Ameimse a publié une critique de Les Nomades du Fer par Eleanor Arnason
Un récit de SF anthropologique
4 étoiles
« Les Nomades du Fer » est un roman de science-fiction anthropologique se déroulant dans le futur de notre Terre, laquelle, après bien des crises (et l’adoption d’une forme de communisme) envoie un vaisseau d’exploration vers une planète habitée. L’histoire va alterner deux points de vue : une représentante d’un des peuples présents sur la planète et une exploratrice humaine allant à la rencontre de ces sociétés extraterrestres pour en apprendre plus sur elles et leur planète.
Si le concept de départ permet de classer le roman dans la catégorie des récits de « Premier Contact », c’est en fait une histoire émaillée de contacts multiples et plus largement un récit sur la manière dont ils conduisent à questionner les postures et les représentations. Toutes les sociétés vivant sur la planète partagent des points communs, mais ont aussi des différences, mises en lumière tout au long du voyage qui constitue le fil rouge narratif. Si la distance avec la société terrienne est logiquement bien plus prononcée, l’autrice fait le choix d’une proximité manifeste, renforcée par le regard anthropocentré d’une des figures principales qui analyse les êtres qu’elle rencontre à partir des catégories de pensée humaines.
Ce n’est donc pas un récit de premier contact visant à dépasser une perspective anthropocentrée, mais plutôt un récit qui utilise ces rencontres pour susciter tout un ensemble de questionnements et d’introspections sur les positionnements de ses protagonistes. Pour les personnes venues de la Terre, les interrogations sont d’abord éthiques relatives aux suites à donner à ce « contact » et à leur installation en orbite, nourrissant des débats philosophico-politiques entre ses membres sur les implications des éventuelles ingérences et interventions. Mais, de façon plus large, l’histoire est une occasion d’interroger, par les différences mises en scène et par les supposées « déviances » condamnées, les façons d’être intériorisées et les normes qui structurent toutes sociétés… Dans cette optique, une attention particulière est accordée à la question du genre : au sein des sociétés extraterrestres matriarcales mises en scène se déploient des rapports femmes-hommes très éloignés aussi bien de la société humaine du futur que de celle des lecteurices.
De manière générale, j’ai tout particulièrement aimé le style de la narration. Cette façon dont l’autrice sait investir ses lecteurices dans un récit relativement posé, rythmé par des partages, des incompréhensions et quelques rencontres compliquées. C’est un récit sur le quotidien de premiers contacts avec des personnages auprès desquelles il est facile de s’impliquer. Un récit sans grande issue résolvant d’un trait de plume les incertitudes et les doutes quant aux choix qui s’ouvrent, et qui nous laisse avec plus de questions que de réponses à la fin : son intérêt est justement d’avoir su susciter tous ces questionnements.