LienRag a noté Yoko Tsuno, tome 8 : 4 étoiles

Yoko Tsuno, tome 8 de Roger Leloup (Yoko Tsuno, #8)
À deux millions d'années-lumière de la Terre, une navette intergalactique glisse majestueusement dans le ciel sombre de la planète Vinéa. …
Bédéphile (et non "file, débile !")
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À deux millions d'années-lumière de la Terre, une navette intergalactique glisse majestueusement dans le ciel sombre de la planète Vinéa. …
Yoko Tsuno est hébergée avec son ami Pol dans un château en Ecosse après avoir crevé un pneu de leur …
Ou plus exactement le dernier bon album de la série...
Ce qui me permet de faire une chronique non pas de cet album mais de la série en général.
Une discussion récente avec @iLangle@piaille.fr m'a permis de formaliser un aspect de ce qui fait l'intérêt des aventures de Yoko (les bonnes, évidemment) : elle n’apparaît pas comme une superwoman mais toutes ses qualités viennent d'un travail préalable qui impliquait une réelle humilité...
J'ai relu la Spirale du Temps récemment (ce qui m'a confirmé que ça reste lisible, même si le scénario est parfois léger).
Et oui, le fait que non seulement Yoko soit la fille du grand professeur Tsuno ET la filleule du seul kamikaze survivant mais également aie passé son enfance à Sumatra fait un peu beaucoup (et tombe à pic) mais le fait qu'elle sache donc cornaquer un éléphant, non seulement est présenté de façon totalement naturelle, mais …
Ou plus exactement le dernier bon album de la série...
Ce qui me permet de faire une chronique non pas de cet album mais de la série en général.
Une discussion récente avec @iLangle@piaille.fr m'a permis de formaliser un aspect de ce qui fait l'intérêt des aventures de Yoko (les bonnes, évidemment) : elle n’apparaît pas comme une superwoman mais toutes ses qualités viennent d'un travail préalable qui impliquait une réelle humilité...
J'ai relu la Spirale du Temps récemment (ce qui m'a confirmé que ça reste lisible, même si le scénario est parfois léger).
Et oui, le fait que non seulement Yoko soit la fille du grand professeur Tsuno ET la filleule du seul kamikaze survivant mais également aie passé son enfance à Sumatra fait un peu beaucoup (et tombe à pic) mais le fait qu'elle sache donc cornaquer un éléphant, non seulement est présenté de façon totalement naturelle, mais n'est pas si irréaliste : j'ai jamais essayé mais la BD ne dit pas que c'est si compliqué, ne la montre pas réaliser des prouesses hors du commun, et surtout est assez claire sur le fait que sa facilité à le faire est due à son empathie, ce qui est à la fois cohérent avec son personnage et un discours sur le monde que je trouve intéressant.
Pareil, ensuite elle s'intéresse et empathise avec les traditions funéraires locales, mais à aucun moment n'est présentée comme ayant une expertise en archéologie ou anthropologie.
De même elle sait ce qu'est un accélérateur de particules, ce qui est cohérent pour une ingénieur électronicienne, mais on ne la voit pas le réparer ou proposer une amélioration comme le ferait le scientifique générique des films américains...
À un moment elle sait ouvrir une bouche d'approvisionnement et y insérer une cartouche, soit une capacité ordinaire d'opération d'une machine générique.
Jamais rien de plus extraordinaire comme compétences dans cet album, de mémoire.
Pareil dans la Fille du Vent, elle sait piloter (ce qui était assez courant pour des ingénieurs à l'époque) mais ne réalise aucune prouesse, elle montre juste une compétence correcte mais basique.
Et sa maîtrise du ninjiutsu ajoute en effet à la longue liste de ses compétences, mais reste cohérent avec sa présentation dès le départ comme une pratiquante avancée de multiples arts martiaux. Et elle ne fait rien d'extraordinaire en tant que ninja, juste une pratique compétente de base.
J'ai un vague souvenir de son utilisation du Kyûdo dans la Forge de Vulcain, mais de mémoire pareil, elle réussit quelque chose de difficile, demandant compétence et concentration, mais absolument pas une prouesse surhumaine.
Et c'est vraiment le thème général de toute son utilisation des arts martiaux depuis "Hold-up en hifi" : pratique de haut niveau, mais pas surhumaine.
J'ai pas lu les très mauvais albums récents (et n'ai pas de souvenirs de ce qui suit la Proie et l'Ombre vu que je ne les ai lu qu'une fois en vitesse vu qu'ils sont sans intérêt) mais pour les précédents, son "hypercompétence" (comme disait mon interlocutrice dans la discussion en question) reste dans le même registre : apprenant vite, travaillant bien, bref ce qu'on demande à un bon ingénieur, mais rien de surhumain.
Et des compétences qui restent dans le registre présenté dès le départ : arts martiaux et ingénierie en lien plus ou moins lâche avec l'électronique.
Donc un message pour les jeunes filles (et enfants en général) que je trouve très correct : si tu travailles bien à l'école et construit une société socialiste favorisant l'entraide et la coopération, toi aussi tu pourras comme Yoko gérer toutes les situations que tu rencontres et être une force positive dans le monde.
(oui, j'extrapole un peu pour la partie "socialisme" : mais la constante - quoique discrète - emphase mise sur l'empathie de Yoko et son souci d'autrui, qui elle est clairement dans tous les albums, me paraît mener naturellement vers cette traduction politique-là)
Bref, c'est une femme qui est effectivement super, mais ce n'est pas une super-femme.
Également c'est une série très datée, très liée aux conditions dans lesquelles elle a été créée, que ce soit par son érotisme très discret, lié à l'asexualité de la BD dans Spirou à l'époque, à la technophilie et à la découverte d'un japon encore largement inconnu mais en pleine montée en puissance, et surtout par sa structure narrative: il faut bien comprendre que c'était publié au rythme d'une à deux pages par semaine, soit bien six mois pour un album, et qu'on passait donc beaucoup plus de temps dans le mystère qu'avec sa solution. L'important était donc moins l'énigme dans son ensemble ou la pertinence de sa conclusion que l'ambiance créée tout le long de l'histoire, et sur ce plan Yoko Tsuno est vraiment excellent, les histoires lues dans mon enfance continuent à me marquer, ce pour tous les albums (les vrais je veux dire, jusqu'à la Proie et l'Ombre donc, et surtout jusqu'à la Fille du Vent). Malheureusement ça se retrouve assez mal lorsqu'on lit l'album d'un bloc, même en se forçant à s'arrêter un peu au bout de chaque page.
Et je rajoute la remarque d'un BDParadisien il y a longtemps : Yoko Tsuno (les bons, évidemment, donc toujours jusqu'à la Proie et l'Ombre) combinent SF pour le fond et horreur gothique pour la forme/l'ambiance, c'est là sa grande originalité et la clé de son succès.
J'ai d'ailleurs très peu lu de YT après les Archanges (je pense que j'ai dû m'arrêter au Matin du Monde, parcouru à toute vitesse tellement c'était mauvais, j'ai arrêté de me faire du mal après ça) et donc je ne peux être certain, mais j'ai l'impression que justement le déclin brutal de la série vient quand cette dimension d'horreur gothique disparaît.
Mais il faut comprendre une chose, c'est que cette horreur gothique étant dans l'ambiance, elle dure une scène¹ en général, donc en lisant l'album d'une traite on perd quasiment tout de cet aspect. J'ai feuilleté relativement récemment "la frontière de la vie" à la bibliothèque, la troisième page (je crois) se termine par le dialogue (que je trouve très bien mis en scène) "croyez-vous aux vampires ?" et dans le contexte de l'architecture de Rothemburg dans laquelle on baigne c'est tout à fait crédible. De même dans le Trio de l'Étrange, la scène avec le Central a beau être de la SF classique, elle est d'une force horrifique impressionnante, même en la relisant en tant qu'adulte, on se sent aussi impuissant et terrifié que Yoko (et donc on ressent profondément ce que son courage face à l'adversité représente, elle apparaît extrêmement humaine dans ce passage), mais ça ne peut avoir le même impact quand on reste plusieurs semaines dans cet état que quand on tourne trois pages et que c'est fini.
Également c'est une femme de caractère certes, et le fait qu'elle aie toutes les qualités est peut-être un peu daté, mais elle n'en abuse pas amha, c'est juste ce qui était nécessaire à l'époque pour qu'une femme puisse rester autonome on dira. Le fait que malgré toutes ses qualités professionnelles et humaines elle aie réellement une personnalité, ne soit pas totalement lisse comme Tintin par exemple, me paraît une grande réussite de Leloup justement.
Et ça marche, il y a longtemps je parlais avec une amie ouest-africaine et je ne sais plus comment Yoko est venue sur le tapis, et elle a spontanément sorti "Yoko Tsuno, mon idole !" (sous-entendu, à l'adolescence/pré-adolescence).
¹ Je veux dire, on a une scène qui est portée par une ambiance d'horreur gothique, comme par exemple celle avec la chauve-souris dans l'Orgue du Diable; puis l'intrigue reprend/continue et on comprend qu'il y a une explication rationnelle, et plus tard on a une autre scène d'ambiance gothique, etc. Le tout très très bien agencé, cela n'apparaît jamais artificiel.
Après une longue pause, j'ai fini "Le ciel dans la tête" et finalement c'est une fable qui ne prétend pas au réalisme. Mais dans ce cas pourquoi avoir mis dedans tant de moments d'ultra-violence qui correspondent (superficiellement) à des situations réelles ? Globalement, j'ai trouvé ça très mauvais. Et d'ailleurs, dans toute la première partie (jusqu'à la fuite) y'a pas un dialogue qui sonne juste - et après pas beaucoup plus.
Il me semble que la seule légitimité à présenter de l'extrême cruauté, à part le voyeurisme et éventuellement certaine littérature de genre, est de susciter l'empathie. Or tout l'album sonnant faux, je l'ai lu en spectateur, sans rien ressentir.
Dommage parce que "L'aile brisée" d'Altarriba était très bien ("L'art de voler" un peu chiant par contre), très empathique mais justement sans pathos.
En fait la différence entre "L'aile brisée" et "L'art de voler" peut expliquer le ratage artistique du …
Après une longue pause, j'ai fini "Le ciel dans la tête" et finalement c'est une fable qui ne prétend pas au réalisme. Mais dans ce cas pourquoi avoir mis dedans tant de moments d'ultra-violence qui correspondent (superficiellement) à des situations réelles ? Globalement, j'ai trouvé ça très mauvais. Et d'ailleurs, dans toute la première partie (jusqu'à la fuite) y'a pas un dialogue qui sonne juste - et après pas beaucoup plus.
Il me semble que la seule légitimité à présenter de l'extrême cruauté, à part le voyeurisme et éventuellement certaine littérature de genre, est de susciter l'empathie. Or tout l'album sonnant faux, je l'ai lu en spectateur, sans rien ressentir.
Dommage parce que "L'aile brisée" d'Altarriba était très bien ("L'art de voler" un peu chiant par contre), très empathique mais justement sans pathos.
En fait la différence entre "L'aile brisée" et "L'art de voler" peut expliquer le ratage artistique du "Ciel dans la tête"...
Altarriba a clairement une meilleure connexion émotionnelle avec sa mère qu'avec son père, et cela amène le lecteur à également être plus en empathie avec la première qu'avec le second (en fait, la connexion est même meilleure avec le père personnage secondaire de l'Aile Brisée - tel que vu par la mère - qu'avec le père personnage principal de l'Art de Voler). Et il n'a clairement aucune connexion avec les africains, avant ou après les migrations (c'est pas un reproche, je ne l'accuse pas de racisme, c'est un constat c'est tout); d'où le fait que la BD tombe à plat, il n'y a rien de réel, d'humain dedans, juste les présupposés d'Altarriba sur le sujet.
On me signale une interview d'Altarriba: www.antonioaltarriba.com/le-ciel-dans-la-tete-videoreportaje/, avec comme commentaire "Son but est quelque part de raconter l'histoire de son père, réfugié d'Espagne en France, à travers le destin des migrants africains aujourd'hui, et d'en faire une épopée magnifiée à la fois lumineuse et sombre. Donc le but n'est pas d'être documentaire. Il n'a d'ailleurs pas mis les pieds dans la région ni parlé à un seul migrant, ca n'a pas l'air de l'intéresser - et je pense que ca suffit à expliquer tes réserves. Il part du postulat qu'un migrant reste un migrant, que ce soit ici ou ailleurs, hier ou aujourd'hui, quel que soit le contexte. Ca fait effectivement un peu penser à Shaun Tan et son "Là où vont nos pères" (là aussi l'hommage d'un fils à son père migrant). Ce fil narratif n'est pourtant pas une fatalité. Halfdan Pisket dans sa trilogie "Dansker" (prix de la meilleure série à Angoulème en 2019) traite le sujet de la migration de son père de manière très différente et beaucoup plus réaliste."
Mais c'est vraiment dommage je trouve, cela aurait pu faire une vraiment excellente BD que ce projet, si Altarriba s'était donné la peine de s'intéresser au réel plutôt qu'uniquement à ses fantasmes, s'il avait considéré les migrants africains comme des êtres humains à part entière plutôt que simplement le tableau sur lequel projeter ses centres d'intérêt.
À ma première tentative de lire "Le ciel dans la tête", je me suis retrouvé arrêté par les premières pages. Non seulement c'est très violent, mais cela me semble gratuitement très violent, juste pour choquer. Je veux dire, ce qui est décrit est documenté comme comportement, mais il me semble pas dans les régions où se passe l'histoire.
D'abord, ce que par exemple montrait très bien Aieia d'Aldaal, même dans une situation d'exploitation ultraviolente, la plupart des relations sociales sont transactionnelles, pas inutilement meurtrières. La plupart du temps, l'autorité en place n'a pas besoin de préciser sa menace, elle flotte implicitement dans l'ensemble des relations. Donc voir des soldats menacer les enfants mineurs, pourquoi pas, mais ça me paraît exagéré (petit spoiler) qu'ils veuillent tuer un gamin juste parce qu'il a aidé son collègue - au contraire, l'entraide est généralement encouragée tant qu'elle est au service de la production.
Mais …
À ma première tentative de lire "Le ciel dans la tête", je me suis retrouvé arrêté par les premières pages. Non seulement c'est très violent, mais cela me semble gratuitement très violent, juste pour choquer. Je veux dire, ce qui est décrit est documenté comme comportement, mais il me semble pas dans les régions où se passe l'histoire.
D'abord, ce que par exemple montrait très bien Aieia d'Aldaal, même dans une situation d'exploitation ultraviolente, la plupart des relations sociales sont transactionnelles, pas inutilement meurtrières. La plupart du temps, l'autorité en place n'a pas besoin de préciser sa menace, elle flotte implicitement dans l'ensemble des relations. Donc voir des soldats menacer les enfants mineurs, pourquoi pas, mais ça me paraît exagéré (petit spoiler) qu'ils veuillent tuer un gamin juste parce qu'il a aidé son collègue - au contraire, l'entraide est généralement encouragée tant qu'elle est au service de la production.
Mais ça à la limite cela pourrait être possible, surtout dans une mine conquise depuis peu.
Là où j'ai plus de problèmes (déjà parce que c'est encore plus violent), c'est avec le recrutement du héros (autre spoiler, mais bon c'est le début de l'album). C'est une procédure de recrutement qui est hélas connue pour exister, mais à ma connaissance pas dans la zone géographique directe où l'album se situe; c'est une pratique liée à la RENAMO, aux milices sierra-léonaises et libériennes, à la LRA ougandaise par exemple; je ne la connais pas pour les Kadogos (ce qui ne signifie pas pour autant que le recrutement des Kadogos est pacifique). Est-ce qu'elle existe au Congo (en-dehors des zones sous la coupe de l'ADF/EI), il me semble que non mais je ne saurais le nier catégoriquement. Par contre, ces pratiques ont lieu envers les populations hostiles aux groupes armés en question, jamais (ce qui est logique vu à quel point elles ne peuvent être tolérées par les populations qui en sont victimes) envers les populations contrôlées par ces groupes armés (qui peuvent certes être prédateurs, et extrêmement violents, mais ne vont généralement pas aussi ouvertement contre leurs propres intérêts).
Bien sûr, si quelqu'un connaît bien la région et peut confirmer ou infirmer, cela m'intéresse.
Pour prendre une analogie qui permettra peut-être de mieux comprendre ce que je veux dire : Imaginez un auteur chinois qui prendrait la scène de torture par la Gestapo française à Paris dans "Il était une fois en France", et qui la rendrait plus explicite, plus graphique (ce qui peut être légitime, le public asiatique pouvant ne pas percevoir ce qui est clairement suggéré par Nury pour un public français capable de capter immédiatement ce qui se passe). Mais qu'il la situe dans la salle des fêtes de la mairie de Trifouilly-les-Oies en 1948, avec comme tortionnaire la police municipale et comme victime le médecin local (je veux dire, pas avec une intrigue de polar expliquant comment un évènement aussi extraordinaire peut se produire, mais bien - comme dans "Il était une fois en France" et dans "Le ciel dans la tête" - avec le commentaire implicite que c'est le fonctionnement normal). Immédiatement, on voit que ça ne marche pas : - Oui la Gestapo française a existé, et torturé sauvagement - Oui la police française a également torturé sauvagement, notamment dans les colonies et lorsque le FLN a ramené la guerre en France métropolitaine - Oui la police française est restée largement la même avant, pendant et après la Collaboration (il y a eu un peu d'épuration des éléments les plus visiblement compromis, et d'intégration de résistants, mais les résistants ont assez vite été écoeurés et les collabos réintégrés) - Oui la police française a continué à torturer de façon routinière pendant des décennies (il y a même un épisode de "Tranches de vie" de Lauzier hilarant sur le sujet)
Donc oui, on pourrait tout à fait dire que cette violence à Trifouilly-les-Oies "reflète la réalité" de la répression en France, et ne serait pas gratuite ni exagérée, et qu'on ferait mieux de poser la question de l'impunité policière en France que d'être choqué par cette violence et de le reprocher à l'album.
Cela n'empêche pas que ce serait totalement non crédible comme situation : la police municipale de Trifouilly-les-Oies pourrait éventuellement (et encore, faudrait voir dans quel contexte) tabasser un marginal ou un basané, mais certainement pas le notable du coin. Et de toutes façons, pas de la même manière que la Gestapo. Quand Henri Alleg et Maurice Audin ont été torturés d'une manière proche de celle de la Gestapo, cela a fait un scandale tel qu'on en parle jusqu'à aujourd'hui - et ce n'était pas en France métropolitaine, ni en période de paix, et certainement pas par la police municipale.
Une telle confusion dans un album de BD à prétention historique serait clairement montrer une incompréhension totale des logiques de la violence dans la société française. Ce serait obscurcir, et non éclairer, les continuités et discontinuités entre la police de Vichy et celle de la IV° République, obscurcir et non éclairer le rapport entre légalité et impunité policière dans la France du XX° siècle, entre éléments démocratiques et autoritarisme, obscurcir et non éclairer les rapports sociaux propres à la France moderne et comment ils intègrent la violence.
Ce que décrit "Le ciel dans la tête" ne correspond pas à la réalité du terrain décrit, ce même s'il s'agit d'une région où peut régner une extrême violence (mais pas de cette façon-là), et que les éléments de violence décrits dans la BD existent ailleurs en Afrique.
Parce que désolé, mais une approche du genre "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire, donc pas besoin de comprendre le contexte précis, historique, social et politique de la violence que l'on présente, l'afrique est violente c'est comme ça, ça doit être atavique", désolé mais je ne peux pas l'accepter.
Si on veut une approche didactique, mais non malaisante, de la violence subie par les migrants, il y a le film "Io, Capitano". On y voit en effet (surtout dans le second tiers du film) tous les aspects classiques de la violence anti-migrants (sauf les viols), égrenés un par un pour bien marquer le coup (c'est une des faiblesses du film, par ailleurs très bon). Mais il s'agit à chaque fois de violences qui ont été documentées, dans le contexte exact où elles se produisent dans le film. Pas du tout la même chose, donc.
Ou pour rester dans la BD, "Déogratias" de Stassen ne prend pas de gants avec l'ultra-violence, et la fin reste longtemps dans l'âme du lecteur. Mais Stassen n'est jamais complaisant pour autant, et ne mélange pas tout mais décrit au contraire très précisément les mécanismes de la violence tels qu'ils se sont exercés dans la réalité.
Bref, le ciel dans la tête est un mélange de toute sortes d'histoires horribles qui ont un fond de vérité ici où là, mais qui sont rares, et encore plus rarement concentrées au même endroit au même moment sur une même personne.
Une précision quand même : de ce que je connais, le fait de devoir tuer sa famille comme rite d'intégration est une pratique qui peut être la règle mais dans des cas très particuliers, de milices qui ne régentent pas les communautés où ils prélèvent les enfants mais se contentent de raids prédateurs (notamment, c'est une pratique qui caractérisait la LRA de Joseph Kony). Cela n'a effectivement pas de sens pour une milice qui contrôle la communauté où elle recrute, même si elle la contrôle par la violence, et cela me paraît très irrespectueux d'inventer une violence extrême pour choquer, alors même que la violence réelle est déjà terrible.
La gestion des mines est variée selon les cas, donc en soi le fait qu'une milice en contrôle une par la violence peut arriver (même si le plus souvent ils exercent une taxation plutôt que d'utiliser les mineurs comme esclaves), mais malgré tout ce qui est décrit me paraît très caricatural, ce qui me gêne fortement.
Un peu comme le cannibalisme dans Katanga : est-ce que Nury s'est réellement documenté sur ce point, ou il s'agit juste d'un cliché raciste (qui peut venir d'accusations réciproques entre communautés locales, la question de la sorcellerie étant très importante en Afrique équatoriale - ailleurs aussi d'ailleurs, mais pas de la même façon) ? Oui la crise katangaise a été ultra-violente (des deux côtés, les troupes gouvernementales ayant été envoyées au combat sans ravitaillement, si j'ai bien compris), et il y a eu autonomisation de la violence à la base, mais est-ce que cela a réellement amené au cannibalisme ?
Et j'aime beaucoup la phrase, apparue dans la discussion sur BDParadision dont s'inspire cette chronique : ""dénoncer" une situation intolérable et méconnue est bien naïf, il faut soit la faire connaitre, et alors la précision est nécessaire, soit la faire ressentir, et alors nul besoin de citer des noms réels"
C'est vraiment très bien "L'incroyable expédition de Corentin Tréguier au Congo" (je connaissais pas le podcast), ils jouent avec suffisamment de finesse sur les préjugés exoticistes pour satisfaire le lecteur sans pour autant se vautrer dans la complaisance. Une question si y'en a qui connaissent l'époque : il est attesté (notamment dans "Quand les français n'étaient pas forts') que oui les élites sahéliennes étaient très ouvertes sur le monde, contrairement aux préjugés que l'on peut avoir. Et oui aussi les royaumes de la Côte étaient assez développés avant d'être détruits par la traite atlantique (et arabe à l'est). Mais à la fin du XIX°, c'est crédible ce que rencontre Corentin sur les plateaux ?
La fin de l'apartheid n'a pas réglé tous les problèmes. Séducteur et tète brûlée, le lieutenant Shane Shepperd, de la …
Si l'intrigue est plutôt réussie, le dessin pas mal et le découpage des scènes d'action assez bien fait, les dialogues sonnent faux et la politique est très simpliste (ce qui est problématique vue l'importance qu'elle a dans l'histoire).
Qui plus est, plusieurs des personnages ne sont pas nommés quand ils sont montrés, donc pour comprendre de qui il s'agit quand d'autres les référencent par leur nom, il faut retourner en arrière, ce qui casse le rythme et l'immersion.
Par ailleurs je ne suis pas spécialiste de l'Afrique du Sud, mais si j'ai bien aimé le détail qui me semble très réaliste de la vision religieuse commune qui unit d'une certaine manière deux familles que tout oppose, il me semble complètement irréaliste de voir une noire appeler un boer autrement que "Baas" dans l'Afrique du Sud rurale de l'apartheid, je me trompe ? Quand à voir deux policiers blancs descendre seuls …
Si l'intrigue est plutôt réussie, le dessin pas mal et le découpage des scènes d'action assez bien fait, les dialogues sonnent faux et la politique est très simpliste (ce qui est problématique vue l'importance qu'elle a dans l'histoire).
Qui plus est, plusieurs des personnages ne sont pas nommés quand ils sont montrés, donc pour comprendre de qui il s'agit quand d'autres les référencent par leur nom, il faut retourner en arrière, ce qui casse le rythme et l'immersion.
Par ailleurs je ne suis pas spécialiste de l'Afrique du Sud, mais si j'ai bien aimé le détail qui me semble très réaliste de la vision religieuse commune qui unit d'une certaine manière deux familles que tout oppose, il me semble complètement irréaliste de voir une noire appeler un boer autrement que "Baas" dans l'Afrique du Sud rurale de l'apartheid, je me trompe ? Quand à voir deux policiers blancs descendre seuls (enfin, avec un seul coéquipier) dans un township annoncé comme dangereux,cela me semble également totalement surréaliste...
Si quelqu'un connaît bien le pays, je veux bien confirmation ou démenti (j'avais par exemple appris il y a quelques années que le fameux Soweto est en fait très hétérogène,avec des parties franchement huppées, dès les années 90).
L'Or Bleu est un album assez bizarre, l'aspect géopolitique n'est pas inintéressant mais quand même traité de façon très très naïve, et le reste de l'album est quand même très bancal.
Ceci notamment parce que l'on découvre dans l'Ivoire de Sheila MacKinley que l'Or Bleu n'est pas un album indépendant mais la première partie d'un diptyque, format courant chez Stephane mais sans être unique (la série se répartissant entre 4 diptyques et 6 albums indépendants, 7 si on compte Lady of Shalott).
Cela rend l'Ivoire assez intéressant, puisque l'on y obtient des explications sur un certain nombre de zones d'ombres de l'Or Bleu, dont certaines dont on n'avais pas forcément conscience. Et l'histoire est relativement réaliste, les protagonistes renouent avec l’ambi guïté morale qui faisait la saveur de la série.
Donc au final une construction narrative risquée pour le diptyque, et qui malheureusement me semble assez ratée, puisque ce qu'elle …
L'Or Bleu est un album assez bizarre, l'aspect géopolitique n'est pas inintéressant mais quand même traité de façon très très naïve, et le reste de l'album est quand même très bancal.
Ceci notamment parce que l'on découvre dans l'Ivoire de Sheila MacKinley que l'Or Bleu n'est pas un album indépendant mais la première partie d'un diptyque, format courant chez Stephane mais sans être unique (la série se répartissant entre 4 diptyques et 6 albums indépendants, 7 si on compte Lady of Shalott).
Cela rend l'Ivoire assez intéressant, puisque l'on y obtient des explications sur un certain nombre de zones d'ombres de l'Or Bleu, dont certaines dont on n'avais pas forcément conscience. Et l'histoire est relativement réaliste, les protagonistes renouent avec l’ambi guïté morale qui faisait la saveur de la série.
Donc au final une construction narrative risquée pour le diptyque, et qui malheureusement me semble assez ratée, puisque ce qu'elle apporte indéniablement au second album, elle le prend au premier.
Avertissement sur le contenu spoiler, à lire après avoir fini les Stéphanes
Le caractère bancal de la construction narrative et le sentiment d'inachevé qui s'en dégage est largement dû à ce que l'album est en effet inachevé; l'on découvre dans l'Ivoire de Sheila MacKinley que l'Or Bleu n'est pas un album indépendant mais la première partie d'un diptyque, format courant chez Stephane mais sans être unique (la série se répartissant entre 4 diptyques et 6 albums indépendants, 7 si on compte Lady of Shalott).
Cela rend l'Ivoire assez intéressant, puisque l'on y obtient des explications sur un certain nombre de zones d'ombres de l'Or Bleu, dont certaines dont on n'avais pas forcément conscience. Et l'histoire est relativement réaliste, les protagonistes renouent avec l’ambiguïté morale qui faisait la saveur de la série.
Donc au final une construction narrative risquée pour le diptyque, et qui malheureusement me semble assez ratée, puisque ce qu'elle apporte indéniablement au second album, elle le prend au premier.
L'Or Bleu est un album assez bizarre, l'aspect géopolitique n'est pas inintéressant mais quand même traité de façon très très naïve, et le reste de l'album est quand même très bancal.
Dans une interview, Ceppi donnait l'explication de pourquoi ses Stéphanes sont si fades malgré leur potentiel : il expliquait lire la presse, puis faire un séjour d'une semaine sur place.
La presse donne une idée, surtout lorsqu'elle est de qualité, mais une idée qui reste extérieure à la société étudiée, et c'est bien ce que ses BDs font malheureusement (sauf le Guêpier, justement puisque là Ceppi a vécu de l'intérieur l'ambiance de ce milieu d'adulescents paumés et sait donc la retransmettre avec sincérité). Quand à rester une semaine, ça ne permet évidemment pas de dépasser le niveau touriste, même si on est un touriste informé par les lectures préalables.
Il expliquait aussi que Stéphane lui-même ne l'intéressait pas vraiment, …
L'Or Bleu est un album assez bizarre, l'aspect géopolitique n'est pas inintéressant mais quand même traité de façon très très naïve, et le reste de l'album est quand même très bancal.
Dans une interview, Ceppi donnait l'explication de pourquoi ses Stéphanes sont si fades malgré leur potentiel : il expliquait lire la presse, puis faire un séjour d'une semaine sur place.
La presse donne une idée, surtout lorsqu'elle est de qualité, mais une idée qui reste extérieure à la société étudiée, et c'est bien ce que ses BDs font malheureusement (sauf le Guêpier, justement puisque là Ceppi a vécu de l'intérieur l'ambiance de ce milieu d'adulescents paumés et sait donc la retransmettre avec sincérité). Quand à rester une semaine, ça ne permet évidemment pas de dépasser le niveau touriste, même si on est un touriste informé par les lectures préalables.
Il expliquait aussi que Stéphane lui-même ne l'intéressait pas vraiment, qu'il était comme Tintin juste un être transparent prétexte à la présentation des autres personnages. Même s'il est vrai que le héros est un substitut du lecteur et donc doit être le protagoniste qui a la plus faible personnalité, cela ne signifie pas qu'il doit être insipide... Les meilleurs albums de la série sont bien ceux où Stéphane est impliqué émotionnellement plutôt que simple spectateur.
Ce problème est présent dans toute la série (sauf Le Guêpier donc, le seul où Ceppi parle de son univers proche), mais l'Or Bleu en est une particulièrement bonne illustration, notamment du fait de la politique-fiction qui n'est que très superficiellement vraisemblable.
"Pondicherry, filiation fatale" arrive à la fois à rester dans la continuité des épisodes précédents et à intégrer le profond changement historique, c'est plutôt un bon album même si l'aspect SF n'apporte rien à l'intrigue amha (comme les autres incursions de la série dans la SF en fait). Et particulièrement problématique ici, il n'y a aucune explication de pourquoi l'aspect SF s'auto-résorbe sans affecter le reste du monde d'aucune façon.
Le personnage féminin est plutôt réussi, à la fois une variation de plus sur l'éternelle protagoniste féminine des albums précédents et une vraie personnalité avec ses parts d'ombre, sans compter une relation avec Stéphane un peu plus complexe que "moi voit, moi tombe amoureuse".
Relativement réussi, même si la construction de l'intrigue pêche assez largement (l'irruption de Pergame qui tombe comme un cheveu sur la soupe) et si trop de choses sont racontées plutôt que vécues. Au moins les personnages sont suffisamment construits pour ne pas être trop caricaturaux, et passent assez bien.
Pour la première fois Ceppi se décentre réellement du monde des routards pour donner un vrai point de vue critique (la discussion entre le banquier et Cynthia, qui ne tourne pas à l'avantage des européens). Et comme le disait Hitchcok, "meilleur est le méchant, meilleure est l'histoire": sans être inoubliable, le méchant est à la fois suffisamment caricatural pour remplir son office de monstre terrifiant et suffisamment contextualisé pour avoir la petite part de complexité qui lui évite d'être mono-dimensionnel.
Presque cinquante ans après son écriture et trente ans après ma première lecture de cet album, il reste pour moi le meilleur de la série. L'appel de la route de Kathmandou est fort et assez finement retranscrit dans cet album, mais pour celui-ci comme sans doute pour la plupart des jeunes qui l'ont prise, la réalité en est un peu décevante et c'est la période où cette route n'est qu'un mythe qui est la plus intéressante.