Goodbye Ceausescu est le deuxième ouvrage de Romain Dutter et de Bouqé, illustrateur, après Symphonie Carcérale. Dans le même esprit, c'est un romain graphique, ou plutôt un documentaire graphique, présenté comme un road trip de Romain à travers le Roumanie. Malgré la couleur, l'esthétisme graphique est inspiré du noir et blanc.
Le documentaire est présenté en six parties : la première est consacrée à la genèse de l'ouvrage : la Roumanie vue par l'auteur depuis la France, sa transition vers ce pays, pour terminer par l'indispensable mise en contexte historique, autour de la révolution de 1989. C'est là qu'intervient la première surprise, sur le caractère incertain de la nature de cette révolution, qui sous-tendra et guidera l'ensemble de l'ouvrage, et peut-être de la vie quotidienne des roumains aujourd'hui. Mer Noire, Bucarest, Timisoara, Transylvanie et Moldavie sont les thèmes géographiques régionaux des cinq autres parties : cinq régions roumaines aux identités affirmées. Quelle différence entre la Timisoara de l'Ouest, la "première ville libre de Roumanie", et la région côtière, bordée par les slaves Ukraine et Bulgarie, avec Russie et Turquie en arrière-plan !
Tout au long de ces six parties, nous découvrons l'effet de la brutale révolution, ou du coup d'État, de 1989, qui instaure une transition entre l'un des régimes communistes les plus répressifs du XXe siècle vers une société libérale à objectif démocratique, le tout en moins d'un mois. D'après Romain, la brutalité de la transition, associée à la dureté du régime communiste, se ressent encore aujourd'hui.
L'histoire, notamment romaine, a fait de la Roumanie une enclave latine au milieu d'un océan slave : je découvre à cette occasion la caractère francophile de la société roumaine, caractère que nous lui rendons bien peu. En effet, vue de France, la confusion est fréquente entre le peuple Rom et le peuple roumain, qui sont pourtant bien différents : certains Rom sont roumains, mais beaucoup ont d'autres nationalités. Malheureusement, un racisme certain perdure, exacerbé particulièrement par ces confusions : Romain aborde délicatement ce sujet afin de nous permettre d'en comprendre les ressorts et de tenter d'en démonter les effets.
Un premier abord du roman graphique documentaire donc très réussi pour moi, à travers la vision de la Roumanie vue à travers les yeux des auteurs. À recommander, donc, pour ouvrir les yeux sur notre voisin, européen depuis près de 10 ans, et récemment membre de l'espace Schengen.