Retour

a publié une critique de Monstres par Barry Windsor-Smith

Barry Windsor-Smith: Monstres (GraphicNovel, French language, 2021, Delcourt)

L'histoire secrète de Bobby Bailey, un personnage qui en évoque un autre, Bruce Banner alias …

Long et chiant amha

Aucune note

J'ai donc lu Monsters (en VO) et malgré un milieu de ce pavé qui est assez intéressant, la fin est vraiment "tout ça pour ça". Apparemment c'était au départ un scénario pour Hulk, et là ça aurait pu marcher : le monstre du titre (enfin, celui qui est physiquement monstrueux) aurait dans ce cas eu un cadre auquel se raccrocher, au lieu d'être là comme un cheveu sur la soupe, sans vraiment de raison d'être ni d'avenir possible. Là, assez vite on ne comprend pas à quoi il sert, et la fin montre qu'il ne sert en fait à rien. Il n'a pas d'agentivité (bon, sauf une douleur sourde que l'on ressent assez fortement vers le milieu de l'histoire), pas d'arc narratif, rien qui puisse pousser le lecteur à s'y intéresser...

J'ai trouvé cette critique très bien écrite qui montre toutes les qualités (réelles) de l'album, donc peut-être que c'est moi qui suis passé à côté plutôt que l'histoire qui ne marche pas : www.worldcomicbookreview.com/2021/07/22/monsters-review/

Mais si le critique a bien raison de dire que les dialogues sont très efficaces, le dessin très réussi, et l'histoire de la mère du monstre très touchante, il reste qu'à mon avis de nombreuses erreurs de conception fondamentales rendent cet album au final long et chiant plus qu'autre chose.

Notamment, l'idée de base que "tout est connecté" est gnangnan au possible, et n'est jamais traitée avec la moindre intelligence dans le récit (et sert même à une vengeance très bête contre un des monstres du titre). C'est bien sûr un des thèmes de la série de flashbacks qui est une construction effectivement intéressante, mais cela n'en fait pas une cohérence porteuse de sens.

Traiter de la désintégration familiale est bien sûr une noble tâche, mais la BD ne le fait pas si bien que ça. Notamment, s'il n'est pas interdit d'en traiter par le biais du fantastique (comme Shining l'a magistralement montré), ici ça marche assez mal. Le personnage de Janet est excellent et dépeint avec une énorme sensibilité, mais y'a pas vraiment de descente aux enfers de Tom, dépeint comme un monstre dès le début. Et l'origine fantastique de sa déréliction la rend moins compréhensible pour le lecteur, même si au final l'idée que les gens les plus sensibles sont les plus vulnérables à l'horreur, et donc plus susceptibles de devenir traumatisés au point de se retourner contre leurs proches, est en soi excellente. On notera d'ailleurs qu'il n'y a aucune explication claire dans la BD de son traumatisme, et que c'est seulement par induction qu'on peut comprendre que lui aussi est ultrasensible psychiquement et que c'est pour ça qu'il part en vrille en rencontrant la vraie horreur.

D'ailleurs le fait que l'on aie aucune véritable explication pour son traitement ultérieur par l'armée n'aide pas non plus. J'imagine que l'on est censé deviner que c'est parce qu'il n'a tué que des soldats noirs qu'il est relativement épargné ?

Le fait que l'intrigue de départ aie lieu durant la guerre du Vietnam, période de réelles monstruosités à grande échelle, mais qu'elle ne soit jamais mentionnée est bizarre également. Est-ce censé être une toile de fond permanente dans la lecture quoique jamais mentionnée explicitement ? Ce n'est pas du tout clair pour moi.

Il y a peut-être une question de génération, l'auteur étant né en 1949 (l'année du retour de Tom, j'imagine que ce n'est pas une coïncidence); mais le lecteur moderne ne peut qu'avoir à l'esprit en permanence que le malheur de Tom et celui qu'il inflige aux autres s'évaporerait largement si simplement il expliquait un peu ce qu'il a vécu et se confiait à sa femme. Ce qui forcément, rend la description de la déréliction familiale assez largement sans objet, puisque jamais n'est explicité pourquoi Tom ne le fait pas ou ne peut pas le faire, même si une connaissance plus fine de la mentalité de cette génération peut permettre de le comprendre. Au moins, chez les MacFarland, on a le mari qui essaie de s'expliquer et on voit comment sa femme (pourtant l'épouse idéale) ne le comprend pas, ce passage-là est plus réussi. Certes il y a eu 15 ans entre les deux et c'est peut-être un excellent commentaire sur l'évolution des relations maritales entre les deux périodes, mais si c'est le cas il est beaucoup trop discret pour être compris par le lecteur lambda...

Encore une fois, vu à quel point l'intrigue autour de Janet est bien construite, j'aurais aimé pouvoir aimer cette BD, et il est vrai qu'il y a des éléments qui marchent très bien dans la construction en flash-backs (par exemple quand on comprend la raison de la colère de Tom à propos des "pigs in blankets"). Mais y'a trop de choses qui ne vont pas pour qu'on puisse vraiment savourer l'oeuvre plutôt que d'être sorti de l'ambiance par sa longueur et ennuyé par tout ce qui est visiblement bancal.

Les longs passages de texte avec le journal de Janet en une écriture cursive certes très belle mais difficilement lisibles n'aident pas la fluidité de la lecture, même si ces passages sont en fait importants dans l'intrigue (enfin surtout dans la construction du -encore une fois très réussi - portrait psychologique de Janet).

En bref, si vous avez une approche très cérébrale de vos lectures et êtes prêts à savourer les détails, vous pouvez peut-être vous lancer, mais sinon autant éviter de lire 365 pages qui ne mènent nulle part d'intéressant.