Nicolas Fressengeas a cité La route par Cormac McCarthy
Il se leva et partit vers la route. Le noir ruban du macadam menant de ténèbres en ténèbres. Puis un sourd grondement lointain. Pas de tonnerre. On pouvait le sentir sous les pieds. Un bruit sans référent donc sans description. Quelque chose d'impondérable qui se déplaçait là-bas dans l'obscurité. La terre elle-même se contractant sous l'effet du froid. Ça ne revenait pas. Quelle saison de l`année? Quel âge l'enfant ? Il s'avança sur la route et s'arrêta. Le silence, Le salitter disparaissant de la terre en se desséchant. Les formes boueuses de villes inondées, incendiées jusqu'au ras des eaux. À un carrefour des dolmens où moisissent des os divinatoires. Pas d'autre bruit que le vent. Que diras-tu ? Un homme vivant a-t-il proféré ces lignes ? A-t-il pris son petit couteau pour tailler sa plume et inscrire ces choses avec de la prune ou de la suie? À un moment prévisible et écrit ? La mort va me dérober mes yeux. Me sceller la bouche avec de la terre.
— La route de Cormac McCarthy, Emmanuel Larcenet (Page 246 - 247)
Un court extrait de cet inclassable récit qu'est La Route. À proximité de l'achèvement de l'œuvre, il me semble qu'il rend à lui seul son atmosphère noire, pesante, et néanmoins d'une rare poésie.
Une caractéristique de ce passage est l'énigme du mot "salitter" , identique dans la version originale, sur lequel la plupart des dictionnaires, anglais comme français, semblent avoir fait l'impasse.