Nicolas Fressengeas a commenté Récits par H.P. Lovecraft
Je vous dois quelques nouvelles de ces Récits de Lovecraft. C'est en effet un univers qui s'ouvre au lecteur qui entame ces 671 centimètres cubes d'horreur. Sur les 29 récits qui constituent le volume, je suis en cours de lecture du dix-huitième, le plus long : Le cas de Charles Dexter Ward.
La valeur ajoutée de cette édition de La Pléiade est tout à fait intéressante. Elle se matérialise tout d'abord par une traduction à plusieurs plumes, chaque récit bénéficiant de la sienne propre. Son style rend tout à fait compte de la langue originelle, dans un anglais dont les variations de style et de dialecte font intégralement partie de l'intrigue, à tel point que même la lecture de la traduction française requiert, pour moi, le recours à un dictionnaire. J'y ai en effet découvert nombre de mots de la langue de Molière. Mon préféré est une analepse, qui n'est autre que la traduction en français de flash-back. Parmi les autres mots qui m'étaient inconnus, citons evhémérisme, manducation, anamnèse, avunculaire, déréliction, glossolalie, nolition, anabase et catabase, apotropaïque, anapeste... et la liste est longue ! Précisons pour finir que les récits sont présentés dans l'ordre de leur composition par l'auteur, ce qui permet d'appréhender l'évolution de son œuvre.
Un approximatif tiers du volume est constitué d'ajouts aux textes de Lovecraft. Le lecteur accède tout d'abord à une volumineuse introduction à cette édition, que je conseille de ne pas omettre. En effet, elle permet de mettre les écrits de Lovecraft dans leur contexte historique, lequel est important pour percevoir pleinement l'expression de chaque récit. En cours de lecture, le lecteur est accompagné par quantité de notes, reportées en fin d'ouvrage, qui éclairent l'environnement de l'auteur au moment de l'écriture. Toujours en fin d'ouvrage, précédant les notes, se trouvent des notices, une pour chaque récit. Il ne faut absolument pas lire les notices avant de lire l'œuvre originale : ce sont des spoilers en bonne et due forme (et en bon français du XXIe siècle). L'ordre de leur présentation est donc surprenant : j'aurai trouvé plus opportun de les situer après les notes.
À ce stade de la lecture, et en guise d'avertissement à un futur lecteur, je me dois de préciser que l'un des bénéfices de l'introduction à cet ensemble de récits est d'attirer l'attention du lecteur sur l'atmosphère profondément raciste et xénophobe qui régnait à l'époque, Lovecraft n'étant pas en reste en la matière. La lecture peut en effet surprendre tant racisme et xénophobie ordinaires parsèment ses écrits. Le pire, à mes yeux, est que certains des ressorts de l'horreur qu'il prétend décrire relèvent du caractère basané ou métissé de certains de ses personnages, qui sont donc qualifiés de repoussants. Ces prétendues horreurs sont ainsi abondamment mélangées avec d'autres horreurs plus surnaturelles, cœur du récit. Il n'est pas évident pour le lecteur de faire abstraction de cet aspect de l'œuvre, qui entache la qualité du tout à nos yeux du XXIe siècle.
Revenons aussi sur des considérations bassement matérielles qu'il ne faudrait pas éluder : faire tenir tout ceci dans un format ne dépassant pas 109x176x35mm tient du prodige ! Les pages sont épaisses comme du papier à cigarette… et ce n'est pas l'habituel euphémisme. La police de caractère n'est pas en reste, et peut surprendre par sa petite taille.
Mais rien que de bonnes lunettes et quelques précautions de manipulation ne permettent de venir à bout.
Rendez-vous dans près de 700 pages --- idéales pour une lecture estivale.