Antoine Chambert-Loir a noté Une terre commune : 5 étoiles

Une terre commune de Cédric Herrou
Nous vivons désormais dans une vallée oubliée, mi-française mi-italienne, une vallée à l’entre-deux, à l’entre-droit et devoir, où la compassion …
Apprenti mathématicien, professeur à l'université Paris Cité Apprenti musicien (batterie, tablas) Apprenti lecteur (romans, essais, poésie… en français ou en anglais)
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Nous vivons désormais dans une vallée oubliée, mi-française mi-italienne, une vallée à l’entre-deux, à l’entre-droit et devoir, où la compassion …
Lecture pascale. Je ne sais pas quelle foi religieuse habite Cédric Herrou, mais peu importe, comme par ces deux disciples d'Emmaüs dont sa communauté reprend le nom, je crois que c'est par de tels témoignages que le Christ témoigne de sa résurrection. Alléluia. (Et lisez ce livre, plein d'humanité, de tendresse, et de colère.)
Une espèce de chassé croisé amoureux à 4, le narrateur, Marie, une jeune femme, un médecin et un écrivain qui s'est suicidé peu avant le début du livre, alors que l'enjeu premier pour ces allemands est de fuir la France occupée par les nazis sur un des bateaux qui partent de Marseille. Mais pour cela, il faut des papiers, des visas, de l'argent ; des perspectives aussi. Un roman un peu froid sur le déracinement, où l'angoisse bureaucratique masque celle de la mort.
Je ne lis presque plus de romans policiers, et c'est la publicité faite à la série télévisée Babylon Berlin par @pizzaroquette qui m'a donné envie de lire ces livres qui se passent à Berlin en 1929.
L'intrigue de ce premier tome est finalement pas mal, même si j'ai trouvé la narration un peu molle, rendant la lecture longuette par moments. Surtout, et probablement à tort, je n'arrivais pas à imaginer l'histoire se passer en 1929, mais plutôt dans un Berlin contemporain.
Après une pause d'un livre ou deux, j'attaquerai certainement le tome 2.
Une lettre ouverte qui ne sera jamais lue par ses destinataires, les pierres que Virginia Woolf a ramassées et enfouies dans les poches de son manteau avant de nous quitter dans la froide rivière d'Ouse, ce funeste jour de mars 1941. Marcelline Roux leur écrit tout de même. Auront-elles su, un instant, apaiser un peu l'âme de celle qui venait d'écrire une lettre bouleversante d'amour et de douleur ?
C'est Olivier M. qui m'a offert ce petit livre d'une maison d'édition stéphanoise. Il savait combien la lecture de Virginia Woolf m'émeut, même si je n'en ai pas beaucoup lu, même si je ne la comprends pas toujours. Il savait aussi que cette scène qui débute le film Les heures m'avait profondément touché.
Vous vous en doutez, les pierres ne diront rien, et c'est peut-être aussi bien.
Un café d'un quartier populaire de Vienne, près du marché des Carmélites, des bouts de vies qui s'y reposent, s'y retrouvent, s'y engueulent même. C'est un roman sans intrigue(s), simplement éclairé du temps qui passe doucement, des instants partagés, parfois heureux, et parfois un peu moins. Une belle découverte.
Aussi impressionnant que le personnage du film, plus raide encore, tant face à la société que face à lui-même. Et cette dernière page où, deus ex machina, réapparaît K. et fait dérailler l'espèce de vie prédestinée que Goldman s'était construite. Elle déraillera pour de bon 5 ans plus tard, de balles anonymes, sur un trottoir du 13e arrondissement.
Je ne connaissais pas l'auteur avant de voir le film qui lui a été récemment consacré et que j'avais beaucoup aimé. Je lis le livre pour tenter de comprendre pourquoi la dernière compagne de Pierre Goldman a jugé le film mensonger. Dès les premières pages, l'écriture tranchante fait devenir la radicalité troublante, sinon fascinante, du personnage. Une des ambigüïtés vient peut-être de ce que l'auteur ne se prétend pas « bon », tout en contrôlant fermement sa trajectoire.
Une belle discussion entre deux écrivains également engagés pour un monde plus juste, mais très différents dans le détail. L'approche de Kaoutar Harchi se nourrit de sa position d'enseignante-chercheuse, de son savoir de sociologue, et s'ancre dans sa condition de femme, musulmane, racisée, issue d'un milieu populaire immigré, qu'elle raconte dans Comme nous existons et qu'elle reprend un peu ici. Joseph Andras, lui, vit (avec difficulté) de sa condition d'écrivain, est autodidacte, athée (mais semble profondément touchée par le christianisme des débuts) et reste silencieux sur ses origines familiales et tout ce qui a trait à sa vie privée ; ses textes mettent en scène des figures réelles, tel ce militant de la libération algérienne, Fernand Ivetot, qu'il raconte dans De nos frères blessés. Leurs projets politiques différent également un peu sur le principe mais pas tant que ça sur les buts.
Organisé en trois chapitres, Écrire, Combattre, Publier, …
Une belle discussion entre deux écrivains également engagés pour un monde plus juste, mais très différents dans le détail. L'approche de Kaoutar Harchi se nourrit de sa position d'enseignante-chercheuse, de son savoir de sociologue, et s'ancre dans sa condition de femme, musulmane, racisée, issue d'un milieu populaire immigré, qu'elle raconte dans Comme nous existons et qu'elle reprend un peu ici. Joseph Andras, lui, vit (avec difficulté) de sa condition d'écrivain, est autodidacte, athée (mais semble profondément touchée par le christianisme des débuts) et reste silencieux sur ses origines familiales et tout ce qui a trait à sa vie privée ; ses textes mettent en scène des figures réelles, tel ce militant de la libération algérienne, Fernand Ivetot, qu'il raconte dans De nos frères blessés. Leurs projets politiques différent également un peu sur le principe mais pas tant que ça sur les buts.
Organisé en trois chapitres, Écrire, Combattre, Publier, cet entretien leur permet d'articuler leur vision de la littérature et la façon dont, selon elleux, elle peut contribuer à un projet politique révolutionnaire en ce sens qu'il se donne pour but de faire advenir la justice.
Un contrepoint au Contre la littérature politique, un dialogue entre deux écrivains où ils évoquent leur(s) façon(s) de faire de la littérature, et son rapport au politique. Je viens de le commencer. C'est une discussion précise, soigneuse, les mots ont une importance et écrire aussi.
Automne 1989. Un correcteur d'imprimerie comme on n'en voit plus guère, à l'affût de la moindre coquille, sensible au plus petit accent de travers ou a une italique mal venue. Le délitement de son petit groupe de réflexion marxiste, alors que le Mur de Berlin tombe, que les Pays de l'Est se libèrent. La retour — déjà ! — des provocations néo-fascistes. Et ce glaucome qui menace jusqu'à sa raison d'être.
Un petit livre qui zigzague sciemment entre mathématiques, souvenirs politiques parfois impressionnants (Michel Broué a joué un grand rôle dans la libération de prisonniers politiques scientifiques), coups de gueule souvent touchants (pour #Metoo et Mediapart, contre l'islamophobie, Allègre et Raoult). La plume est plutôt vive et rend bien compte du ton et des engagements de celui qu'un article de Libé (ou était-ce Le Monde?) qualifiait, dans les années 90, de « sympathique moustachu ».
Disclaimer: l'auteur m'a offert son livre!
Contre la littérature politique. Drôle de titre pour un livre collectif dont les six auteurices se sont illustrées dans le registre de la littérature politique. C'est que le refus que clame le titre de ce livre est celui d'une sorte de littérature politique qui, à force de prétendre être politique, oublierait qu'elle est littérature, à moins que ce ne soit le contraire : à trop être littérature, perdre le fil du politique. Les six textes qui constituent ce petit livre sont ainsi six exercices de littérature politique, aux formes littéraires variées, du conte (Volodine) à la liste d'aphorismes (Quintane) et l'essai (Viel) en passant par la lettre (Alferi) et le poème (Yousfi, Kaplan).
Ce sont d'ailleurs ces deux derniers textes qui me semblent le mieux témoigner de cette volonté d'une litterature politique qui voudrait ne perdre de vue ni la littérature ni la politique, et qui en tout cas m'ont …
Contre la littérature politique. Drôle de titre pour un livre collectif dont les six auteurices se sont illustrées dans le registre de la littérature politique. C'est que le refus que clame le titre de ce livre est celui d'une sorte de littérature politique qui, à force de prétendre être politique, oublierait qu'elle est littérature, à moins que ce ne soit le contraire : à trop être littérature, perdre le fil du politique. Les six textes qui constituent ce petit livre sont ainsi six exercices de littérature politique, aux formes littéraires variées, du conte (Volodine) à la liste d'aphorismes (Quintane) et l'essai (Viel) en passant par la lettre (Alferi) et le poème (Yousfi, Kaplan).
Ce sont d'ailleurs ces deux derniers textes qui me semblent le mieux témoigner de cette volonté d'une litterature politique qui voudrait ne perdre de vue ni la littérature ni la politique, et qui en tout cas m'ont le plus touché. Avec son Chant pour des armes splendides, Louisa Yousfi revisite l'Iliade après #BLM sous la forme d'un chant homérique interrompu par une voix qui semble venue du public, à moins que ce ne soit l'autrice elle-même. Leslie Kaplan propose avec Donnez-moi un mot, juste un mot (... et je soulèverai le monde) un long poème en vers libres à deux voix, qui part d'Alice au pays des merveilles et y revient, avec beaucoup de force. J'avais d'ailleurs bien aimé cette forme dont Nathalie Quintane avait fait son Hamster à l'école.
Le contexte est la catastrophe de Tchernobyl, mais au bout d'une centaine de pages, le livre se focalise sur des vies quotidiennes, avec leur étroitesse contrainte et, pour certains, leur besoin de plus de grandeur, de plus de liberté, pour d'autres la soumission tranquille à un ordre qui les broie mais les laisse survivre. Il y a de belles idées de personnages dans ce roman, mais il me laisse l'impression de n'avoir pas exploité son sujet jusqu'au bout.