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a publié une critique de Le Gaffeur par Jean Malaquais

Jean Malaquais: Le Gaffeur (French language, 2016, L'Échappée) 5 étoiles

De retour chez lui, un employé sans histoire trouve son appartement occupé, sa femme évaporée …

Le Gaffeur

5 étoiles

Merci aux Éditions L'échappée de faire revivre des grands textes de fiction politique souvent oubliés dans leur formidable collection lampe-tempête. Absolument tous les livres de cette collection ont basculé dans ma liste de souhaits. Merci aussi pour le formidable travail de conception faisant en plus de ce roman un objet magnifique. L'auteur, c'est Jean Malaquais, un juif polonais qui écrira pourtant en français après avoir quitté la Pologne pour la France, en 1925, alors qu'il n'avait que 17 ans. Il sera poussé vers l'écriture par André Gide et gagnera le prix Renaudot en 1939 pour son premier roman, Les Javanais, que j'ai bien l'intention de lire aussi. Dans Le Gaffeur, il nous conte l'étrange histoire de Javelin, qui, dans une société dystopique, rentre un soir chez lui pour trouver l'appartement qu'il avait quitté le matin apparemment occupé depuis longtemps par des inconnus. Ne parvenant plus à joindre sa femme semblant inaccessible, son identité paraît peu à peu se dissoudre dans les rouages d'une administration absurde, décidée à le faire disparaître sans qu'il ne comprenne pourquoi.

Long plaidoyer contre le totalitarisme, le conformisme, pointant du doigt l'absurdité d'une bureaucratie aveugle et destructrice, ce roman est à la fois ironique et parfaitement terrifiant. La société qui y est dépeinte se fait de plus en plus écrasante, déterminée à faire taire les voix dissonantes, au fur et à mesure de la progression d'un récit qui penche petit à petit vers le drame. Tout y est gris, moche, oppressant. Au milieu de ce sinistre, seuls quelques personnages permettent de sortir de l'ombre.

Ode à l'anti-conformisme, Le Gaffeur est un récit révolutionnaire de part sa profonde modernité. Un juste miroir des angoisses contemporaines que l'on retrouve déjà impeccablement décrites et dénoncées. La portée politique du texte est parfaitement mise en valeur par l'appareil critique propre à la collection, le texte de Geneviève Nakach, surtout, qui a soutenu une thèse sur Jean Malaquais, apporte un éclairage passionnant.

Quand un grand roman rencontre l'éditeur parfait pour le mettre en valeur...

@Deidre@bw.heraut.eu Merci pour cette critique. Dans cette collection, je ne connais que Samedi soir dimanche matin de Sillitoe (pas encore lu) et Présentation des Haïdouks de Panaït Istrati, grand écrivain roumain (Les chardons du Baragan, Vers l'autre flamme). Concernant Malaquais, Journal du métèque, Planète sans visa, Le Nommé Louis Aragon ou le patriote professionnel, entre autres.