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a publié une critique de Babel 17 par Samuel R. Delany

Samuel R. Delany: Babel 17 (Paperback, French language, 1973, Calmann-Lévy)

Le langage comme arme absolue ? C'est l'hypothèse qu'examine Samuel R. Delany dans cet étonnant …

Un classique de la linguistique-fiction

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Un grand classique de la linguistique-fiction (cf. l'ouvrage "Comment parler à un alien"), qui s'appuie sur la fameuse hypothèse sapir-whorf selon laquelle le language façonne la pensée et la perception du monde. Cette idée est un peu galvaudée, on la retrouve notamment dans "L'histoire de ta vie" de Ted Chiang, ou dans "L'enchâssement" de Ian Watson, mais il faut rappeler que le roman date de 1966. Delany pointe d'ailleurs lui-même les limites de sapir-whorf : notamment le fait que, quelque soit la langue, il est possible d'exprimer toute idée en utilisant une périphrase plus ou moins longue. Selon notre langue, l'accès à certains concepts nous est donc facilité, mais aucun ne nous est interdit. Fait notable : on doit la traduction française à Mimi Perrin la célèbre chanteuse des Double Six, qui eut ensuite une seconde carrière en tant que traductrice, notamment de SF.

a répondu au statut de Léo Varnet

@LeoVarnet Intéressant, ça me fait me poser des questions, notamment sur "quelque soit la langue, il est possible d'exprimer toute idée en utilisant une périphrase plus ou moins longue" : est-ce que c'est vraiment vrai pour toutes les langues ? Est-ce qu'on pourrait créer une conlang délibérément pour empêcher de parler de certains concepts ? Et qu'en est-il des communications animales : il semble compliqué de parler de physique quantique en employant les languages animaux même avec de longues périphrases, non ? Alors est-ce qu'on pourrait imaginer qu'avec nos langues humaines il nous est également impossible d'exprimer certaines idées ?

@Armavica @Balbec@bw.heraut.eu @Crapounifon Intéressantes questions ! Pour la langue conçue pour empêcher de penser c'est bien sûr le sujet d'un autre grand classique de la SF : "1984" d'Orwell. Mais on trouve également un exemple réel dans le "LTI" de Klemperer, linguiste qui décrit de l'intérieur la montée du 3eme Reich et sa prise sur les esprits au travers des évolutions de l'allemand dans les années 30-40. Pour la communication animale c'est un peu tricher car on ne considère habituellement pas qu'il s'agit d'un langage. De façon générale il est vrai que l'affirmation qu'il est possible d'utiliser des périphrases pour toute idée n'est pas formellement démontrée. C'est plutôt une réponse aux arguments habituels des tenants de Sapir-whorf (du type "les inuits perçoivent la neige différemment car ils ont 7 termes pour le mot neige"). Mais le rejet du Sapir-whorfisme ne doit pas faire oublier que le langage a effectivement une influence plus subtile sur la pensée. C'est le cas par exemple avec les langues possédant des marques de genre grammatical où le masculin générique oriente spontanémement les représentations vers des hommes (ce qui n'est bien sûr pas le cas pour les langues non genrées). Pour finir en revenant à la linguistique-fiction, Douglas Hofstadter imagine dans une petite histoire très courte une langue qui marquerait non pas le genre de l'individu mais sa couleur de peau, avec un "blanc générique".