Navigateur capable de diriger son voilier solaire sur les océans en suspension de la Nuée, …
Le précédent roman d'Anouck Faure, "La Cité diaphane", publié en 2023 avait été une lecture coup de coeur, dans un registre un peu à part de conte de fantasy sombre et onirique. L'autrice revient en ce début d'année avec un second roman, toujours publié par les éditions Argyll (une des maisons d'édition françaises dont je suis sans doute avec le plus d'intérêt les sorties fictions ^^).
Le premier chapitre, lu hier soir, m'a rappelé combien elle maîtrisait l'art de construire un univers et une ambiance, et d'y immerger ses lecteurices en quelques phrases. Hâte de poursuivre :)
Alors qu'elle profite d'une retraite bien méritée au bord de l’océan, passant ses journées à …
La Cité des La(r)mes
4 étoiles
Deuxième tome de la trilogie des Cités divines, "La Cité des Lames" se déroule plusieurs années après les événements du premier. Outre le décor qui change, puisqu'on y investit une autre cité avec ses particularités et une histoire propre, c'est un personnage secondaire du précédent tome qui devient le personnage central. On avait déjà pu entrevoir le potentiel de Turyin Mulaghesh, le roman confirme tout l'intérêt de cette figure, générale au fort caractère désormais à la retraite, qui est tirée de son isolement volontaire et envoyée en mission dans une nouvelle cité du continent occupée par Saypur.
Comme le précédent tome, tout commence avec une enquête - ici, une disparition. L'intrigue gagne en ampleur au fil des pages, des fausses pistes et des découvertes de Mulaghesh. Tout en laissant une large place à l'action, le récit n'en néglige pas moins les questionnements intimes que suscite la situation volatile et complexe, …
Deuxième tome de la trilogie des Cités divines, "La Cité des Lames" se déroule plusieurs années après les événements du premier. Outre le décor qui change, puisqu'on y investit une autre cité avec ses particularités et une histoire propre, c'est un personnage secondaire du précédent tome qui devient le personnage central. On avait déjà pu entrevoir le potentiel de Turyin Mulaghesh, le roman confirme tout l'intérêt de cette figure, générale au fort caractère désormais à la retraite, qui est tirée de son isolement volontaire et envoyée en mission dans une nouvelle cité du continent occupée par Saypur.
Comme le précédent tome, tout commence avec une enquête - ici, une disparition. L'intrigue gagne en ampleur au fil des pages, des fausses pistes et des découvertes de Mulaghesh. Tout en laissant une large place à l'action, le récit n'en néglige pas moins les questionnements intimes que suscite la situation volatile et complexe, prête à s'embraser, des terres où l'action se déroule. La guerre, les traumatismes qui en résultent, la valeur trop relative de la vie... sont autant de thématiques omniprésentes. Le poids du passé et de ses blessures demeurent en effet une constante dans l'histoire : anciennement esclavisée, la population de Saypour s'est révoltée il y a plusieurs décennies et est désormais devenue force occupante et colonisatrice pour ses anciens geôliers du continent.
Si le récit ne manque pas de rythme, avec une narration maîtrisée, le final aussi intense qu'émotionnel est particulièrement réussi, tous les fils réflexifs de l'oeuvre se rejoignant dans l'issue qui est mise en scène.
Littératures d'évasion, de réflexion, de recherche, de critique sociétale... Les littératures de l'imaginaire nous sont …
Les histoires d'uchronie et de voyage temporel de la fantasy et de la science-fiction suggèrent qu'il n'y a jamais eu un unique passé, figé, mais autant de passés que de personnes pour s'en souvenir et les réinterpréter. Les faits s'évanouissent dans les océans de nos imaginaires. Ces jeux, sur le registre de nos devenirs, soulignent de la même façon à quel point le problème du déterminisme tient à ce mot : futur. Ou plutôt à son singulier. Le futur se doit de rester pluriel. Ouvert donc, et toujours incertain. Il ne suffit pas d'affirmer l'impossibilité des balades dans le temps pour clore la question des futurs, dont les auteurs et les autrices de l'imaginaire travaillent à cultiver l'imprévisibilité et l'inépuisable pluralité.
Cela vaut aussi pour le futur de chacun de nous. L'uchronie peut être personnelle et se concrétiser dans le devenir de son personnage principal. Celui-ci s'interroge sur son passé, sur ce qui l'a amené à ce présent-ci. Par un curieux paradoxe, la transformation d'un hier permet de comprendre l'étendue des possibles pour demain. Le lecteur et la lectrice prennent conscience de la contingence de l'Histoire, et se sentent ainsi invités à une sorte de reprise en main de leurs vies, voire de notre monde tout entier. Le sort surprenant d'un unique individu devient le détonateur d'une transformation collective.
Littératures d'évasion, de réflexion, de recherche, de critique sociétale... Les littératures de l'imaginaire nous sont …
Extrait de l'entretien avec Alice Carabédian, « L'utopie de la Culture de Iain M. Banks », p. 501-510.
Question : Tout comme moi, tu crois en la capacité des fictions à influencer la société et le monde ?
Alice Carabédian : Oui, parce que je crois que c'est là que se forment les images de la société. Je ne dis pas qu'un livre changera la face du monde, mais je pense qu'il contribue à changer l'idée du monde qu'on veut. C'est pour ça que je disais que la science-fiction joue un rôle crucial, surtout aujourd'hui où le futur semble constamment rattraper le présent, comme dans une dystopie. Il est essentiel de reconnaître la responsabilité de la science-fiction. Il existe aussi une SF irresponsable qui joue avec des images dangereuses. Face à la transition de l'imaginaire à la réalité, il est crucial de réfléchir à comment l'utiliser de manière constructive.
Littératures d'évasion, de réflexion, de recherche, de critique sociétale... Les littératures de l'imaginaire nous sont …
Extrait de l'entretien avec Catherine Dufour, « L'expérimentation d'autres possibles », p. 285-294.
Même quand la science-fiction est hyper dépressive, elle nous donne l'impression qu'il est possible d'essayer de maîtriser notre destin. En nous alertant sur tel ou tel point, elle nous enjoint, nous, peuple, citoyen·es, lecteurs, lectrices, de faire quelque chose. Elle nous fait croire que nous avons les moyens, si on agit en collectif, d'influer sur notre présent et notre avenir. Si on est persuadé que rien n'est possible, il n'y a pas de science-fiction.
La Terre brûle. Le travail ne s'arrête jamais, tout est devenu marchandise. En quête de …
À la lumière des écrits tardifs de Marx, suscités par sa lecture des sciences naturelles et son étude des sociétés indigènes qui étaient fondées sur une économie stationnaire, Kōhei Saitō explique la vision d'un communisme décroissant, et comment cela permettrait de résoudre les crises démocratique et climatique. Avant cela, il a démontré comment les voies généralement promues, croissance verte, keynésianisme écologique, technologie, ne suffiront pas à déjouer le dérèglement climatique et, même, le poursuivront.
C'est une lecture intéressante, une vision prometteuse. Malheureusement, le livre lui-même est un peu décevant : redondances, arguments répétés comme des mantras que des exemples plus détaillés auraient pu étayer plus solidement, langue assez pauvre de la traduction, au point que je me demande si elle n'était pas essentiellement automatisée. Et ce titre français si banal, alors que le titre original, Le capital dans l'anthropocène inscrivait d'emblée son sujet dans l'étau où nous, humains, sommes actuellement …
À la lumière des écrits tardifs de Marx, suscités par sa lecture des sciences naturelles et son étude des sociétés indigènes qui étaient fondées sur une économie stationnaire, Kōhei Saitō explique la vision d'un communisme décroissant, et comment cela permettrait de résoudre les crises démocratique et climatique. Avant cela, il a démontré comment les voies généralement promues, croissance verte, keynésianisme écologique, technologie, ne suffiront pas à déjouer le dérèglement climatique et, même, le poursuivront.
C'est une lecture intéressante, une vision prometteuse. Malheureusement, le livre lui-même est un peu décevant : redondances, arguments répétés comme des mantras que des exemples plus détaillés auraient pu étayer plus solidement, langue assez pauvre de la traduction, au point que je me demande si elle n'était pas essentiellement automatisée. Et ce titre français si banal, alors que le titre original, Le capital dans l'anthropocène inscrivait d'emblée son sujet dans l'étau où nous, humains, sommes actuellement pris, le capitalisme et la crise climatique qu'il a provoquée.
MOISSON AU CLAIR DE LA TERRE
Le nouveau roman de Catherine Dufour, autrice de science-fiction …
Au-delà de sa fonction agricole, la ferme représente un vaste espace sensoriel. Car, si la nourriture est primordiale pour les populations de toutes espèces, la sensorialité ne l’est pas moins. La beauté d’un jardin nourrit l’esprit via les sens : couleurs, parfums, bruits de source, chants d’oiseaux, fraîcheur de l’air et douceur de l’herbe. Pour parvenir à ce résultat, j’ai mêlé les variétés consommables avec des essences ornementales, en plus des plantes nécessaires à la fertilisation et la fixation de l’azote.
De septembre 1973 à juin 1980, Annie Chemla nous livre le journal d’une militante du …
Ce témoignage d’Annie Chemla est passionnant ! Je connaissais dans les grandes lignes la brève histoire du MLAC, les avortements clandestins et les procès. Mais ici, derrière la « grande histoire », c’est l’histoire humaine qui se dévoile. Au delà de la lutte pour conquérir de nouveaux droits, c’est une histoire de femmes, de sororité, d’empouvoirement, de ce que l’action concrète fait, bien au delà des discours et des actions symboliques.
Et puis, en ces temps de monté du fascisme, lire des récits de luttes victorieuses fait un bien fou. Oui, elles l’ont fait, et cela donne l’espoir que demain d’autres le refassent.
Trois Etats de la côte ouest des Etats-Unis - la Californie, l'Oregon et l'Etat de …
Une loi impose aujourd'hui de soumettre tous les prototypes de nouveaux objets à un jury de dix citoyens ordinaires (on n'utilise pas le terme de « consommateur » dans une conversation polie). L'autorisation de fabriquer tel ou tel produit est seulement accordée si tous les jurés peuvent réparer les pannes probables avec des outils de base.
Kintu is a novel by Ugandan author Jennifer Nansubuga Makumbi. It was her doctoral novel, …
Une saga familiale d'une intensité exceptionnelle.
5 étoiles
Face à un tel livre on est renvoyé à son incompétence comme "critique littéraire" du dimanche sur les réseaux sociaux. Je vais toutefois me lancer.
Ce roman est une saga familiale qui commence en 1750 avec l'histoire du gouverneur d'une province du Buganda, Kintu. Par ses erreurs, il s'attire, sur lui et sur sa descendance, une terrible malédiction.
On retrouve diverses branches de sa descendance plus de 200 ans plus tard à la fin du XXeme siècle, aux prises avec cette même malédiction, mais aussi avec les différents maux qui frappent l'Ouganda. Le régime d'Amin Dada, la guerre, l'épidémie de Sida, plus généralement aux tensions de cette société où les valeurs traditionnelles se heurtent aux monothéismes, au militarisme, aux épidémies. On suit ce "clan" qui cherche à se reconstituer et à réparer les fautes de leur aïeul pour mettre fin à la malédiction qui les frappe.
J'ai énormément apprécié ce …
Face à un tel livre on est renvoyé à son incompétence comme "critique littéraire" du dimanche sur les réseaux sociaux. Je vais toutefois me lancer.
Ce roman est une saga familiale qui commence en 1750 avec l'histoire du gouverneur d'une province du Buganda, Kintu. Par ses erreurs, il s'attire, sur lui et sur sa descendance, une terrible malédiction.
On retrouve diverses branches de sa descendance plus de 200 ans plus tard à la fin du XXeme siècle, aux prises avec cette même malédiction, mais aussi avec les différents maux qui frappent l'Ouganda. Le régime d'Amin Dada, la guerre, l'épidémie de Sida, plus généralement aux tensions de cette société où les valeurs traditionnelles se heurtent aux monothéismes, au militarisme, aux épidémies. On suit ce "clan" qui cherche à se reconstituer et à réparer les fautes de leur aïeul pour mettre fin à la malédiction qui les frappe.
J'ai énormément apprécié ce livre, une plongée dans les coutumes et la vie du Buganda, puis celles de l'Ouganda, de façon très vivante dans les deux cas. Une vraie immersion. Plusieurs intrigues sont menées de front et s'entremêlent, avec des personnages aux prises à des problèmes à la fois spirituels et terriblement concrets.
En un volume, on a quelque chose qui tient à la fois des Rougon-Macquart pour les "fêlures" qui resurgissent de génération en génération, et de "Cent ans de solitude" pour là aussi le suivi de cette famille sur des décennies, et ce côté magique, cyclique sans l'être tout à fait.
En ce sens j'ai l'impression que c'est un chef d'œuvre, en tout cas un roman qui restera marquant pour moi.
[Résumé éditeur]
« Parfois, le seul moyen de repousser les êtres qui hantent les ténèbres …
Je lui racontai toutes ces histoires et bien d’autres, parce que nous connaissons plus de cent récits portant sur les origines des neixin et les raisons de notre existence. Nous sommes célèbres pour nos ailes et notre parole, mais ce sont nos souvenirs qui font de nous ce que nous sommes. Nous sommes là pour que jamais ne disparaissent les adelphes que nous aimons, non plus ce qu’ils ont appris et, parfois, ce pour quoi elles sont mortes. Nous sommes la mémoire de leurs derniers instants et nous n’oublieront jamais.
À l’aube des années 1980, Babylon est une ville de Floride comme les autres, avec …
Promesse tenue, ce fut une lecture distrayante et horrifique. Le surnaturel a ceci de plaisant que ceux qui n'en sont pas témoins sont réduits à des sortes de pirouettes pour en expliquer les conséquences. Ça ne le rend que plus vraisemblable. Que plus vrai. En tout cas, je n'irai pas me baigner dans ces rivières près de Babylon.
Quand Tass était enfant, les adultes lui ont raconté l'histoire de sa terre à plusieurs …
Depuis l’adolescence, Tass aime Louise Michel comme son aïeule parce que celle-ci a écrit des textes qui racontent une traversée similaire à celle de son aïeul réel, lequel n’a jamais écrit de textes parce qu’il ne savait pas écrire et, s’il avait su, personne ne les aurait gardés. Il y a un gros trou de textes dans l’Histoire familiale de Tass – l’Histoire familiale de Tass commence par un trou énorme, du vide bien épais, du noir poisseux, et quand on s’extirpe enfin du trou, dans les soixante dernières années, on voit apparaître des textes : des vieilles lettres et des vieilles cartes postales et des vieux bulletins et des vieux poèmes d’enfants mais toute leur apparente vieillerie est ridiculisée par le trou qui est ancien, archaïque, et qui crie que ces textes jaunis sont en fait la modernité, même si la famille de Tass en a fait son Histoire.
Quelque part dans les éternités du Vide...
Une inoubliable utopie.
Au sein du système Texi-221, …
Les essaims
5 étoiles
"Les essaims" est une novella (d'un peu plus d'une centaine de pages) qui se situe dans un futur particulièrement distant. L'humanité a "essaimé" dans toute la galaxie. Les civilisations humaines naissent et disparaissent désormais sous les regards de conducteurices de Reines qui essaiment la vie dans les différents systèmes solaires, tout en tentant de conserver le sens de leur mission en préservant leur humanité.
À l'occasion de l'escale d'une conductrice dans un système solaire où l'existence et l'équilibre des êtres vivants est rythmé par une "Rotation" qui intrigue, le roman est l'occasion pour l'autrice d'esquisser divers questionnements autour de l'existence humaine, la notion d'appartenance, ou encore ce qui fait une société, et ce face au temps et au vide de l'espace que fait particulièrement ressortir le point de vue original d'une narratrice, contributrice initiale mais surtout observatrice extérieure, de ces civilisations humaines qu'elle voit naître, mais parfois aussi disparaître.
L'ensemble …
"Les essaims" est une novella (d'un peu plus d'une centaine de pages) qui se situe dans un futur particulièrement distant. L'humanité a "essaimé" dans toute la galaxie. Les civilisations humaines naissent et disparaissent désormais sous les regards de conducteurices de Reines qui essaiment la vie dans les différents systèmes solaires, tout en tentant de conserver le sens de leur mission en préservant leur humanité.
À l'occasion de l'escale d'une conductrice dans un système solaire où l'existence et l'équilibre des êtres vivants est rythmé par une "Rotation" qui intrigue, le roman est l'occasion pour l'autrice d'esquisser divers questionnements autour de l'existence humaine, la notion d'appartenance, ou encore ce qui fait une société, et ce face au temps et au vide de l'espace que fait particulièrement ressortir le point de vue original d'une narratrice, contributrice initiale mais surtout observatrice extérieure, de ces civilisations humaines qu'elle voit naître, mais parfois aussi disparaître.
L'ensemble est porté par une plume douce, toujours sensible, souvent mélancolique, qui ne m'a pas laissée indifférente.
Un roman de science-fiction réflexif et touchant à plus d'un titre.