Retour

a publié une critique de No logo par Naomi Klein

Naomi Klein: No logo (French language, 2001, Actes Sud)

Aujourd’hui, le village est "planétaire", l’adolescent "mondial" et la société de consommation dominée par les …

No Logo

Lire No Logo juste après avoir fini Au Bonheur des Dames de Zola, était une coïncidence amusante mais pas dénuée de sens. Ce que Naomi Klein expose dans son essai reste terriblement pertinent un quart de siècle plus tard. Les méthodes et les objectifs des multinationales sont les mêmes, les outils ont changé, certaines marques en ont remplacé d'autres, mais au mieux les constats sont les mêmes. Les sweatshops existent toujours, une des formes les plus violentes actuellement étant celle imposée aux Ouighours. Les marques cherchent toujours à occuper les espaces qui leur échappent : à l'époque les universités, maintenant nos toilettes et bientôt notre sommeil. Naomi Klein décrivaient comment certaines personnes étaient des marques à part entière — nous pouvons désormais leur ajouter les influenceur.euse.s — et comment les travailleur.euse.s indépendant.e.s allaient devoir à leur tour se constituer en marques pour se vendre sur le marché du travail. Elle anticipe même l'ubérisation en expliquant comment les multinationales ont cessé de fabriquer des produits (en sous-traitant à l'autre bout du monde) pour se concentrer sur la fabrication d'une marque, d'une image en somme, en se débarrassant des usines. Ce faisant elles se débarrassaient aussi de la part ouvrière de leurs employé.e.s, mais l'idéal à atteindre serait une société sans aucun.e employé.e pour n'avoir de comptes à rendre qu'aux actionnaires. Nous y sommes. Ce qui a le plus changé depuis la parution de ce livre finalement, ce sont les groupes et les méthodes de lutte qui s'érigeaient à l'époque contre ces multinationales et l'omniprésence de la pub (les altermondialistes pour aller vite) qui ont rarement eu la même longévité que les marques citées par l'autrice, à l'image du mouvement Reclaim The Streets, dont elle parle longuement. Ils ont plutôt infusé d'autres mouvements ou, discrètement, des imaginaires (RTS comme influence chez Alain Damasio). L'ensemble est écrit dans un style proche du long reportage, qui s'appuie donc sur de nombreux exemples et donne un essai assez lisible parce que pas trop abstrait. Il y a en plus un petit plaisir rétro à revoir se dessiner une époque qu'on a traversé et peut-être plus lointaine qu'on ne voudrait l'admettre.