Ameimse a commencé la lecture de Le pays sans lune par Simon Jiménez

Le pays sans lune de Simon Jiménez
Dans le Vieux Pays, le peuple souffre sous la domination du Trône de la Lune. L'empereur et ses fils monstrueux …
Un compte bookwyrm pour y partager/recenser diverses lectures : - des romans de littératures de l'imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique). Lus principalement en VF, parfois en VO anglophone. - des écrits adoptant des perspectives critiques pouvant être féministes, décoloniales, écologiques... - possiblement à l'occasion des livres d'histoire.
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Dans le Vieux Pays, le peuple souffre sous la domination du Trône de la Lune. L'empereur et ses fils monstrueux …
Connaissez-vous la poésie vibratoire des araignées ? l’architecture sacrée des wombats ? les aphorismes éphémères des poulpes ? Bienvenue dans …
D'abord, il faut écrire. Pour écrire, on a besoin d'un peu d'argent et d'une chambre / d'un lieu / d'une pièce (au choix) à soi. Pleins de textes ne sont jamais écrits par leur autrice est trop occupée à biberonner, langer, nettoyer, rassurer, ranger, cuisiner, turbiner, plaire, flatter, stimuler, encourager, coudre, accoucher, réconforter, épiler, lessiver, répondre, câliner, s'imposer, balayer, satisfaire, éviter, soigner, retrouver ses esprits, serpiller, exciter, se défendre, épousseter, habiller, s'habiller, lisser, nourrir, transitionner, produire, s'excuser, excuser, reproduire, sourire, riposter, guérir, s'échapper, servir, fabriquer, cultiver, pétrir, cicatriser, fuir, usiner, se débrouiller, éduquer, réparer, se réparer, s'interrompre parce que ça déborde, ça crie, ça demande, ça exige, ça mate, ça bloque, ça insiste, ça force. Ça laisse tout de suite moins de temps pour écrire. Ça c'est là un premier processus de masculinisation, qui s'articule bien sûr avec d'autres processus comme le blanchiment, l'embourgeoisement, l'hétérosexualisation.
— Sur les bouts de la langue de Noémie Grunenwald (Page 62)
Je sais que dans cet ouvrage j'utilise parfois des termes dans les définir. C'est un choix que je fais et que j'assume. D'habitude, c'est toujours aux autres différents de se définir, de se situer, d'exposer leur « parcours », leurs « particuliarités », leurs « origines », leurs « orientations ». On en demande rarement autant aux normaux : les hommes n'ont pas un point de vue masculin, ils ont un point de vue, les blanc·hes ne sont pas blanc·hes, iels sont sans couleur, les hétérosexuel·les n'ont pas d'orientation sexuelle, iels sont naturel·les. Alors pourquoi je devrais définir les relations butch/fem quand jamais personne ne définit les modalités du couple hétérosexuel ? Pour les mêmes raisons, je parle de moi sans me définir clairement. Sans nommer les cicatrices qui marquent mon corps. Sans référencer mes hontes ni mes fiertés. Les femmes sont souvent reléguées à la figuration. Au mieux célébrées pour ce qu'elles sont. Pour ce qu'elles sont supposées être. Pour l'image que les hommes se font d'elles. Jamais pour ce qu'elles font. Je ne veux pas nommer qui je suis car je veux parler de ce que je fais. Ce que je suis est important, oui, mais ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est ce que j'en fais. J'aime ce que je fais. Je crois en ce que je fais. Je veux qu'on me parle de ce que je fais. Pas de qui je suis.
— Sur les bouts de la langue de Noémie Grunenwald (Page 73 - 74)
Découvert ici : toot.portes-imaginaire.org/@allius/114993961257485215
Un beau texte, manifestement largement autobiographique, mêlant souvenirs d’enfance et portraits touchants. Elle évoque la vie d’une femme trans en Argentine au tournant du millénaire, l’enfance dans un petit village, l’arrivée à la ville, la prostitution et la sororité de la petite bande de prostituées trans. C’est tantôt violent (mentions de viol et violences sexuelles), tantôt tendre, écrit dans une jolie langue pleine de réalisme poétique. En fond se dévoile toute l’hypocrisie de la société à l’égard des transsexuelles, aimées dans l’obscurité, vilipendées à la lumière. La succession d’anecdotes, de tranches de vie, peint un tableau plein d’empathie de ces sœurs. J’ai trouvé ce récit touchant.
Il s'agit du premier ouvrage d'une nouvelle collection, "Abécédaire de l'imaginaire", s'inscrivant dans la continuité d'une revue allemande, Kapsel, qui traduit et diffuse des histoires de science-fiction chinoise. L'objectif y est de croiser des visions d'auteurices chinois·es et européen·nes, pour initier des échanges et envisager des façons de raconter des futurs. Le projet éditorial est donc le suivant : constituer des ouvrages autour d'une nouvelle écrite par un·e auteurice chinois·e, à partir de laquelle des auteurices européen·nes proposent des textes inédits qui font écho à cette nouvelle. Inaugurant la collection, "Arborescences" rassemble trois nouvelles : "Le nid", d'une autrice chinoise Chi Hui, traduite en français par Gwennaël Gaffric. En écho, deux nouvelles sont proposées : "Une fluctuation dans le vide", d'Aiki Mira (traduction de l'allemand par Thomas Herth et Miléna Yung), et "Marginalia", de luvan. L'ouvrage est accompagné d'illustrations d'étudiant·es de la Haute École des arts du Rhin, à Strasbourg. …
Il s'agit du premier ouvrage d'une nouvelle collection, "Abécédaire de l'imaginaire", s'inscrivant dans la continuité d'une revue allemande, Kapsel, qui traduit et diffuse des histoires de science-fiction chinoise. L'objectif y est de croiser des visions d'auteurices chinois·es et européen·nes, pour initier des échanges et envisager des façons de raconter des futurs. Le projet éditorial est donc le suivant : constituer des ouvrages autour d'une nouvelle écrite par un·e auteurice chinois·e, à partir de laquelle des auteurices européen·nes proposent des textes inédits qui font écho à cette nouvelle. Inaugurant la collection, "Arborescences" rassemble trois nouvelles : "Le nid", d'une autrice chinoise Chi Hui, traduite en français par Gwennaël Gaffric. En écho, deux nouvelles sont proposées : "Une fluctuation dans le vide", d'Aiki Mira (traduction de l'allemand par Thomas Herth et Miléna Yung), et "Marginalia", de luvan. L'ouvrage est accompagné d'illustrations d'étudiant·es de la Haute École des arts du Rhin, à Strasbourg.
"Arborescences" s'ouvre avec "Le nid", laquelle propose une déclinaison originale autour des thématiques classiques d'une certaine science-fiction : il y est question d'impérialisme et de conquête spatiale d'un Empire galactique humain, face à une société non humaine, pacifique, les Tanlas, dont la planète attise les convoitises. L'autrice force à grands traits les réflexes ethnocentrés, les préjugés et l'arrogance des Solariens, tandis qu'elle permet aux lecteurices de voir peu à peu dévoilées les spécificités et les soubassements de la société matriarcale autochtone dont les humains entendent exploiter la planète selon leurs seuls besoins. L'ensemble forme un court récit, solidement exécuté, dont la chute finale est parfaitement amenée et vient détourner avec brio les archétypes avec lesquels l'autrice joue tout au long du récit.
Partant sur des bases narratives beaucoup plus déstabilisantes, la seconde nouvelle, "Une fluctuation dans le vide", m'a marquée. J'avais eu une première expérience de lecture d'Aiki Mira grâce à un très court texte traduit et publié un peu plus tôt cette année dans l'anthologie "Soleil·s. 12 fictions héliotopiques" parue chez La Volte. Les quelques pages m'avaient alors fait forte impression. "Une fluctuation dans le vide", plus longue, est une sorte de confirmation. J'espère que d'autres oeuvres d'Aiki Mira seront traduites en français ! La nouvelle ici proposée investit un registre cyberpunk en délivrant un récit aussi intense que déroutant qui, depuis la subjectivité d'une "larve", entraîne les lecteurices dans une quête d'incarnation, de corporéité, de liberté, de construction de soi... Cela donne une narration particulièrement travaillée et assez vertigineuse, qui m'a happé comme rarement.
Enfin, "Marginalia" de luvan offre une autre déclinaison autour des thèmes du changement, de la différence et de l'altérité, s'aventurant cette fois dans un cadre post-humain : celui d'une société féminine descendant de l'humanité qui s'en éloigne biologiquement peu à peu au fil de diverses mutations. Sous la forme d'un récit épistolaire relatant a posteriori une histoire marquée par des catastrophes, il y est question d'adaptation, d'évolution, d'amour, mais aussi de tragédies à laquelle la narratrice prépare les lecteurices... et de ce fossé de plus en plus grand qui se creuse avec une humanité surplombante et exploitante. Dans cette post-humanité, s'esquisse un autre rapport au monde, au temps, à l'altérité. La chute-ouverture est ici encore admirablement amenée, tout en permettant de renouer directement avec l'univers du "Nid".
En résumé, j'ai beaucoup aimé, aussi bien les trois nouvelles envisagées de façon indépendante, que l'ensemble et la façon dont elles se répondent. Si elles mobilisent des thématiques classiques de science-fiction, elles en proposent des déclinaisons personnelles qui fonctionnent. Je surveillerai avec intérêt le volume suivant de la collection :)
Imaginez les miroitements, iridescence inattendue du ciel, nappe supplémentaire à l'horizontale plastique. Voyez vaciller, au-dessus de vos doigts étirés haut, un nuage crépitant d'éclairs et de formes rosacées. Une nuée comme un nid, mais répandu sur un plan unique et filiforme. Le rêve enfin achevé des lignes de fuite s'offrant à vos yeux solariens à travers les branches de vos arbres. Voyez-vous, grands singes, se déplier la canopée des interrogations cosmiques ? Ce que vous ne percevez qu'à travers vos instruments vogue en superaltitude, là. Cela passe sur nos têtes, nous observe, nous connaît. Nous choisit.
— Arborescences de Aiki Mira, luvan, Chi Hui (Abécédaire de l'imaginaire, #1) (Page 128)
Extrait de : "Marginalia", de luvan.
@LienRag L'autrice entreprend une histoire des idées de l'abolitionnisme familial dans le monde occidental depuis le XIXe siècle, mais aussi une histoire de certaines expériences/réalisations qui ont pu exister. Le modèle de la famille nucléaire hétéropatriarcal est celui majoritairement ciblé, car envisagé comme étant celui qui s'est imposé/dominant dans un certain nombre des espaces envisagés. Cependant sa réflexion est plus large et ouvre sur des questions autour du soin et des formes de communisation qui pourraient être envisagées. Une partie de l'essai consiste à l'amener à préciser ce qu'elle entend, elle, par "abolir la famille". Pour un aperçu, voir par exemple par là : editionslatempete.com/abolir-la-famille-me-obrien/
Traduction : Gwennaël Gaffric, Thomas Herth, Miléna Yung
Des imaginaires de Chine et d’Europe pour penser aujourd’hui et demain.
Arborescences …
Tel n'est pas notre lot ; nous ne devons pas nous immiscer énergiquement dans les roues du destin. Nous sommes condamnées à la passivité par le péché originel, par la faute de Mme Eve, et notre lot est d'attendre, d'espérer, d'endurer et de souffrir. Tout au plus nous a-t-on confié la tâche de tricoter les bas, l'aiguille et les clefs, et tout ce qui va au-delà est mal.
— Jenny Marx, vivre et lutter avec Karl de Camille Leboulanger
(Un extrait d'une lettre de jeunesse de Jenny von Westphalen, qui deviendra Jenny Marx.)
Si Camille Leboulanger souligne dans sa préface qu'il est "écrivain, romancier, et non historien", il propose ici un récit vivant où extraits d'archives et scènes fictionnées cohabitent pour tenter de restituer une place, et une voix, à Jenny Marx, sur les cartes de visite de laquelle on put lire longtemps "née baronne von Westphalen". À rebours de "[l']histoire des idées comme celle des grands hommes [qui] ignorent les carnets et les lettres des jeunes filles qui ont rompu leurs fiançailles", un livre qui avait retenu ma curiosité et que j'avais mis de côté pour la pause estivale.
Traduction : Gwennaël Gaffric, Thomas Herth, Miléna Yung
Des imaginaires de Chine et d’Europe pour penser aujourd’hui et demain.
Arborescences …
Si "Nous sommes la poussière" présente un léger cadre science-fictionnel, c'est de la société française contemporaine que Plume D. Serves souhaite nous parler, ou plus encore dénoncer. Pour cela, l'autrice y introduit une touche d'imaginaire, la magnétophilie, parabole pour parler d'autisme et d'autre handicap visible ou invisible, et de la manière dont les personnes concernées vivent dans notre société. Dans le roman, être magnétophile, c'est voir s'agglomérer autour de soi des poussières magnétiques, pouvant donner naissance à différents symptômes, allant de troubles respiratoires occasionnant des fatigues ou essoufflements chroniques, à une vue fluctuante ou des oreilles ne cessant de se boucher. Le texte l'aborde sous un angle résolument personnel, en suivant le parcours de vie de la narratrice, Elias, et ce depuis les bancs de la fac qu'elle va rapidement être contrainte d'abandonner. On est à ses côtés dans son quotidien, face à ses difficultés, mais aussi au fil de …
Si "Nous sommes la poussière" présente un léger cadre science-fictionnel, c'est de la société française contemporaine que Plume D. Serves souhaite nous parler, ou plus encore dénoncer. Pour cela, l'autrice y introduit une touche d'imaginaire, la magnétophilie, parabole pour parler d'autisme et d'autre handicap visible ou invisible, et de la manière dont les personnes concernées vivent dans notre société. Dans le roman, être magnétophile, c'est voir s'agglomérer autour de soi des poussières magnétiques, pouvant donner naissance à différents symptômes, allant de troubles respiratoires occasionnant des fatigues ou essoufflements chroniques, à une vue fluctuante ou des oreilles ne cessant de se boucher. Le texte l'aborde sous un angle résolument personnel, en suivant le parcours de vie de la narratrice, Elias, et ce depuis les bancs de la fac qu'elle va rapidement être contrainte d'abandonner. On est à ses côtés dans son quotidien, face à ses difficultés, mais aussi au fil de la compréhension et des évolutions qu'elle va connaître, à propos de sa situation comme plus largement de la société au sein de laquelle elle vit. Sa narration est entrecoupée d'autres points de vue, notamment celui récurrent d'un ingénieur qui ne va envisager professionnellement la magnétophilie que sous un angle technologique, déconnecté de toute dimension humaine.
Tout cela donne un roman extrêmement riche : "Nous sommes la poussière" est un plaidoyer contre le validisme, à la fois sensible et didactique, dont l'histoire est une invitation constante à la réflexivité. Le roman met en lumière les impensés et les réflexes binaires et normatifs dans lesquels il est aisé de s'enfermer. Il souligne aussi l'importance de prendre le temps de comprendre l'autre, d'accorder foi à son point de vue et à ses expériences propres. Les thèmes abordés sont multiples : il y est question d'errance médicale, de stigmatisation de catégories de la population consacrée jusque dans la loi, de contraintes institutionnelles sous forme d'une technologie rendue obligatoire, les "mailles" - semblables à des fers passés aux magnétophiles, destinés à rassurer des "magnétosains" qui voient dans les nuages de poussière parfois visibles un danger potentiel. Une partie du livre traite donc de différentes formes d'exclusion et de la manière dont elles s'exercent, sur un plan social, médical ou encore législatif : exclure ce que l'on ne connaît pas, et surtout que l'on ne cherche pas à connaître. Il convient aussi de souligner que tout en dénonçant le validisme autour duquel la société se structure, l'autrice n'en néglige pas pour autant la dénonciation d'autres formes de domination et de discrimination à l'oeuvre, tenant un propos critique intersectionnel qui lui permet d'évoquer différents biais - raciaux, sexistes, hétéronormatifs - de la médecine, par exemple.
Enfin, dans un dernier temps, "Nous sommes la poussière" devient une histoire de luttes, traitant de militantisme, mais aussi du coût de ce militantisme sur des personnes concernées déjà fragilisées. L'occasion de réfléchir à la construction de collectif, à la manière dont chacun·e peut y contribuer avec ses moyens par définition limités. Cela permet d'ouvrir vers ce qui pourrait permettre concrètement de dépasser les soubassements validistes de la société. Le roman prend alors un parfum que l'on pourrait être tenté de qualifié d'utopique. Cela n'est pas la dimension la plus détaillée du livre, dont le récit reste à une échelle humaine, mais cela a le mérite d'aller au-delà du seul stade de la critique, en envisageant des horizons à investir et en soulignant que tout ce qui a été décrit n'a rien d'une fatalité.
En résumé, un livre qui marque, par la force et la richesse d'un propos antivalidiste qui aborde de très nombreuses facettes de cette question, mais aussi par l'humanité et la sensibilité qui émane d'un texte que l'on devine très personnel pour son autrice. Un livre qui fait réfléchir sur son propre positionnement et sur ses impensés : à mettre entre toutes les mains.
La vie d’Elias est une course d’obstacles. La vingtaine, elle tente de suivre ses études et de mener un quotidien …
La vie d’Elias est une course d’obstacles. La vingtaine, elle tente de suivre ses études et de mener un quotidien …