Nicolas Fressengeas a commenté Le mage du Kremlin par Giuliano da Empoli
Avant même d'avoir commencé cet ouvrage, je découvre un lien vers un autre de mes livres dans la pile À lire. Du même auteur : Les ingénieurs du chaos.
Entre catalyseur de savoirs, passeur de compétences et ouvreur scientifique, j'aspire à l'exploration littéraire des futurs possibles, sans totalement exclure l'exploration future de possibles littéraires.
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Avant même d'avoir commencé cet ouvrage, je découvre un lien vers un autre de mes livres dans la pile À lire. Du même auteur : Les ingénieurs du chaos.
"Le pouvoir est comme le soleil et la mort, il ne peut pas se regarder en face. Surtout en Russie."
Ce sont les premiers mots de la quatrième de couverture.
Un nouveau plongeon dans le désordre mondial à travers un roman de 2022, primé par l'Académie Française.
Excellent ! Voici une légende de la littérature de science fiction qui ne fait pas son âge. Le mythe du vampire revu par ce qui fait ce genre littéraire ; une approche originale et surprenante. L'intemporalité du récit est telle que certains passages sont d'une effrayante modernité. A ne pas rater si, comme à moi, il vous a échappé toutes ces années.
Certains livres changent la vie, d'autres changent notre vision du monde. D'autres encore font irruption dans le réel. Celui-ci combine ces deux dernières catégories. Le hasard, ou la destinée, a voulu que j'entame le Voyage dans le Monde miroir le premier février de cette année 2025, voyage littéraire uniquement, pour ma part. Dix jours seulement plus tard, nos plus de 300 millions d'amis américains ont entamé de leur côté leur voyage politique de l'autre côté du miroir. Je termine aujourd'hui cette lecture, ce séjour, un mois et près de 500 pages plus tard, groggy par une nouvelle vision du monde et sidéré de sa réalisation en temps réel de l'autre côté de l'Atlantique : un tsunami dont la vague nous laisse déjà interrogateurs vis-à-vis du présent et de l'avenir, proche comme plus lointain. L'impossible, l'impensable, est arrivé. Nous ne l'avons pas vu. Nous avons si peu anticipé. Et pourtant il …
Certains livres changent la vie, d'autres changent notre vision du monde. D'autres encore font irruption dans le réel. Celui-ci combine ces deux dernières catégories. Le hasard, ou la destinée, a voulu que j'entame le Voyage dans le Monde miroir le premier février de cette année 2025, voyage littéraire uniquement, pour ma part. Dix jours seulement plus tard, nos plus de 300 millions d'amis américains ont entamé de leur côté leur voyage politique de l'autre côté du miroir. Je termine aujourd'hui cette lecture, ce séjour, un mois et près de 500 pages plus tard, groggy par une nouvelle vision du monde et sidéré de sa réalisation en temps réel de l'autre côté de l'Atlantique : un tsunami dont la vague nous laisse déjà interrogateurs vis-à-vis du présent et de l'avenir, proche comme plus lointain. L'impossible, l'impensable, est arrivé. Nous ne l'avons pas vu. Nous avons si peu anticipé. Et pourtant il était là, juste de l'autre côté du miroir.
Tout a commencé lorsque Naomi Klein a vu sa marque personnelle, qu'elle s'était patiemment construite, comme nous tous, voler en éclat du fait de l'irruption numérique d'une autre Naomi, nommée Wolf celle-ci, avec qui elle fut largement confondue. Elle la désigne comme son double, son image de l'autre côté du miroir. La première partie de cet ouvrage imposant est consacrée à l'exposition de la théorie du double. Au-delà des jumeaux numériques que l'intelligence artificielle nous fait miroiter, pour le meilleur peut-être, pour le pire sûrement, les doubles ne requièrent pas cette débauche de technologie consommatrice de ressources : ils existent en nous, simplement, et nous entourent. Laissant à Naomi Klein le soin d'exposer ces théories en détails, je me contenterai d'expliciter le concept de marque personnelle qu'elle introduit. Que celui qui n'a pas de double numérique sur un réseau social lève la main ! Que celui qui n'a pas soigné l'apparence et la perception de cette réputation numérique lève l'autre ! Et que ceux qui ont les deux mains levées pensent aux Curriculum Vitae qu'elles et ils ont soigneusement léchés. Mon université propose une formation continue pour soigner sa réputation, souvent numérique, sa marque personnelle, son double, à la fois si proche et si lointain. J'avoue ne pas avoir complètement compris l'objectif de ce livre, lors de sa première lecture, au début de cette première partie. Cette mécompréhension a failli me conduire à son abandon. Quelle erreur cela aurait-été ! Mon salut est venu d'un épisode du podcast Le code a changé de France Inter : L'histoire de Naomi Klein et son double maléfique, 53 minutes d'entretien avec l'autrice, parfaite introduction à la lecture de son livre.
C'est la deuxième partie qui porte l'originalité de cet ouvrage au plus haut. Naomi Klein y analyse les fragmentations de la société nord-américaine : au Canada, où elle vit et chez son voisin nord américain immédiat, sans toutefois qu'un Européen ne se sente trop dépaysé. En France, nous avons dorénavant coutume de décrire le paysage politique comme morcelé en trois, sans néanmoins arriver à ce que chaque morceau ne se disloque pas à la moindre occasion. Naomi Klein nous livre une analyse parfaitement originale, qui tranche avec cette vision tripartite, et que je trouve bien plus convaincante : c'est un miroir qui scinde nos sociétés en deux. Sans se connaître, s'ignorant ostensiblement, les deux côtés du miroir se font face, se répondent, et se construisent l'un en fonction de l'autre. D'un côté, oserai-je écrire le nôtre, en tous les cas le mien et celui de l'autrice, la terre est ronde, les vaccins sont l'un des triomphes majeurs de la science, et la Russie a envahi l'Ukraine. De l'autre côté, une réalité parallèle tout autre s'est développée, avec ses codes et ses réseaux. Répétons-le : les deux côtés du miroir s'ignorent sans se comprendre, ce qui explique notre sidération lorsque l'autre côté du miroir prend le pouvoir. Naomi Klein insiste : c'est vrai dans les deux sens, pour les deux côtés. Deux enseignements majeurs dans cette première partie : la diagonale que constitue la surface du miroir, et les forts liens entre le réel et son image déformée. La diagonale tout d'abord. L'autrice nous montre comment la fracture traverse la société dans son ensemble : les partis, de droite évidemment, mais à travers tout l'échiquier également, jusqu'à sa gauche ; la société dite civile aussi, du côté de la médecine comme du sport, jusqu'à la conscience écologique. Les diagonalistes, pour reprendre les mots de Naomi Klein, sont là où je ne les attendais pas. Ce formalisme, ce Monde miroir, se révèle parfaitement adapté et aide à comprendre ce basculement qui nous entoure. La deuxième révélation concerne les ferments, le terreau, du Monde miroir. C'est ainsi que l'autrice s'attarde longuement sur notre côté du miroir pour détailler les mille petits renoncements et les myriades de contradictions qui ont donné naissance à nos doubles de l'autre côté, et qui les aident à prospérer. Le Monde miroir se niche dans les interstices que le monde réel veut masquer.
La troisième partie est tout aussi dérangeante. Elle s'intéresse aux terres d'ombre, ces contrées, qu'elles soient géographiques ou sociologiques, que nous préférons ignorer, mais dont l'existence, pourtant, est absolument nécessaire pour garantir nos sociétés et nos modes de vie dits occidentaux. Pour commencer, Naomi Klein nous suggère que l'une des raisons pour lesquelles il est si difficile de battre les théories conspirationnistes en brèche est que certaines conspirations, si l'on en revient à la définition précise du terme, existent bel et bien. Qui peut aujourd'hui affirmer qu'aucune "manipulation secrète orchestrée en coulisse par de puissantes forces" n'a lieu aujourd'hui de par le monde ? Nul besoin pour cela de regarder le monde d'après le 20 janvier 2025, où elles sont évidentes : le monde d'avant en regorgeait également. Pensons aux crises financières, au prix de l'énergie, sans parler des guerres qui éclatent à la surface de la planète. "En avoir conscience ne fait pas de vous un conspirationniste, mais un observateur sérieux de la politique et de l'histoire" (Le Double, Naomi Klein, page 303). L'autrice s'attarde ensuite sur notre côté du miroir, sur l'histoire et la géographie nord américaine tout d'abord, puis sur l'interprétation souvent donnée de l'Allemagne nazie, et surtout l'Holocauste, comme étant une anomalie sans équivalent de l'histoire. Elle y montre tout d'abord que la prise de conscience nord américaine du fait que la très grande majorité de ses habitants y vivent sur une terre volée et conquise via des atrocités indescriptibles est très récente. Elle est également extrêmement plus fragile, comme nous le montre l'histoire immédiate. Sommes-nous vraiment du bon côté du miroir ? Attention à ce qu'il ne se brise ! De la même façon, la Shoah, l'Holocauste, est généralement montré comme un événement unique en son genre, par sa brutalité et son inhumanité. Sans absolument lui dénier cette extrême gravité, Naomi Klein suggère que la particularité qui lui confère cette propriété singulière est uniquement qu'il s'est produit sur le sol européen. Regardons un peu dans le miroir et comparons avec les actions européennes en Afrique et aux Amériques lors du commerce triangulaire. Naomi Klein, ainsi que de nombreux autres auteurs, suggèrent que ces atrocités, autrement dit l'acceptabilité du génocide étaient en germe depuis longtemps… et le sont toujours.
Difficile de sortir indemne de cette lecture ! L'optimisme n'y est pas de mise. L'angle de vue proposée par Naomi Klein est particulièrement percutant, en ce qu'il permet la synthèse de nombre d'observations a priori contradictoires et dissonantes. Encore plus frappant est que cet ouvrage a été écrit voilà deux ans, alors qu'il semble parfaitement décrire et interpréter ces premiers mois de 2025. C'est cependant une lecture à recommander fortement, car elle fournit des clefs de compréhension originales, qui permettront, je l'espère, de mieux organiser la résistance à l'hiver qui semble venir.
Un virus incurable contraint les hommes à fuir le soleil et à se nourrir de sang... Et il n'en reste qu'un, une légende.
Loin des antivax, un bon vieux classique de la science fiction (1954) que je n'ai étrangement jamais lu et qui est tombé du rayon de ma Petite Librairie directement dans mes mains.
Une bonne histoire de vampire pour fuir le réel.
A bientôt !
Je termine les presque 500 pages du voyage de l'autre côté du miroir proposé par Naomi Klein. Hasard du calendrier, ou peut-être pas, mon voyage littéraire a débuté juste après le 20 janvier 2025, date à laquelle nos amis américains ont traversé le miroir, accentuant par là l'épaisseur de la lecture de l'ouvrage de Naomi Klein.
Elle nous y propose une relecture de la fragmentation politique actuelle, au Canada, son pays, mais aussi aux États-Unis, en Europe, et finalement partout à la surface de la planète. Au-delà de la classique répartition en trois blocs à l'aune de laquelle nous comprenons la politique française aujourd'hui, elle propose deux mondes miroirs qui s'ignorent. Dans le premier, son monde, la terre est ronde, le dérèglement climatique est une réalité d'origine humaine, et la Russie a envahi l'Ukraine. Dans l'autre monde, qui lui fait face, toutes ces réalités peuvent être remises en cause au …
Je termine les presque 500 pages du voyage de l'autre côté du miroir proposé par Naomi Klein. Hasard du calendrier, ou peut-être pas, mon voyage littéraire a débuté juste après le 20 janvier 2025, date à laquelle nos amis américains ont traversé le miroir, accentuant par là l'épaisseur de la lecture de l'ouvrage de Naomi Klein.
Elle nous y propose une relecture de la fragmentation politique actuelle, au Canada, son pays, mais aussi aux États-Unis, en Europe, et finalement partout à la surface de la planète. Au-delà de la classique répartition en trois blocs à l'aune de laquelle nous comprenons la politique française aujourd'hui, elle propose deux mondes miroirs qui s'ignorent. Dans le premier, son monde, la terre est ronde, le dérèglement climatique est une réalité d'origine humaine, et la Russie a envahi l'Ukraine. Dans l'autre monde, qui lui fait face, toutes ces réalités peuvent être remises en cause au service d'un narratif alternatif.
Afin d'atténuer l'ignorance qu'ont ces deux mondes l'un de l'autre, son propos est de relater la plongée qu'elle a effectuée pendant plusieurs mois en trouvant le moyen de franchir le miroir. Il en ressort une analyse politique tout à fait originale qui permet de montrer comment le côté alternatif du miroir se nourrit des petites et grandes faiblesses du côté du miroir que l'on pourrait qualifier de scientifique --- le sien, le mien --- en en construisant un double modifié.
Une lecture épaisse, parfois difficile, parfois glaçante, mais révélatrice. J'ai lu que ce livre était immanquable. Je confirme. Pour une introduction plus longue, France Inter a proposé une interview de l'autrice. J'essaierai également d'en proposer une chronique plus détaillée.
J'ai beaucoup hésité à ajouter ce livre dans la pile des lectures à venir. Je suis en effet en cours de lecture du Double, après Toxic Data et Résister, tous touchant à plusieurs facettes d'un même thème malheureusement trop d'actualité. Toutes ces lectures aident à comprendre les profondes transformations en cours et les risques que nous encourons collectivement. Mais trop y revenir est aussi un danger personnel, j'ose les mots, de santé mentale. À lire, donc, mais peut-être après une pause sanitaire.
Soleil Vert est un roman d'anticipation dont le thème central est l'écologie. Publié en 1966, C'est un classique de la science-fiction, que certains collégiens ont même eu le privilège de découvrir au sein du programme officiel. Sauf erreur de ma part, je pense que son originalité principale réside quelque part entre le thème de son univers et son année de publication : Soleil Vert se compte parmi les toutes premières préoccupations écologiques de la science-fiction. Je gage que c'est ce qui a fait sa réputation.
L'action est située au tournant du millénaire, au sein d'un Manhattan surpeuplé. Son univers est mieux décrit par le titre original Make Room! Make room! -- Faites place ! Faites place !. L'intrigue est policière, du genre où le roman s'ouvre sur le déroulé précis des faits : point de suspens à attendre de ce côté. Et en effet, ce n'est pas là que …
Soleil Vert est un roman d'anticipation dont le thème central est l'écologie. Publié en 1966, C'est un classique de la science-fiction, que certains collégiens ont même eu le privilège de découvrir au sein du programme officiel. Sauf erreur de ma part, je pense que son originalité principale réside quelque part entre le thème de son univers et son année de publication : Soleil Vert se compte parmi les toutes premières préoccupations écologiques de la science-fiction. Je gage que c'est ce qui a fait sa réputation.
L'action est située au tournant du millénaire, au sein d'un Manhattan surpeuplé. Son univers est mieux décrit par le titre original Make Room! Make room! -- Faites place ! Faites place !. L'intrigue est policière, du genre où le roman s'ouvre sur le déroulé précis des faits : point de suspens à attendre de ce côté. Et en effet, ce n'est pas là que se situe le sel de ce roman : c'est le contexte qui vaut le détour. L'enquête criminelle qui suit le meurtre initial invite en effet le lecteur à explorer Manhattan et ses environs à l'aube du XXIe siècle. À cette époque, vue de 1966, les États-Unis, comme le reste du monde, ont achevé d'épuiser les ressources nécessaires à leur subsistance, qu'elles soient liquides, solides ou énergétiques.
La raison de cet épuisement des ressources est clairement présentée comme étant liée à la surpopulation humaine, endémique aux États-Unis comme, cela est suggéré, sur l'ensemble de la planète. Une partie non négligeable du roman est consacrée à la responsabilité de l'Église dans cette situation, du fait de son rejet dogmatique de la contraception. Je dois confesser que bien que ce rejet soit bien réel même aujourd'hui et trouve peu de grâce à mes yeux, je n'ai pas trouvé ces passages des plus réussis et convaincants, à la différence du reste du roman. Plus généralement, je n'ai pas saisi l'intérêt d'une certaine intrication entre intégrisme religieux — chrétien — et épuisement des ressources. Cela peut être lié à la difficulté que j'éprouve à me mettre dans la peau du lecteur de 1966.
Rappelons également que ce n'est que juste après 1966 que le consensus scientifique annonçant le changement climatique que nous vivons aujourd'hui n'a commencé à se former. Harry Harrison est donc parfaitement pardonné de n'avoir pas entrevu ce futur possible, ni focalisé son attention sur les causes anthropiques de ces changements. Néanmoins, la proximité des préoccupations de Soleil Vert avec ces dérèglements est troublante pour le lecteur du XXIe siècle, d'autant plus que le roman s'ouvre incidemment sur un Manhattan étouffé de chaleur ; chaleur qui n'est donc que coïncidence et n'a pas le réchauffement climatique pour cause.
Un peu de désarroi, donc, pour le lecteur de 2024 — oui, l'écriture de cette chronique a pris un peu de temps. Étant donné la renommée de ce roman, je m'attendais à un chef-d'œuvre. En est-ce un ? J'ai tendance à penser que la réponse doit être positive, pour un lecteur de 1966, au vu surtout de la primauté de la préoccupation écologique d'anticipation. La science-fiction est cependant assez sensible aux évolutions des connaissances scientifiques. Sa vraisemblance peut souffrir de découvertes radicales menant à de nouveaux consensus, tels que celui attestant du changement climatique et de sa cause anthropique. Un chef-d'œuvre qui a pris quelques rides est néanmoins toujours un chef-d'œuvre.
Découvert sur le Fedivers grâce à @jebalad@pouet.chapril.org. C'est l'association à #Bikepunk de @ploum@mamot.fr, que j'ai adoré, qui m'a fait craquer. Sans compter la critique de @s_mailler@bw.heraut.eu.
Pour y résister, il faut prendre conscience du danger qui nous menace collectivement, et en comprendre les ressorts. C'est l'objet de la première partie de ce court essai. L'autrice s'y emploie à lever le voile de la respectabilité dans lequel tentent de se draper le --- ou les --- partis d'extrême droite en France, à travers des exemples concrets ; et comment leurs idées diffusent en deçà de cette extrême frontière de l'échiquier politique. Le plus troublant, dans cette première partie, est la comparaison des violences d'extrême droite, en regard des violences d'origine islamiste, quant à leur intensité, leur nombre, et les traitements médiatiques et politiques qui leur sont réservés. C'est tout un pan d'une menace terroriste qui est largement sous-évalué.
La deuxième partie analyse la stratégie employée par l'extrême droite pour continuer sa progression dans l'opinion publique. Elle se déploie en trois volets, trois batailles, complémentaires : médiatique, …
Pour y résister, il faut prendre conscience du danger qui nous menace collectivement, et en comprendre les ressorts. C'est l'objet de la première partie de ce court essai. L'autrice s'y emploie à lever le voile de la respectabilité dans lequel tentent de se draper le --- ou les --- partis d'extrême droite en France, à travers des exemples concrets ; et comment leurs idées diffusent en deçà de cette extrême frontière de l'échiquier politique. Le plus troublant, dans cette première partie, est la comparaison des violences d'extrême droite, en regard des violences d'origine islamiste, quant à leur intensité, leur nombre, et les traitements médiatiques et politiques qui leur sont réservés. C'est tout un pan d'une menace terroriste qui est largement sous-évalué.
La deuxième partie analyse la stratégie employée par l'extrême droite pour continuer sa progression dans l'opinion publique. Elle se déploie en trois volets, trois batailles, complémentaires : médiatique, sémantique et numérique. Quel est l'intérêt pour des milliardaires, en France comme ailleurs, d'investir de grosses sommes dans des journaux, radio et télévisions dont la rentabilité est parfois flageolante ? Leur contrôle. Le contrôle de l'espace médiatique assure une influence certaine à son propriétaire. La deuxième bataille, sémantique, est un concept qui est également abordé par Naomi Klein dans Le double : c'est une bataille pour vider les mots de leur sens, pour rendre inopérantes les armes du langage nécessaires pour expliciter la duperie à l'œuvre, tout en s'efforçant de diffuser les marqueurs extrémistes, éventuellement vide de sens, vers des franges initialement moins extrêmes de la droite de l'échiquier politique. Deux mots apparus récemment sont exemplaires en la matière : woke et islamo-gauchisme. Le sens du premier est tout à fait imprécis. C'est ce flou qui fait sa force. Il en devient inattaquable : personne ne peut transpercer un fantôme. Le deuxième, composé, associe deux concepts entre lesquels aucun lien n'a été démontré, transportant ainsi de lourds sous-entendus sans néanmoins prêter le flanc à une possible critique constructive. La troisième bataille, numérique, comprend la bataille des réseaux sociaux, comme le détaille David Chavalarias dans Toxic Data. C'est aussi la bataille de la désinformation, cruciale et difficile, car la désinformation est extrêmement lucrative, monétairement et politiquement, qu'elle passe par les réseaux sociaux ou par d'autres médias numériques à l'apparence soignée.
La troisième et dernière partie redonne de l'espoir en détaillant les possibilités et le mode d'emploi de la Résistance. Elle commence par reprendre Stéphane Hessel en insistant sur la nécessité de conserver notre capacité d'indignation malgré les nombreux et récurrent appels à la responsabilité, sans laquelle l'ordre établi, favorable à l'extrême droite, ne saurait perdurer. Indignons-nous, donc, face au péril ! Et cessons de considérer l'extrême droite comme un interlocuteur comme les autres, à l'exemple de la Wallonie, qui a su la maintenir à distance des grands médias, et ainsi de la sphère politique influente. Non, ce n'est pas une opinion, un parti, comme les autres : son histoire est bien trop chargée. Résister, c'est ainsi informer, combattre la désinformation par l'information : informer ses proches, convaincre, partager… et soutenir la diversité des médias, notamment indépendants, tellement mise à mal aujourd'hui. Dernier volet : le lien, la société. Les personnes qui sont passées de l'autre côté du miroir, pour reprendre l'expression de Naomi Klein ont parfois eu de bonnes raisons pour le faire, comme elle l'explique bien. Elles ne méritent pas toutes notre mépris : ne pas les exclure a priori est essentiel. Recréons du lien, faisons société, expliquons, débattons, explicitons.
Résister est une lecture courte, efficace, percutante, qui permet de prendre conscience des transformations en cours, en France et ailleurs, de comprendre leurs ressorts, et d'envisager d'y résister, pour retrouver espoir.
Après Technopolitique et Toxic Data, terminons avec Le Double, pour tenter de comprendre 2025.
C'est une plongée de l'autre côté du miroir, là où la vérité n'est pas là où on pourrait la croire, et où les causes découlent des conséquences.
C'est une émission intitulée Elon Musk a jeté du fumier dans la piscine de l’info : migrons ensemble dans celle d’à côté diffusée par Médiapart le 17 décembre 2024 qui m'a finalement décidé à me procurer Toxic Data via ma Petite Librairie préférée. Médiapart avait en effet invité son auteur, David Chavalarias, aux côtés de Asma Mhalla, autrice de Technopolitique, que j'avais déjà particulièrement apprécié.
Je ne fus pas déçu. Toxic Data est un livre qui permet enfin de dépasser les idées reçues et les diverses opinions peu étayées à propos de l'influence des réseaux numériques en général, et des réseaux sociaux numériques en particulier, sur nous, nos sociétés et nos démocraties. Entre sociologie et mathématique, c'est en effet un livre de science qui, à ce titre, conserve le recul et l'impartialité nécessaire à toute analyse rigoureuse, particulièrement sur un sujet aussi débattu.
C'est même un ouvrage de …
C'est une émission intitulée Elon Musk a jeté du fumier dans la piscine de l’info : migrons ensemble dans celle d’à côté diffusée par Médiapart le 17 décembre 2024 qui m'a finalement décidé à me procurer Toxic Data via ma Petite Librairie préférée. Médiapart avait en effet invité son auteur, David Chavalarias, aux côtés de Asma Mhalla, autrice de Technopolitique, que j'avais déjà particulièrement apprécié.
Je ne fus pas déçu. Toxic Data est un livre qui permet enfin de dépasser les idées reçues et les diverses opinions peu étayées à propos de l'influence des réseaux numériques en général, et des réseaux sociaux numériques en particulier, sur nous, nos sociétés et nos démocraties. Entre sociologie et mathématique, c'est en effet un livre de science qui, à ce titre, conserve le recul et l'impartialité nécessaire à toute analyse rigoureuse, particulièrement sur un sujet aussi débattu.
C'est même un ouvrage de science expérimentale ! L'instrument d'observation est un macroscope politique qui permet, via l'analyse des messages échangés sur Twitter, du temps où il s'appelait encore ainsi, de mesurer le contenu politique qui y circule et les communautés qui s'y créent. J'ai été particulièrement frappé par l'analyse quantitative qui permet de comparer la taille des chambres d'écho autour d'un sujet donné à l'écart du nombre de voix entre des candidats à des élections françaises : cette analyse seule vaut le détour.
L'ouvrage est divisé en douze chapitres, répartis en trois parties, séparées par des entractes.
La première partie pose naturellement le décor. Le lecteur y découvre les grandes manœuvres internationales qui jouent avec l'opinion politique française, et en désosse les mécanismes. Bien qu'en ayant eu l'intuition et m'étant documenté sur ces aspects, j'avoue que je n'avais pas compris les méthodes ni réalisé l'ampleur de ce qui est à l'œuvre. L'on entend souvent utiliser les termes de réseaux sociaux pour désigner les réseaux sociaux numériques. David Chavalarias illustre au cours de cette première partie les différences entre nos réseaux sociaux habituels, via des interactions directes entre êtres humains, et les réseaux sociaux fabriqués par le truchement de la communication numérique instantanée, adaptée, modifiée et perturbée par les algorithmes qui régissent les plateformes commerciales qui nous les offrent. C'est également au cours de cette première partie que nous est présenté l'instrument principal d'observation de nos sociétés numériques : le politoscope. Œuvrant aux temps qui nous semblent éloignés où Twitter s'appelait toujours ainsi, il fonctionne par captation d'un nombre gigantesque de messages qui y sont échangés. Une analyse mathématique en est ensuite réalisée, analyse qui permet notamment la production de graphiques, accessibles aux profanes, disponibles dans le feuillet couleur du livre et dans l'annexe numérique : toxicdata.chavalarias.org.
La deuxième partie mêle l'ensemble des concepts introduits ci-dessus pour expliciter les stratégies mise en œuvre par différents acteurs pour faire évoluer nos sociétés en fonctions de leurs intérêts. Les intérêts en question peuvent être de natures différentes. Ils sont souvent pécuniaires pour commencer : les plateformes hébergeant les réseaux sociaux numériques les plus connus ont été créées dans un but lucratif. D'autres acteurs, comme des états, ont, eux, des objectifs politiques, voire militaires. L'utilisation des technologies sociales numériques est d'ailleurs inscrite en toutes lettres dans leur doctrine militaire, laquelle est d'ailleurs publique (voir aussi à ce sujet : Technopolitique). L'actualité récente montre par ailleurs de manière assez brutale la convergence entre ces deux catégories d'intérêt, pour en faire un seul.
La troisième et dernière partie explicite les conséquences politiques de ces agissements sur notre pays. Elle montre comment et pourquoi le fonctionnement des démocraties et celui des réseaux sociaux numériques commerciaux à but lucratif sont incompatibles. Pire, elle donne la démonstration, basée sur des faits et un raisonnement logique que ces réseaux commerciaux dont la taille dépasse souvent celle des états, ne sont compatibles sur le long terme qu'avec les régimes politiques autoritaires.
À lire d'urgence, donc.