Critiques et Commentaires

Ameimse

Ameimse@bw.heraut.eu

A rejoint ce serveur il y a 2 années, 1 mois

Un compte bookwyrm pour y partager/recenser diverses lectures : - des romans de littératures de l'imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique). Lus principalement en VF, parfois en VO anglophone. - quelques écrits adoptant des perspectives critiques pouvant être féministes, décoloniales, écologiques... - possiblement à l'occasion des livres d'histoire.

Sur mastodon, je suis par là : social.sciences.re/@ameimse

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a publié une critique de La reine sirène par Nghi Vo

Nghi Vo: La reine sirène (Paperback, French language, 2025, L'Atalante)

Quand un cinéma ouvre ses portes à une rue de la blanchisserie de ses parents …

La reine sirène

Ce roman nous entraîne dans les coulisses de l'industrie du cinéma, à l'époque d'un premier âge d'or hollywoodien dans les années 1930. Mais l'autrice en propose une déclinaison originale, à partir d'un imaginaire fantastique qui lui permet d'évoquer la fascination que peut exercer ce cadre cinématographique ainsi que tous les travers de cette industrie. En effet, la mythologie qui est dessinée au fil des pages adopte des accents résolument métaphoriques en prenant en quelque sorte aux mots différentes formules classiquement employées pour évoquer ce qui s'y joue : ainsi, être une étoile conduit bel et bien à luire et à s'élever dans le ciel pour y briller, pour certaines, pour l'éternité, tandis que les puissants perdent et vendent bel et bien leur âme et leur humanité, et que les années de vie se marchandent de façon usuelle contre des services... On navigue avec curiosité dans un univers où toute cette …

a publié une critique de Calamity Jane, un homme comme les autres par Justine Niogret

Justine Niogret: Calamity Jane, un homme comme les autres (Paperback, French language, 2025, Au Diable Vauvert)

Calamity Jane. Légende de l’Ouest, mythe viril, silhouette dressée entre whisky et poudre. Mais qu’y …

Calamity Jane, un homme comme les autres

Parmi les représentations de "Calamity Jane", j'avais surtout en tête, en ouvrant le livre, celle qu'en proposait David Milch dans 'Deadwood', série qui rejouait et magnifiait les archétypes de l'imaginaire du western. Avec "Calamity Jane, un homme comme les autres", Justine Niogret en propose une version plus personnelle et intime. C'est en effet au côté d'une femme confrontée à la mort, en toute fin de vie (ou même peut-être déjà morte), que l'autrice nous convie, une femme entraînée dans un parcours rétrospectif douloureux par un mystérieux personnage. Le récit est court, aussi brut que poignant. La mythologisation de Calamity Jane s'effrite peu à peu pour dévoiler le portrait d'une vie cabossée, excessive, marquée par une quête solitaire, forcément insatisfaite, pour tenter de se trouver une place, en étant une femme, dans l'hostilité de l'Ouest étatsunien. C'est l'histoire d'une confrontation, impitoyable, face aux mises en récit derrière lesquelles se construit l'illusion …

a publié une critique de La grande verdure par Lucie Heder

Lucie Heder: La grande verdure (Paperback, Français language, 2025, La Volte)

Certaines l’ont appelé Effondrement. D’autres y ont vu le grand Début. Sur la terre rendue …

La grande verdure

"La grande verdure" se démarque et trouve indéniablement sa place dans le genre du "post-effondrement" autour duquel de nombreuses sorties littéraires tendent à se succéder depuis plusieurs années. Dans ce roman, les lecteurices sont directement plongé·es dans un cadre de ruines urbaines où, face à des conditions climatiques considérablement dégradées (où tempêtes de poussière, chaleur écrasante, mais aussi déluges destructeurs se succèdent), un petit groupe de quelques dizaines de personnes tente de (re)construire une communauté ("la grande verdure"), laquelle s'articule notamment autour de formes végétales de régulation, médiatisant par le recours à des plantes, les discussions et l'expression des émotions. Derrière la classique relecture de "l'utopie des un·es peut être/devenir la dystopie des autres" et du dévoiement d'idéaux qui ressortent initialement, le roman propose une narration singulière, intime et sensible, questionnant et problématisant l'enjeu de la place des émotions et des traumatismes dans les rapports humains. Plutôt que de détailler …

a publié une critique de Lavinia par Ursula K. Le Guin

Ursula K. Le Guin: Lavinia (Paperback, Français language, 2011, Atalante)

Comme Hélène de Sparte j’ai causé une guerre. La sienne, ce fut en se laissant …

Lavinia

Un grand coup de coeur que la lecture de ce roman. Un de ces livres dont il est possible de relire plusieurs fois d'affilée certains passages simplement pour le plaisir d'apprécier un style parfaitement ciselé et maîtrisé. La plume d'Ursula Le Guin, merveilleusement bien rendue par la traduction de Marie Surgers, y est aussi poétique qu'évocatrice. Sur le fond, l'autrice donne une place et une posture originale à la figure de Lavinia, dont la voix semble s'élever directement depuis l'Énéide. Le livre explore la puissance, la fabrique et la contingence des mythes, et questionne de façon fascinante les rapports et l'articulation entre personnage et personne, création littéraire et figure historiquement située. Ce n'est pas simplement "un autre point de vue" que celui du texte d'inspiration qui est proposé : l'autrice prend appui, et complète, réécrit, mais déjoue aussi le récit de l'Énéide. Et le soin apporté à l'ambiance et au …

a publié une critique de Non-noyées par Alexis Pauline Gumbs

Alexis Pauline Gumbs: Non-noyées (French language, 2024, Les liens qui libèrent, Burn~Août) Aucune note

Non-noyées est un livre de méditation pour soutenir les mouvements sociaux, un manuel de dé-noyade …

Non-noyées : Leçons féministes Noires apprises auprès des mammifères marines

Aucune note

Ayant navigué ces derniers temps dans le catalogue des éditions AK Press à l'occasion de l'écriture d'un article, ça a été l'occasion de repérer plusieurs ouvrages qui ont retenu mon attention. Dans la collection "Emergent Strategy Series", il y avait notamment ce texte d'Alexis Pauline Gumbs, traduit en français l'an dernier (par Mabeuko Oberty, Myriam Rabah-Konaté et Rose B.). Elle avait été interviewée dans Mediapart à l'occasion de cette publication, dans un entretien que j'avais trouvé passionnant : www.mediapart.fr/journal/ecologie/211224/les-lecons-de-souffle-revolutionnaires-des-mammiferes-oceaniques Se présentant comme "queer, Noire, caribéenne", elle expliquait avoir recherché dans le livre son "propre mode d’écriture, au-delà de cette forme coloniale d’écriture scientifique" à laquelle elle s'était heurtée en se renseignant sur les mammifères marines.

Le texte voit s'entremêler réflexions politiques, empruntant notamment au Black feminism (l'autrice a également rédigé une biographie d'Audre Lorde) et à l'écoféminisme, se croisant et se nourrissant d'informations, aussi bien biologiques qu'historiques, à propos de …

a publié une critique de La mort de l’auteur par Nnedi Okorafor

Nnedi Okorafor: La mort de l’auteur (EBook, French language, 2025)

Zelu est nigériano-américaine. Zelu est paraplégique. Zelu est auteure. Mais Zelu n’est pas reconnue : …

La Mort de l'auteur

J'ai l'impression de toujours sortir un peu éprouvée des livres de Nnedi Okorafor, avec des difficultés pour mettre en mots la pluralité des ressentis que leur lecture a provoqués chez moi. J'en ressors bousculée par une écriture directe, brute (voire brutale), où les émotions affleurent et (se) heurtent. Interpellée par sa façon d'aborder de manière frontale des enjeux et des thèmes qui ne laissent pas indifférents. Questionnée sur mon positionnement par rapport à certains personnages... "La Mort de l'auteur" s'inscrit dans cette continuité, mais il est sans doute le roman qui me laisse l'impression la plus marquante parmi les textes que j'ai pu lire de l'autrice.

S'il peut être rapidement présenté comme une fiction sur l'écriture d'un roman, sa réception, son succès, l'ampleur de l'histoire dépasse ce simple synopsis... C'est en fait trois plans narratifs qui se croisent. Des chapitres sont racontés du point de vue de Zelu, une personnage …

a publié une critique de PERIOD2. par Héloïse Brézillon

Héloïse Brézillon: PERIOD2. (2025, Cambourakis)

à beaucoup chanter avec les mésanges nos voix ne sont bientôt plus des voix et …

PERIOD2.

Après "T3M" qui, autour de la mémoire traumatique et de la réparation, proposait une poésie puissante de reconstruction (bw.heraut.eu/user/Ameimse/review/29920/s/t3m-science-fiction-poesie#anchor-29920), "PERIOD2." est un nouveau texte de "poésie science-fictionnelle" (pour reprendre le qualificatif de l'autrice) d'Héloïse Brézillon. Il y est question d'effondrements du vivant et de tenter de "changer de période" en retissant les liens abîmés avec les "autres-qu'humains". Une lecture qui remue et qui touche. Le livre est accompagné d'une postface qui permet à l'autrice de préciser d'où (et avec qui) elle parle, notamment en mettant en lumière l'inspiration et le souffle puisés dans "Vivre avec le trouble" de Donna Haraway - dont les références sont très perceptibles. Elle poursuit donc dans son registre particulier entre poésie & science-fiction, pour explorer et tenter d'envisager le dépassement de la "crise de la sensibilité" identifiée par Baptiste Morizot.

a publié une critique de Et que désirez-vous ce soir par Premee Mohamed

Premee Mohamed: Et que désirez-vous ce soir (Paperback, French language, 2025, L'Atalante)

« Je sens une nouvelle fois cette aspiration que j’ai voulu étouffer : une faim …

Et que désirez-vous ce soir

Premee Mohamed a l'art de glisser ses lecteurices dans des univers vraiment différents, en adoptant des styles d'écriture (bien rendus par la traduction de Marie Surgers) dans lesquels la puissance évocatrice de sa plume et sa capacité à faire ressortir en peu de mots l'essentiel ne font jamais défaut.

Dans "Et que désirez-vous ce soir ?", le cadre principal est une maison close, avec en arrière-plan, à peine esquissé, un monde digne d'une dystopie caractérisé par quelques détails glaçants. On y suit une narratrice, courtisane, témoin de la résurrection, puis de la croisade vengeresse (et participante à l'occasion), d'une amie également courtisane. C'est un texte qui se concentre sur les ressentis, rempli d'émotions autour desquelles se déploie l'ensemble de la narration, et donc l'intrigue et les affrontements qui vont avoir lieu. L'autrice fait le choix de laisser une place centrale à tous les états d'âme successifs d'une narratrice, tiraillée par …

Premee Mohamed: Et que désirez-vous ce soir (Paperback, French language, 2025, L'Atalante)

« Je sens une nouvelle fois cette aspiration que j’ai voulu étouffer : une faim …

Les éditions L'Atalante proposent en cette rentrée une nouvelle novella de l'autrice Premee Mohamed. J'ai beaucoup apprécié ses précédentes, dans le registre du post-apocalyptique comme du conte horrifique. Cette fois-ci, l'autrice nous entraîne dans un tout autre univers - que je suis très curieuse de découvrir. À suivre :)

a publié une critique de Les abysses par Rivers Solomon

Rivers Solomon: Les abysses (French language, 2021, J'ai Lu)

Lors du commerce triangulaire des esclaves, quand une femme tombait enceinte sur un vaisseau négrier, …

Les abysses

Un roman avec pour toile de fond le passé esclavagiste et la traite atlantique qui met en scène un peuple sous-marin descendant de femmes esclavisées enceintes jetées par-dessus bord lors de la traversée. Rivers Solomon entreprend d'y explorer des thématiques fortes autour de la place de l'Histoire, du rôle et du poids de la mémoire, de ce qui définit individuellement, mais aussi collectivement... C'est court, mais c'est dense. C'est aussi plein de toutes sortes d'émotions. Le style est brut, tout en étant d'une grande sensibilité. C'était le premier texte que je lisais de Rivers Solomon, et cette lecture en appelle d'autres !

a publié une critique de Le pays sans lune par Simon Jimenez

Simon Jimenez: Le pays sans lune (Hardcover, Français language, 2023, J'ai lu)

Dans le Vieux Pays, le peuple souffre sous la domination du Trône de la Lune. …

Le pays sans lune

Je voulais profiter des vacances estivales pour lire des auteur·ices que je souhaitais découvrir depuis longtemps. J'ai commencé par Simon Jimenez, et ça a été une belle expérience.

Il a été difficile de me détacher du livre une fois la lecture commencée, alors même que les débuts peuvent dérouter. "Le pays sans lune" propose en effet une narration qui se déploie à plusieurs niveaux et dans différents registres, mais aussi depuis plusieurs espaces et temporalités. Un triple récit, avec des aller-retours, entre un pays qui paraît contemporain et où sévit une guerre dont on ne sait presque rien, un royaume ancien et lointain évoquant un imaginaire asiatique, et une mystérieuse scène de théâtre évoluant hors du temps et de l'espace.

La lecture offre une expérience narrative en soi qui m'a fascinée. Le récit, polyphonique, défie certains carcans ou catégories littéraires, déjoue certaines logiques ou attentes, tout en se réappropriant avec …

Vinciane Despret: Autobiographie d'un poulpe : et autres récits d'anticipation (Paperback, French language, 2021, Actes Sud)

Connaissez-vous la poésie vibratoire des araignées ? l’architecture sacrée des wombats ? les aphorismes éphémères …

Autobiographie d'un poulpe et autres récits d'anticipation

Un court livre, lu suite au partage de lecture de @Armavica@bookwyrm.social.

Il m'a tour à tour passionné, dérouté, stimulé, interrogé... Sa restitution elle-même est difficile, car c'est un livre qui investit un registre un peu à part, défiant diverses catégories pré-établies, y compris littéraires, jouant entre fiction, science et science-fiction. Cela donne donc une lecture qui perturbe les réflexes et les grilles préalablement intériorisées par les lecteurices pour appréhender un texte qui mêle, voire défie, les genres.

Face à un tel format, j'ai d'abord trouvé aussi fascinante que stimulante la démarche entreprise par l'autrice : une esquisse, en mobilisant un soubassement imaginaire, de désanthropisation du regard scientifique, questionnant les réflexes intériorisés, mais aussi les méthodes qui fondent la scientificité contemporaine. Le texte surfe en quelque sorte sur une ligne de crête. D'une part, on assiste à une déstabilisation/remise en cause de catégories et un renouvellement de méthodes, aboutissant à …

a publié une critique de Arborescences par Aiki Mira (Abécédaire de l'imaginaire, #1)

Aiki Mira, luvan, Chi Hui: Arborescences (Paperback, French language, 2024, Asiathèque)

Traduction : Gwennaël Gaffric, Thomas Herth, Miléna Yung

Des imaginaires de Chine et d’Europe pour …

Arborescences

Il s'agit du premier ouvrage d'une nouvelle collection, "Abécédaire de l'imaginaire", s'inscrivant dans la continuité d'une revue allemande, Kapsel, qui traduit et diffuse des histoires de science-fiction chinoise. L'objectif y est de croiser des visions d'auteurices chinois·es et européen·nes, pour initier des échanges et envisager des façons de raconter des futurs. Le projet éditorial est donc le suivant : constituer des ouvrages autour d'une nouvelle écrite par un·e auteurice chinois·e, à partir de laquelle des auteurices européen·nes proposent des textes inédits qui font écho à cette nouvelle. Inaugurant la collection, "Arborescences" rassemble trois nouvelles : "Le nid", d'une autrice chinoise Chi Hui, traduite en français par Gwennaël Gaffric. En écho, deux nouvelles sont proposées : "Une fluctuation dans le vide", d'Aiki Mira (traduction de l'allemand par Thomas Herth et Miléna Yung), et "Marginalia", de luvan. L'ouvrage est accompagné d'illustrations d'étudiant·es de la Haute École des arts du Rhin, à Strasbourg. …

a publié une critique de Nous sommes la poussière par Plume D. Serves

Plume D. Serves: Nous sommes la poussière (Hardcover, French language, 2023, Les Moutons électriques)

La vie d’Elias est une course d’obstacles. La vingtaine, elle tente de suivre ses études …

Nous sommes la poussière

Si "Nous sommes la poussière" présente un léger cadre science-fictionnel, c'est de la société française contemporaine que Plume D. Serves souhaite nous parler, ou plus encore dénoncer. Pour cela, l'autrice y introduit une touche d'imaginaire, la magnétophilie, parabole pour parler d'autisme et d'autre handicap visible ou invisible, et de la manière dont les personnes concernées vivent dans notre société. Dans le roman, être magnétophile, c'est voir s'agglomérer autour de soi des poussières magnétiques, pouvant donner naissance à différents symptômes, allant de troubles respiratoires occasionnant des fatigues ou essoufflements chroniques, à une vue fluctuante ou des oreilles ne cessant de se boucher. Le texte l'aborde sous un angle résolument personnel, en suivant le parcours de vie de la narratrice, Elias, et ce depuis les bancs de la fac qu'elle va rapidement être contrainte d'abandonner. On est à ses côtés dans son quotidien, face à ses difficultés, mais aussi au fil de …

a publié une critique de Comme l'exigeait la forêt par Premee Mohamed

Premee Mohamed: Comme l'exigeait la forêt (Paperback, French language, 2025, L'Atalante)

Ne pas couper de bois vivant. Ne pas faire couler le sang d’un animal. Accepter …

Comme l'exigeait la forêt

"Comme l'exigeait la forêt" me confirme que Premee Mohamed est une autrice dont je vais désormais suivre la sortie des textes en français avec attention ! Dans un registre ici très différent du post-apocalyptique de "La Migration annuelle des nuages", l'autrice nous glisse dans un conte horrifique, à la mise en récit aussi minimaliste qu'épurée, mais qui n'en est pas moins capable de dire ou de sous-entendre beaucoup en peu de mots. Il est ainsi question d'injustice et d'arbitraire, de perte et de deuil, tout au long d'une courte -et pourtant très riche- histoire admirablement exécutée. Comme dans ses autres novellas, Premee Mohamed dépeint avec sensibilité et justesse les états d'âme et les choix d'une figure féminine centrale qui interpelle et engage les lecteurices à ses côtés. Malgré les épreuves, en dépit du tyran, en dépit des diverses créatures surnaturelles... Véris semble toujours y conserver une force et une capacité …