve dans la narration elle-même, dans tout ce qui n’est pas explicitement décrit par l’écrivaine. Si j'ai mis un moment à m'adapter à ce style direct et sans fioriture, bien qu'entraîné par la curiosité d'un monde qui m'est inconnu – le Groenland, mais sans doute aussi la génération de la narratrice, bien plus jeune que moi – j'ai finalement été happé par le talent …
Le Groenland est la région du monde où le taux de suicide est le plus élevé. Ce préliminaire, forme d'avertissement, vous fera comprendre que ce sujet ô combien sensible est omniprésent dans le livre de Niviaq Korneliussen. Celui-ci a été écrit en danois avant d'être traduit, par l'autrice elle-même, dans sa langue maternelle. Il est à noter que l’autrice donne, textuellement, quelques explications physiologiques quant aux causes de cette excroissance statistique au pays sans soleil (ou sans nuit) ; mais que l’autre versant de l’explication se trouve dans la narration elle-même, dans tout ce qui n’est pas explicitement décrit par l’écrivaine. Si j'ai mis un moment à m'adapter à ce style direct et sans fioriture, bien qu'entraîné par la curiosité d'un monde qui m'est inconnu – le Groenland, mais sans doute aussi la génération de la narratrice, bien plus jeune que moi – j'ai finalement été happé par le talent de Niviaq Korneliussen en ce qu'elle décrit avec justesse une intimité psychique et les difficultés d'une jeunesse qui se cherche. Je ne regrette pas cette lecture que l'actualité étasunienne et une publication sur mon fil BookWyrm ont portée à ma connaissance.
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Virginia Woolf. Préface et traduction de Marguerite Yourcenar. …
Les Vagues
5 étoiles
Plonger dans Les Vagues, c’est nager en eaux troubles. Virginia Woolf nous aura prévenus : c’est son livre le plus difficile. Texte poétique, souffles (flux) de pensées sous forme de monologues qui nous transportent d’une voix à l’autre, parfois pour quelques lignes, plus souvent pour de longs paragraphes, Virginia Woolf ne cherche pas à nous conforter. Une journée, une vie ; Les Vagues est un texte que je n’ai pas cherché à cerner mais qui m’a transporté, c’est indéniable, un texte dont la beauté nous porte sur un fond insaisissable, mouvant comme le sable sous l’effet des remous marins.