sophie-87 a publié une critique de Ruy Blas par Victor Hugo
Masques, pouvoir et cœur brisé – Mon vertige face à Ruy Blas
4 étoiles
Il y a des pièces qu’on lit comme on regarde une tragédie annoncée, les mains crispées, le souffle suspendu. Ruy Blas de Victor Hugo est de celles-là. Je m’attendais à une fresque romantique, avec son lot de passions et de drames — j’ai trouvé bien plus : un texte qui m’a fait vaciller entre grandeur et injustice, entre illusion et vérité.
Ruy Blas, valet de condition modeste, aime en secret la Reine d’Espagne. Manipulé par Don Salluste, il est propulsé au cœur du pouvoir, déguisé en noble. Et contre toute attente, il brille : par son intelligence, sa droiture, sa noblesse d’âme — bien plus authentique que celle des grands de cour. J’ai été saisi par cette ascension tragique, construite sur un mensonge, mais portée par un amour sincère.
Chaque scène m’a semblé tendue comme une corde. L’écriture de Hugo est flamboyante, oui, mais jamais gratuite. Elle expose, dénonce, éclaire. J’ai ressenti une vraie colère face à cette société figée, qui broie les êtres selon leur naissance, qui se rit du mérite. Ruy Blas, c’est le cri de celui qui aurait pu changer les choses… mais à qui l’on interdit d’exister pleinement.
Le plus douloureux, c’est que ce cri, justement, finit par se perdre. L’amour est vrai, mais il ne suffit pas. La vérité éclate, et avec elle, la chute.
À la dernière page, j’étais bouleversé. Pas seulement par le destin de Ruy Blas, mais par ce que Hugo dit, encore et toujours, de notre monde : que la noblesse du cœur dérange plus que celle du sang. Et qu’elle finit trop souvent écrasée.
Ce n’est pas une lecture facile. C’est une claque. Une leçon de théâtre, et d’humanité.
