Anthony a cité Désorientale par Négar Djavadi
L’Iranien n’aime ni la solitude ni le silence – tout autre bruit que la voix humaine, même le vacarme d’un embouteillage, étant considéré comme silence. Si Robinson Crusoe était iranien, il se laisserait mourir dès son arrivée sur l’île et l’affaire serait réglée. Cette tendance à bavarder sans fin, à lancer des phrases comme des lassos dans l’air à la rencontre de l’autre, à raconter des histoires qui telles des matriochkas ouvrent sur d’autres histoires, est sans doute une façon de s’accommoder d’un destin qui n’a connu qu’invasions et totalitarisme. Comme Shéhérazade usant de la parole pour venir à bout de la vengeance sanguinaire du Roi Shahryar envers les femmes du royaume, l’Iranien se sent enfermé dans le dilemme existentiel et quotidien de « parle ou meurs ». Raconter, conter, fabuler, mentir dans une société où tout est embûche et corruption, où le simple fait de sortir acheter une plaquette de beurre peut virer au cauchemar, c’est rester vivant.
— Désorientale de Négar Djavadi (13%)