User Profile

Ameimse

Ameimse@bw.heraut.eu

Joined 2 years, 3 months ago

Un compte bookwyrm pour y partager/recenser diverses lectures : - des romans de littératures de l'imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique). Lus principalement en VF, parfois en VO anglophone. - quelques écrits adoptant des perspectives critiques pouvant être féministes, décoloniales, écologiques... - possiblement à l'occasion des livres d'histoire.

Sur mastodon, je suis par là : social.sciences.re/@ameimse

This link opens in a pop-up window

Ameimse's books

Currently Reading

Olivia Tapiero: Un carré de poussière (Paperback, Français language, 2025, Éditions du commun) No rating

« Les monuments remontent, les autres corps coulent, chaque nation se décharge. Les guerres se …

Des femmes disparaissent derrière les murs. Ils nomment pensée ce qui reste du côté des décideurs et je demande combien de fantômes pour le monde de la raison, combien d'oiseaux fracassés contre un reflet de ciel, le siècle des Lumières en valait-il la peine. L'avenir ne durera plus très longtemps. Les cigognes sont parties, elles ne reviendront pas. Des métaphores liquéfiantes ont naturalisé le capital et à présent les lauriers fleurissent dans les ravins secs où l'eau passait l'année dernière, leurs pétales roses s'éparpillent comme une mémoire d'avant-soif. Le bison dessiné sur la paroi de la grotte annonce l'extinction à même la préhistoire, les pyramides de crânes sous les sols d'Amérique. Depuis le début c'est le mur qui écrit.

Un carré de poussière by  (Page 48)

reviewed Searoad by Ursula K. Le Guin

Ursula K. Le Guin: Searoad (Paperback, French language, 2025, Rivages)

À Klatsand, petite ville imaginaire de la côte Ouest, gens d’ici et visiteurs de passage …

Searoad

"Searoad" est un livre paru en 1991 aux États-Unis et dont la première traduction française (réalisée par Hélène Collon) a été proposée cet automne. Cela permet de continuer d'explorer en français l'oeuvre riche et foisonnante d'Ursula K. Le Guin.

Le roman propose une succession de portraits et de trajectoires personnelles, plus ou moins connectées, se déroulant au sein d'un village de bord de mer états-unien fictif, Klatsand. S'il enchaîne d'abord les textes courts, il se conclut par une dernière histoire, plus longue, offrant un récit intergénérationnel de plusieurs figures féminines depuis la fin du XIXe siècle. Ce récit non linéaire, dont la construction narrative ciselée, autant que les sujets abordés, sont d'une puissance et d'un souffle rares, condense tout ce que laisse peu à peu transparaître l'oeuvre.

L'oeuvre m'a particulièrement marquée par la richesse d'une écriture qui confère, en quelques lignes, une épaisseur et une densité à tous …

Sarah Gailey: Wanted : Femmes intègres (Paperback, French language, 2025, Goater) No rating

En se réfugiant dans le chariot des Bibliothécaires, Esther voulait simplement fuir : son père, …

Mais plus Esther parlait avec Cye, plus elle se rendait compte que la liste des choses qu'elle n'avait jamais vues était plus longue que les ombres étirées sous le soleil du désert. Pas seulement des choses qu'elle n'avait jamais vues, des choses qu'elle n'aurait même pas pensées possibles. Bet et Leda blotties sous la même couverture à côté du feu, une carte dépliée sur les genoux, sans que ni l'une ni l'autre ne jettent des regards inquiets aux alentours pour s'assurer que personne n'avait vu leurs mains se toucher. Les yeux de Cye danser alors qu'ael racontait des histoires d'enfilage de pantalon au milieu d'un bal populaire pour faire virevolter la moitié de la salle qu'ael avait manquéx quand ael avait une robe. Geneviève, Amity et Trace cachées dans le double-fond du chariot à matériel tandis qu'un shérif jovial, mais armé jusqu'aux dents, cherchait de la contrebande. [...] Ces personnes étaient contentes d'elles-mêmes. Elles s'aimaient, non pas malgré qui elles étaient, mais à cause de qui elles étaient. Ce n'était pas logique, pas du tout. Ce genre de joie ne devrait pas être possible pour des femmes comme elles. Leur joie était aussi luxuriante qu'une table pleine à craquer de fruits mûrs, de viande à la peau croustillante et de beurre de baratte. C'était une tentation. C'était une promesse. C'était impossible. Elle voulait cette satisfaction. Elle la voulait rien que pour elle, la voulait comme un rat d'égout à moitié mort de faim contemple cette table de l'autre côté d'une fenêtre lors d'une nuit de disette. Elle ne savait pas comment l'obtenir. Mais il lui semblait que si elle restait assez longtemps avec les Bibliothécaires, elle arriverait à comprendre. Comment festoyer plutôt qu'être affamée. Comment aimer la personne qu'elle était plutôt que de la combattre.

Wanted : Femmes intègres by  (Page 48 - 50)

avatar for Ameimse Ameimse boosted

reviewed Citadins de demain by Claire Duvivier (Capitale du Nord, #1)

Claire Duvivier: Citadins de demain (Paperback, Français language, 2021, Aux Forges de Vulcain)

Amalia Van Esqwill est une jeune aristocrate de Dehaven, issue d'une puissante famille : son …

Une belle découverte que ce premier tome !

D'abord j'ai trouvé l'histoire longue à se mettre en place. Dès les premières pages, on sait qu'il va y avoir une catastrophe, la narratrice nous le dit, mais il faut attendre longtemps avant de commencer à l'entrevoir. Ensuite je n'ai pas vraiment aimé le personnage d'Amalia, la narratrice. Je l'ai trouvé agaçante. Amalia étant une aristocrate adolescente, c'est toutefois tout à fait normal qu'elle m'agace. Donc j'ai trouvé le personnage très bien écrit. Et puis tout à coup tout s'accélère. Sans crier gare, l'histoire devient même flippante. Impossible de lâcher la lecture ! Plein de questions qui surgissent. C'est quoi cette magie, cet ensorcellement, ce sortilège ? Et alors la catastrophe ! Ce premier tome se finit sur un évènement brutal et si rapide que les personnages n'ont le temps ni de le voir venir, ni de réaliser réellement ce qu'il se passe. Un cliffhanger qui ne peut que donner …

Ursula K. Le Guin: Searoad (Paperback, French language, 2025, Rivages)

À Klatsand, petite ville imaginaire de la côte Ouest, gens d’ici et visiteurs de passage …

Elle est née de moi au bout d’une ultime, interminable vague de souffrance indicible et, désormais, elle s’ébat librement. Elle revient, elle rentre à la maison, chez elle à quatre heures de l’après-midi, un verre de lait et un petit gâteau, est-ce qu’on peut aller jouer au bord de la rivière, jamais absente plus d’une nuit, pas encore, jamais plus loin qu’une excursion avec l’école, mais déjà elle s’éloigne de moi à toutes jambes. Je sens le fil s’étirer, le fin cordon d’acier sur lequel elle ne cessera de tirer au fil des ans, éthéré, si mince que lorsqu’elle ne sera plus là, c’est à peine si j’aurai conscience de lui, je n’y penserai pas pendant des semaines, peut-être, jusqu’à ce qu’un coup sec m’arrache un cri en mémoire de la douleur dans les racines de la matrice qui tire et tord la corde sensible et me blesse en plein cœur. La sensation est déjà là. Je l’ai éprouvée quand elle a fait ses premiers pas non pas vers moi mais en s’éloignant de moi. Elle a vu un jouet qu’elle voulait, elle s’est levée, a fait ses quatre premiers pas et chu sur lui, toute à son triomphe. Elle est allée là où elle voulait. Mais je ne peux pas lui courir après. Je ne dois pas la poursuivre, je ne dois pas en faire ma proie. Même la chair de ma chair, je ne pourrai pas la talonner, trébuchante, tandis que mon âme fait ses premiers pas, avant de m’étaler, vaincue, les mains vides, hurlant pour qu’on me console.

Searoad by  (90%)

Ursula K. Le Guin: Searoad (Paperback, French language, 2025, Rivages)

À Klatsand, petite ville imaginaire de la côte Ouest, gens d’ici et visiteurs de passage …

J’ai fait ce que nous faisons presque tous, feindre de tenir à distance notre monde à nous, enveloppé dans notre peau, pour nous protéger, j’ai cru qu’il n’y avait rien d’autre que moi. Mais notre monde passe, il passe à travers nous et nous à travers lui ; il n’y a pas de frontière. J’inspire l’air aussi longtemps que je vis et je l’expire tiédi. Quand je pouvais encore courir, je courais sur la plage en laissant mes empreintes de pas derrière moi dans le sable. Tout ce que je pensais, tout ce que je faisais, c’est le monde qui me l’a donné et je le lui ai rendu. Mais la mer, elle, ne se laisse pas incorporer. Elle ne se laisse pas marquer par des empreintes. Elle ne vous soutient que si vous battez des bras et des jambes jusqu’à épuisement et là, elle vous laisse glisser vers le fond, comme si vous n’aviez même pas tenté de nager. La mer est implacable. Et infatigable. Toutes les nuits, les longues nuits, je l’entends être infatigable. Si je pouvais me poster derrière les fenêtres côté est, je verrais jusqu’à la chaîne côtière, les montagnes bleues dont la forme ne varie jamais. Elles laissent l’esprit suivre leurs courbes contre le ciel comme elles se laissent fouler aux pieds. Et, allongée là, je regarde les nuages et eux ne sont pas infatigables, ils sont reposants. Ils changent lentement, ils fondent jusqu’à ce que l’esprit fonde parmi eux et change, silencieux comme eux. Mais la mer tout en bas, elle, se tape la tête contre les rochers, sa tête blanchie, comme un vieux roi fou qui broie et mue la roche en sable entre ses doigts, mange les terres. Elle est violente. Elle refuse de se tenir tranquille. Par les nuits les plus calmes, je l’entends, la mer. L’air est silence sauf si le vent souffle fort, la terre est muette, à part les voix des enfants, et le ciel ne dit rien. Mais la mer crie, rugit, chuinte, tonne, gronde sans cesse et sans fin, et ce bruit, elle le fait depuis le commencement du monde et continuera à le faire pour l’éternité, sans cesse et sans halte, jusqu’à ce que le soleil s’éteigne. Alors viendra vraiment la mort, quand la mer mourra, la mer qui signifie notre mort, l’indifférente altérité. Imaginer la mer muette est terrible. À cette idée, je songe que la paix reste en suspens comme une gouttelette d’embruns, une bulle d’écume, dans le tumulte des vagues, et que du vacarme dénué de sens émerge le chant de toutes les voix. Le fracas du temps. Fleuves et rivières chantent dans leur course vers la mer, renvoient leur chant jusque dans l’incessant vacarme amélodique, seule et unique constante en ce monde. Les étoiles, en se consumant, émettent aussi ce vacarme-là. Dans le silence de mon être, à présent, je l’entends. Les cellules de mon corps se consument dans ce son. Allongée là, je dérive comme une gouttelette d’embruns, une bulle d’écume, le long de la plage de lumière. Je cours, je cours, vous ne m’attraperez pas !

Searoad by  (85%)

quoted Searoad by Ursula K. Le Guin

Ursula K. Le Guin: Searoad (Paperback, French language, 2025, Rivages)

À Klatsand, petite ville imaginaire de la côte Ouest, gens d’ici et visiteurs de passage …

Après avoir lu sa lettre, j’ai éprouvé le besoin d’aller marcher un peu, de descendre à la plage, de sentir le ciel au-dessus de moi. Les vagues, toutes de perle et de nacre, déferlaient en émergeant d’une brume nimbée de soleil. J’ai fait ma promenade habituelle jusqu’à la Pointe Épave. Au retour, j’ai croisé des estivants sur la plage ; il y en a tout le temps, maintenant. La famille qui est descendue chez Viney et des gens qui séjournent à l’hôtel. Un garçon fluet m’a immédiatement fait penser à Lafa. Douze, treize ans, un enfant encore. Il est entré dans l’eau à toute allure, par l’estuaire, les lagunes, les grandes nappes laissées par la marée basse. Un joli petit garçon qui courait en levant haut les genoux, la casquette enfoncée jusqu’aux yeux, le nez en l’air, et qui faisait le clown pour sa famille à grand renfort d’éclaboussures et de virevoltes, léger comme la lumière. Et je me suis dit : Oh, qu’est-ce qui, plus tard, les change à ce point ? J’en ai eu le cœur tordu, essoré comme un torchon à vaisselle – qu’est-ce qui leur arrive donc, à ces jeunes garçons gracieux ? Un autre garçonnet, plus petit, celui-là. Toute une famille avançait à la queue leu leu en se traînant, épuisée, toute la journée à la plage, mais ce sont leurs vacances, il faut en profiter au maximum. Alors ils avançaient péniblement en direction des dunes, et le plus petit, à la remorque, s’était arrêté, en larmes. Il avait laissé tomber les plumes de goéland qu’il avait trouvées. Il restait planté là, les pieds entourés de plumes pleines de sable, à pleurer : Oh, j’ai laissé tomber toutes mes plumes ! Larmes et morve mêlées coulent sur son visage, Oh, attendez, attendez ! Il faut que je les ramasse ! Mais ils ne se sont pas arrêtés. Ils ne se sont même pas retournés. Il avait six ans, peut-être sept, trop grand pour pleurer sur une poignée de plumes. Il est temps d’être un homme, maintenant. Il a dû rattraper les autres au pas de course, pleurant toujours, et ses plumes sont restées là, sur le sable.

Searoad by  (75%)

Sabrina Calvo: Mais cette vie - là demande. toujours. plus. de. lumière. (Paperback, French language, 2025, Commun)

"Liberté du tissu qui s'échappe comme la vie elle-même. Laisser cette porte ouverte au mouvement, …

Mais cette vie-là demande. toujours. plus. de. lumière.

Comme @Balbec@bw.heraut.eu a créé une liste consacrée aux lauréates du premier prix Gouincourt (bw.heraut.eu/list/119/s/laur%C3%A9ates-du-prix-gouincourt), l'occasion de revenir sur un des textes lauréats, lu il y a quelques semaines : "Mais cette vie-là demande. toujours. plus. de. lumière." Un texte poétique, très intime, où s'entremêlent rapports à la vie, au corps, à la création. Des mots qui résonnent, percutent, déchirent et marquent. Une prose qui happe, dans laquelle on s'immerge et dont on ne ressort pas tout à fait indemne.

À noter que, de façon générale, la collection "Poésie" des éditions du commun regorgent de magnifiques textes qui méritent le détour.

Sabrina Calvo: Mais cette vie - là demande. toujours. plus. de. lumière. (Paperback, French language, 2025, Commun)

"Liberté du tissu qui s'échappe comme la vie elle-même. Laisser cette porte ouverte au mouvement, …

Alors, une dernière fois, je passe du monde à l'abysse - pour témoigner depuis la zone de guerre de l'expérience humaine et du chant des oiseaux morts. Je suis un corps capricieux qui n'a de cesse de changer de forme. Toute entière livrée au regard de l'autre, sculptée par son désir. Autre. Au-delà, en deçà. En travers. Fuir. Fuite. Fugue. Maudite et bénie. Toute dans l'entre, dans la fente. En dedans. Au-dehors. Je suis cette fille abandonnée sur le bord de la route. Je suis cette femme en boule devant sa machine à laver. Perdue dans un monde où tout flou est moqué. M'incarner parfois me tord. Alors, en biais je me découpe. Je tranche à la peau renversée.

Mais cette vie - là demande. toujours. plus. de. lumière. by  (Page 78)

avatar for Ameimse Ameimse boosted

finished reading Défense d'extinction by Ray Nayler

Ray Nayler: Défense d'extinction (Paperback, Science-fiction language, 2025, Le Belial')

D’ici un siècle, peut-être davantage. Au fin fond de la taïga russe, des milliers d’années …

Toujours aussi séduit par l'écriture et la force des personnages des récits de Ray Nayler. Je conseille absolument. C'est puissant, c'est âpre et cela donne à réfléchir. Pour plus de détails voir la critique d'Ameimse

avatar for Ameimse Ameimse boosted
Anne Crignon: Une belle grève de femmes (2023)

Douarnenez (Finistère), l’hiver 1924. Dans les vingt conserveries de sardines, deux mille « filles d’usine …

La grève des Penn Sardines

No rating

Après avoir lu le récit de Lucie Colliard, j'ai pris le temps de lire le texte de Anne Crignon. Celui-ci reprend beaucoup d'extraits du texte de Colliard et de propos recueillis par Anne Denes Martin (Les ouvrières de la mer. Histoire des sardinières du littoral breton) auprès de ses ouvrières. Anne Crignon retrace les conditions extrêmement dures dans lesquelles vivaient la population de Douarnenez à l'époque, autant le travail à l'usine vécue dès l'âge de 10 ans par les filles, jusqu'à la mort pour toutes car il n'y avait ni sécurité sociale ni retraite een ce temps-là, que dans la vie quotidienne de toutes ces familles où seul le chant et l'entraide apportaient la joie, avec le souci d'être bien apprêtée le dimanche à la messe. Elle campe assez bien les principaux personnages emblématiques de cette grève, le maire Le Flanchec (dont la fin tragique a quelque peu terni l'image …