Antoine Chambert-Loir a cité Un jour par Maurice Genevoix
Il n'y avait plus de pinède. De part et d'autre du ballast, les vestiges d'une double haie épineuse s'apercevaient encore parallèlement aux rails. Des broussailles foisonnaient au-delà, des ronces épaisses, de grêles rejets d'acacias. Et, au-delà encore, un massacre.
Les bulldozers étaient partis, les fardiers avaient débardé les grumes. Autour des souches mutilées, de larges plaques d'écorce, des rameaux arrachés gisaient pêle-mêle entre des ornières boueuses, regorgeant d'une eau verte et croupie. Un relent fade, exhalé d'une litière d'aiguilles fanées, offensait l'odeur des racines. Cette litière, par endroits, atteignait une épaisseur incroyable : toutes les hautes branches, naguère encore baignées de ciel, s'étaient ruées, affalées sur le sol à la chute des arbres tranchés. Les unes, ayant éclaté de leur long, dressaient des échardes blafardes où la sève s'était figée. D'autres disparaissaient sous le faix de leur feuillage. Fané ? Ce n'est pas assez dire. Blême, comme s'il s'agissait d'un visage. Ou exsangue, comme après un meurtre.
— Un jour de Maurice Genevoix (Page 155 - 156)