Dans un livre à paraître, le sociologue Baptiste Brossard souligne d'ailleurs l'étrangeté qu'il y a à penser séparément la santé mentale et l'état du monde. On conçoit l'univers de la santé mentale comme un espace dépolitisé, hors sol, où n'existe que « l'individu en lui-même, parfois accompagné de sa famille proche », observe-t-il ; « dans les processus de soin et de guérison, le politique et le vivant ne font office que de contexte oublié et oubliable. »
—
Résister à la culpabilisation by Mona Chollet
(Zones)
(Page 240 - 241)
Je note ce paragraphe, bouleversant, à un moment où tout autour de nous, famille, milieu professionnel, réseaux sociaux, presse, s'accumulent départs, reconversions, quand ce ne sont pas carrément des retraits. Les motivations varient, de même que les symptômes — lassitude, dégoût, fatigue... — mais c'est partout comme si le Soi et le Monde ne pouvaient plus s'aligner naturellement, où, peut-être plus précisément, comme si les modèles précédents avaient atteint leur limites.
Ce qui semble étayer cette hypothèse, c'est la réaction qu'elle suscite chez ceux qui en auraient été les bénéficiaires, ou chez leurs portes-parole, visiblement mortifiés que l'embrigadement ne prenne plus.