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Sergio García Sánchez, Antonio Altarriba: Le ciel dans la tête (Hardcover, French language, 2023, Denoël) 2 étoiles

Des mines du Kivu aux mirages de l'Europe, Nivek, l'enfant soldat, arraché aux griffes de …

Reprise

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Après une longue pause, j'ai fini "Le ciel dans la tête" et finalement c'est une fable qui ne prétend pas au réalisme. Mais dans ce cas pourquoi avoir mis dedans tant de moments d'ultra-violence qui correspondent (superficiellement) à des situations réelles ? Globalement, j'ai trouvé ça très mauvais. Et d'ailleurs, dans toute la première partie (jusqu'à la fuite) y'a pas un dialogue qui sonne juste - et après pas beaucoup plus.

Il me semble que la seule légitimité à présenter de l'extrême cruauté, à part le voyeurisme et éventuellement certaine littérature de genre, est de susciter l'empathie. Or tout l'album sonnant faux, je l'ai lu en spectateur, sans rien ressentir.

Dommage parce que "L'aile brisée" d'Altarriba était très bien ("L'art de voler" un peu chiant par contre), très empathique mais justement sans pathos.

En fait la différence entre "L'aile brisée" et "L'art de voler" peut expliquer le ratage artistique du "Ciel dans la tête"...

Altarriba a clairement une meilleure connexion émotionnelle avec sa mère qu'avec son père, et cela amène le lecteur à également être plus en empathie avec la première qu'avec le second (en fait, la connexion est même meilleure avec le père personnage secondaire de l'Aile Brisée - tel que vu par la mère - qu'avec le père personnage principal de l'Art de Voler). Et il n'a clairement aucune connexion avec les africains, avant ou après les migrations (c'est pas un reproche, je ne l'accuse pas de racisme, c'est un constat c'est tout); d'où le fait que la BD tombe à plat, il n'y a rien de réel, d'humain dedans, juste les présupposés d'Altarriba sur le sujet.

On me signale une interview d'Altarriba: www.antonioaltarriba.com/le-ciel-dans-la-tete-videoreportaje/, avec comme commentaire "Son but est quelque part de raconter l'histoire de son père, réfugié d'Espagne en France, à travers le destin des migrants africains aujourd'hui, et d'en faire une épopée magnifiée à la fois lumineuse et sombre. Donc le but n'est pas d'être documentaire. Il n'a d'ailleurs pas mis les pieds dans la région ni parlé à un seul migrant, ca n'a pas l'air de l'intéresser - et je pense que ca suffit à expliquer tes réserves. Il part du postulat qu'un migrant reste un migrant, que ce soit ici ou ailleurs, hier ou aujourd'hui, quel que soit le contexte. Ca fait effectivement un peu penser à Shaun Tan et son "Là où vont nos pères" (là aussi l'hommage d'un fils à son père migrant). Ce fil narratif n'est pourtant pas une fatalité. Halfdan Pisket dans sa trilogie "Dansker" (prix de la meilleure série à Angoulème en 2019) traite le sujet de la migration de son père de manière très différente et beaucoup plus réaliste."

Mais c'est vraiment dommage je trouve, cela aurait pu faire une vraiment excellente BD que ce projet, si Altarriba s'était donné la peine de s'intéresser au réel plutôt qu'uniquement à ses fantasmes, s'il avait considéré les migrants africains comme des êtres humains à part entière plutôt que simplement le tableau sur lequel projeter ses centres d'intérêt.