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Une humanité qui s'est autodétruite lors d'une guerre. De rares personnes survivantes récupérées par des extraterrestres. Parmi elles, celle qui va constituer le fil rouge de ce roman : Lilith. Le roman adopte son point de vue pour découvrir peu à peu une société extraterrestre Oankali riche et complexe. L'Aube propose une déclinaison originale du "premier contact" au sens où cela n'a rien d'une rencontre sur un pied d'égalité : l'humanité se retrouve entièrement placée sous la dépendance des Oankali, lesquels se trouvent en position d'analyser et d'étiqueter l'humanité à partir de leur propre perception, et d'imposer (ou du moins de tenter d'imposer) leur grille et leur fonctionnement à ce qu'il reste de l'humanité. Lilith va se voir confier un rôle particulier dans leurs projets. Délivrant un récit intime, servi par une plume très fine, c'est une histoire qui s'avère aussi riche que déstabilisante, abordant et invitant à questionner l'altérité, l'humanité, les formes de domination et leur perpétuation, ou encore la liberté et la capacité d'agir. Autant de thématiques fortes qui interpellent, pour lesquelles il n'y a aucune réponse facile, et qui m'ont captivé. Un vrai coup de coeur.

Ce roman m'a happée. L'autrice a créé un monde sous l'eau, car les humains se sont réfugiés sous les océans pour survivre à une catastrophe climatique. A aucun moment, on ne sort des océans ; on n'a aucune idée de l'apparence de la surface. Les humains se sont organisées en cités sous-marines intercommunautaires, dont certaines respectent la Pax, une sorte de traité de partage des connaissances et des richesses. Pas de vaisseaux spatiaux, mais des sous-marins. La description des fonds marins utilise le vocabulaire scientifique ; toute une géographie sous-marine est mise en place. La technologie à la fois dans les cités et les subs est très avancée, mais pas au point de nécessiter des descriptions complexes. Ce qui m'a accrochée, ce sont les personnages : les deux protagonistes, puis les autres personnages qui prennent de plus en plus d'épaisseur. Menton spéciale pour Wolf qui a un sacré développement. J'ai trouvé les réactions et la psychologie des personnages assez réalistes. Ils sont attachants, mais ils ne sont pas parfaits. Ils sont tous très bien caractérisés. Soyons clair : certains d'entre eux ne vivent pas des choses très sympathiques ; certaines scènes sont violentes, sans être trop graphiques. C'est un roman avec beaucoup d'actions : ces scènes sont d'ailleurs très bien racontées et palpitantes. Cependant on a aussi des moments de réflexion sur la nature humaine, notamment sur cette question : l'individu est-il moins important que la collectivité ? Les personnages se heurtent à ce dilemme plus d'une fois et ont des réponses très différentes. J'aime beaucoup le paysage politique esquissé dans le roman : on a deux grosses puissances, avec des idéologies opposées (ou pas), dont l'une est dirigée par une IA, et d'autres communautés qui n'appartiennent pas à la Pax (on parle peu de celles-ci, à part l'une d'entre elles, dans laquelle va se jouer toute une partie du roman). Vivement le tome 2 !

"Les romans de fantasy s'inscrivent souvent dans un décor médiéval où les personnages affrontent des monstres. Pourquoi pas une jeune femme noire en Géorgie dans les années 1920 ?" ( P. Djèlí Clark, "Avant-propos")

Aux confins de la fantasy et de l'horreur, Ring Shout emprunte ses ressorts narratifs aux littératures de l'imaginaire pour proposer un récit hautement politique, en mettant en scène l'histoire de la population afrodescendante aux États-Unis et le racisme qui y sévit dans les années suivant la Première Guerre Mondiale. C'est un court roman chargé de tensions, d'affrontements, qui se lit d'une traite. Il s'appuie sur d'impressionnantes figures féminines, héroïnes marquées par les tragédies qui laissent une impression durable une fois le livre refermé.

La traductrice, Mathilde Montier, a une nouvelle fois réalisé un impressionnant travail pour rendre accessible tout le travail sur la langue réalisé par l'auteur dans la version originale. P. Djèlí Clark revient d'ailleurs sur les enjeux de traduction dans son avant-propos ; je me dis qu'il aurait été intéressant d'avoir également quelques mots de la traductrice, sur les interprétations, ses éventuelles hésitations et les choix qu'elle a dû faire (construction du créole, choix de ne pas utiliser le verbe tchiper, etc.)