Les histoires d'uchronie et de voyage temporel de la fantasy et de la science-fiction suggèrent qu'il n'y a jamais eu un unique passé, figé, mais autant de passés que de personnes pour s'en souvenir et les réinterpréter. Les faits s'évanouissent dans les océans de nos imaginaires. Ces jeux, sur le registre de nos devenirs, soulignent de la même façon à quel point le problème du déterminisme tient à ce mot : futur. Ou plutôt à son singulier. Le futur se doit de rester pluriel. Ouvert donc, et toujours incertain. Il ne suffit pas d'affirmer l'impossibilité des balades dans le temps pour clore la question des futurs, dont les auteurs et les autrices de l'imaginaire travaillent à cultiver l'imprévisibilité et l'inépuisable pluralité.
Cela vaut aussi pour le futur de chacun de nous. L'uchronie peut être personnelle et se concrétiser dans le devenir de son personnage principal. Celui-ci s'interroge sur son passé, sur ce qui l'a amené à ce présent-ci. Par un curieux paradoxe, la transformation d'un hier permet de comprendre l'étendue des possibles pour demain. Le lecteur et la lectrice prennent conscience de la contingence de l'Histoire, et se sentent ainsi invités à une sorte de reprise en main de leurs vies, voire de notre monde tout entier. Le sort surprenant d'un unique individu devient le détonateur d'une transformation collective.
— Pourquoi lire de la science-fiction et de la fantasy ? (et aller chez son libraire) : Manifeste pour les littératures de l'imaginaire de Ariel Kyrou, Jérôme Vincent (Page 353 - 354)