Ameimse a publié une critique de Non-noyées par Alexis Pauline Gumbs
Non-noyées : Leçons féministes Noires apprises auprès des mammifères marines
Ayant navigué ces derniers temps dans le catalogue des éditions AK Press à l'occasion de l'écriture d'un article, ça a été l'occasion de repérer plusieurs ouvrages qui ont retenu mon attention. Dans la collection "Emergent Strategy Series", il y avait notamment ce texte d'Alexis Pauline Gumbs, traduit en français l'an dernier (par Mabeuko Oberty, Myriam Rabah-Konaté et Rose B.). Elle avait été interviewée dans Mediapart à l'occasion de cette publication, dans un entretien que j'avais trouvé passionnant : www.mediapart.fr/journal/ecologie/211224/les-lecons-de-souffle-revolutionnaires-des-mammiferes-oceaniques Se présentant comme "queer, Noire, caribéenne", elle expliquait avoir recherché dans le livre son "propre mode d’écriture, au-delà de cette forme coloniale d’écriture scientifique" à laquelle elle s'était heurtée en se renseignant sur les mammifères marines.
Le texte voit s'entremêler réflexions politiques, empruntant notamment au Black feminism (l'autrice a également rédigé une biographie d'Audre Lorde) et à l'écoféminisme, se croisant et se nourrissant d'informations, aussi bien biologiques qu'historiques, à propos de …
Ayant navigué ces derniers temps dans le catalogue des éditions AK Press à l'occasion de l'écriture d'un article, ça a été l'occasion de repérer plusieurs ouvrages qui ont retenu mon attention. Dans la collection "Emergent Strategy Series", il y avait notamment ce texte d'Alexis Pauline Gumbs, traduit en français l'an dernier (par Mabeuko Oberty, Myriam Rabah-Konaté et Rose B.). Elle avait été interviewée dans Mediapart à l'occasion de cette publication, dans un entretien que j'avais trouvé passionnant : www.mediapart.fr/journal/ecologie/211224/les-lecons-de-souffle-revolutionnaires-des-mammiferes-oceaniques Se présentant comme "queer, Noire, caribéenne", elle expliquait avoir recherché dans le livre son "propre mode d’écriture, au-delà de cette forme coloniale d’écriture scientifique" à laquelle elle s'était heurtée en se renseignant sur les mammifères marines.
Le texte voit s'entremêler réflexions politiques, empruntant notamment au Black feminism (l'autrice a également rédigé une biographie d'Audre Lorde) et à l'écoféminisme, se croisant et se nourrissant d'informations, aussi bien biologiques qu'historiques, à propos de mammifères marines, le tout porté par une plume très poétique d'une grande sensibilité. L'autrice détourne et déjoue certaines étiquettes et façons mêmes d'écrire/lire (y compris les plus communes, à l'image du rejet de l'intitulé "chapitre" qui devient "méditations"). Elle recherche et emprunte des chemins qui lui sont propres et des perspectives qui dépassent la seule espèce humaine pour raconter des histoires d'oppression et d'exploitation, de luttes et de vies, de cris et de chants... C'est parfois déroutant, souvent touchant, porté par un souffle un peu lyrique qui verse dans l'incantatoire par moment. C'est un essai autant qu'un voyage réflexif, mêlant décentrement et expériences qui résonnent de façon très proche. L'occasion de se décaler et d'investir des thématiques politiques fondamentales en arpentant et expérimentant d'autres voies/faisant entendre d'autres voix. Sans avoir souscrit à toutes les propositions/partis pris, ce livre a été une belle expérience de lecture, qui ouvre des espaces, perturbe des conventions et questionne la signification et la production des mises en récit.
Le livre est en plus illustré de façon magnifique par Maya Mihindou.