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a publié une critique de La Geste d’Hamlet Evans par Rafael Marín

Rafael Marín: La Geste d’Hamlet Evans (Français language, 2024, Argyll) 4 étoiles

En cette ère glorieuse du Troisième Moyen Âge, une partie de l’humanité végète sur la …

L'épopée spatiale d'un Poète

4 étoiles

Classique de la science-fiction espagnole datant de 1984, "La Geste d’Hamlet Evans" est proposé pour la première fois cette année en français grâce aux éditions Argyll, avec une traduction de Sylvie Miller. Il s'agit d'un vaste space-opera qui entraîne ses lecteurices de planètes en planètes, dans le sillage du récit rétrospectif que propose Hamlet Evans de sa vie mouvementée. Dans un futur lointain, ce terrien se rêvait Poète composant des chansons épiques à la gloire des conquêtes de la Corporation qui règne militairement d'une main de fer sur l'espace connu, en constante expansion, des êtres humains. L'histoire suit une structure narrative aussi classique qu'efficace, celle d'un apprentissage, puis d'un désenchantement progressif, Hamlet prenant peu à peu ses distances face à la réalité des exterminations-exploitations méthodiques auxquelles il assiste depuis sa position privilégiée d'observateur chargé de mythifier ces scènes en chansons. Suivant la forme d'un récit autobiographique, "La Geste d'Hamlet Evans" laisse une large place aux introspections et aux réflexions d'un personnage principal dont la trajectoire et les épreuves portent le récit. Si le roman investit des thématiques qui ont pu être assez traditionnelles dans la SF - un système d'exploitation et de conquêtes militaires maximisé par une mystérieuse IA -, ce qui avait initialement retenu mon attention était la qualité du héros, non pas soldat, mais Poète. Et c'est ce que j'ai particulièrement apprécié dans cette lecture : la manière dont la question des arts - des chansons aux représentations théâtrales, jusqu'au cirque - est croisée avec ce cadre de SF militaire, explorant ainsi leurs diverses facettes, à la fois possibles vecteurs d'une propagande huilée, mais aussi capables d'ouvrir des espaces de critiques et de subversion que craindra le pouvoir - l'orientation du roman tend à mettre en lumière l'art comme forme possible de résistance à l'oppression.

Si je n'ai pas été convaincue par tous les choix narratifs de l'auteur, je me suis facilement laissée entraîner dans cette épopée qui invite à la critique d'un imaginaire spatial de conquête dont elle pousse à dessein la logique mortifère à son paroxysme, mais qui, par bien des aspects, dans les logiques d'exploitation dépeintes, peut faire directement écho à notre présent terrestre.