On ne sait plus pourquoi elle avait été jetée à l'eau par son père, mais …
La femme squelette
4 étoiles
Un conte muet, illustré uniquement par des pleines double-pages, que ce soit pour représenter un paysage entier ou un petit hameçon, ce qui instaure un rythme de lecture très apaisé, mais étonnamment pas dénué de rythme grâce à un découpage très intelligent.
Les dessins sont magnifiques et invitent à la contemplation, même quand ils sont très épurés.
Une petite réserve sur la fin de l'histoire, où même si c'est représenté avec une grande tendresse, tend un peu trop vers le syndrome du sauveur qui se voit "récompensé".
Le Prince Gourignot de Faouët est bien malheureux, et pour cause, le voilà transformé en …
Ballades
5 étoiles
Une BD hilarante, au dessin aussi malléable, caricatural et inventif que ne l'est le faux langage moyenâgeux que parlent les personnages.
C'est très réussi et très réjouissant.
Comment ne pas vouloir devenir grenouille après avoir refermé ce livre ?
Fernando Vidal Olmos est obsédé par une idée : les aveugles relèvent tous d'une société …
Rapport sur les aveugles
4 étoiles
Ça faisait longtemps que je voulais lire une BD de Breccia, et je ne pouvais pas mieux tomber, avec ce court volume hallucinatoire.
Le dessin est magnifique, un noir et blanc qui déchire et fond les formes et les textures, des visages muets et inquiétants et des visions cauchemardesques des profondeurs qui donnent un ton mythologique au récit paranoïaque et surréaliste d'Ernesto Sábato.
Le tourisme est la première industrie mondiale, même s'il est pratiqué par seulement 3,5 % …
Manuel de l'antitourisme
4 étoiles
Malgré son titre, cet essai pose des bases théoriques et bien documentées pour la critique du tourisme plus qu'il ne propose de vraies méthodes d'antitourisme. Il n'en est pas moins très intéressant et soulève la plupart des problèmes du tourisme en les replaçant dans leur contexte global. Une industrie majeure aux conséquences et retombées multiples et globales, dont les clients ne représentent pourtant que 3,5% de la population mondiale (même avec une définition large du "touriste").
L'auteur passe en revue les conséquences délétères du tourisme : économiques (dépendance…), écologiques (transports, artificialisation…), culturelles (folklorisation, muséification…)… Tourisme "éthique" ou pas.
Il explique aussi très rapidement l'évolution de la notion de voyage, des "explorateurs" aristocrates du XIXe aux premiers congés payés, l'envie d'ailleurs et de découverte qui entrent désormais en contradiction avec une certaine idée d'efficacité, de refus de l'imprévu (notre temps est limité, notre argent est compté, on met en place la …
Malgré son titre, cet essai pose des bases théoriques et bien documentées pour la critique du tourisme plus qu'il ne propose de vraies méthodes d'antitourisme. Il n'en est pas moins très intéressant et soulève la plupart des problèmes du tourisme en les replaçant dans leur contexte global. Une industrie majeure aux conséquences et retombées multiples et globales, dont les clients ne représentent pourtant que 3,5% de la population mondiale (même avec une définition large du "touriste").
L'auteur passe en revue les conséquences délétères du tourisme : économiques (dépendance…), écologiques (transports, artificialisation…), culturelles (folklorisation, muséification…)… Tourisme "éthique" ou pas.
Il explique aussi très rapidement l'évolution de la notion de voyage, des "explorateurs" aristocrates du XIXe aux premiers congés payés, l'envie d'ailleurs et de découverte qui entrent désormais en contradiction avec une certaine idée d'efficacité, de refus de l'imprévu (notre temps est limité, notre argent est compté, on met en place la même idée de rendement qu'à ce travail dont on essaie de s'éloigner pour mieux revenir) et en conséquence de l'uniformisation des expériences aux quatre coins du globe.
C'est un livre intéressant car il documente, quantifie et formule des phénomènes qu'on peut avoir déjà observé ou vécu (notamment cette idée que le "touriste" c'est toujours l'autre, notre incapacité à nous voir comme partie du problème).
Après son exposé global, Rodolphe Christin propose quelques pistes qui atténueraient les effets délétères du tourisme tout en posant que ça reviendrait globalement à déplacer le problème (d'ailleurs cette partie s'appelle les "Illusions du tourisme durable") et que la vraie solution, la plus efficace, serait de mettre fin au tourisme.
Mais comme c'est une solution inapplicable, inégalitaire dans ses conséquences, et qu'il croit réellement en ce que peut apporter le voyage à chacun, il développe rapidement l'idée selon laquelle il faudrait, pour revoir notre rapport au tourisme/voyage, revoir les modes d'accès à ces lieux touristiques. Faire du trajet un point majeur du voyage, arrêter de tout faire pour faciliter l'accès, ne plus encourager les visites mais accueillir celles qui auraient "fait l'effort" et seraient automatiquement plus "motivées", puisqu'il faudrait une réelle volonté d'atteindre l'objectif. On redonnerait une place prédominante au guide ou à l'habitant pour déchiffrer et circuler au sein d'un espace moins balisé. Forcer la curiosité, amener à trouver l'altérité quand tout n'est pas pré-mâché.
Si ses conclusions sont intéressantes, elles mériteraient d'être davantage développées et accompagnées de plus d'exemples concrets, même si la brièveté de cet essai est aussi une de ses qualités.
Et une petite réserve que je me dois de poser ici, même si je sais que l'auteur ne voit pas les choses comme ça, mais face aux gens qui m'expliquent que le vrai voyage, hors du tourisme marchand, c'est aller à la rencontre des autres, j'ai souvent l'impression que ça se résume beaucoup à profiter de l'hospitalité des gens pour dormir à l'œil (en ayant un peu discuté et raconté chacun sa vie avant bien sûr).
Même si ce n'est bien sûr pas aussi cynique, il faut aussi arrêter de se voir comme un aventurier.e en terre inexplorée et se rappeler constamment que chaque action, chaque idée qui nous traverse est potentiellement répétée tous les jours par plein d'autres petit.e.s malin.e.s que nous. Et c'est beaucoup le nombre et la répétition qui créent une pression sur les espaces et les populations traversés (ce n'est pas parce que vous êtes seul.e.s dans votre bivouac magnifique ce soir qu'il n'y a pas chaque année des centaines de personnes qui piétinent ce même endroit). L'action individuelle a un poids, car elle est en réalité la répétition de ce qui, à l'échelle globale, est une force de pression collective.
Un jour, une métamorphe tombe amoureuse d’un jeune homme nommé Ambroise. Elle peut changer de …
47 Cordes - T1
4 étoiles
Timothé Le Boucher continue de sortir des thrillers perturbants, oniriques avec une touche de fantastique, mais il pousse les curseurs encore un peu plus loin, que ce soit graphiquement ou scénaristiquement.
Il y a toujours cette obsession pour la jeunesse et la beauté, qu'il s'empresse de tordre et de déformer, mais toujours avec un glamour sous-jacent dont je ne sais pas s'il est toujours à mon goût, mais qui réussit en tout cas à produire ce mélange de fascination et de répulsion qui donne une ambiance si particulière à ses récits.
L'album est ponctué d'images-totem en pleine page, à mi-chemin entre la vision et la page de couverture pour un magazine de comics fantastiques. Et il y a aussi les bouts de carnet dessinés par le personnage principal qui retranscrivent son état intérieur sur un ton et un style très différent du reste du récit, en contrepoint comique (mais pas …
Timothé Le Boucher continue de sortir des thrillers perturbants, oniriques avec une touche de fantastique, mais il pousse les curseurs encore un peu plus loin, que ce soit graphiquement ou scénaristiquement.
Il y a toujours cette obsession pour la jeunesse et la beauté, qu'il s'empresse de tordre et de déformer, mais toujours avec un glamour sous-jacent dont je ne sais pas s'il est toujours à mon goût, mais qui réussit en tout cas à produire ce mélange de fascination et de répulsion qui donne une ambiance si particulière à ses récits.
L'album est ponctué d'images-totem en pleine page, à mi-chemin entre la vision et la page de couverture pour un magazine de comics fantastiques. Et il y a aussi les bouts de carnet dessinés par le personnage principal qui retranscrivent son état intérieur sur un ton et un style très différent du reste du récit, en contrepoint comique (mais pas que) très réussi.
Mais même avec son style assez fouillé (et qui découle des recherches de ses précédents albums, qui se sent dans les représentations de corps difformes ou en métamorphose) c'est encore l'histoire qui nous accroche et nous tient, jusqu'à nous faire attendre la suite avec intérêt.
Paris, de nos jours. David Zimmerman, la trentaine, n’en finit pas de rester au bord …
Le cas David Zimmerman
4 étoiles
Lucas Harari déploie encore une fois son talent pour nous plonger dans l'étrange, en donnant une vraie place à l'architecture et en usant d'une palette restreinte mais judicieusement choisie. C'est une bande-dessinée très graphique et labyrinthique, dans la lignée de ce qu'il nous a donné jusqu'ici, au détail près qu'il est cette fois accompagné de son frère Arthur (réalisateur et scénariste par ailleurs) au scénario.
Toujours à cheval entre le polar et le fantastique, ils ont choisi d'installer la plus grande partie du récit dans le quartier de Belleville à Paris en le restituant de manière quasi-documentaire, ce qui tranche avec l'histoire de body-swap qui donne son départ et sa direction à l'histoire, en laissant transparaître que le sujet n'est clairement pas là.
C'est une bande-dessinée qui parle d'identité et de fatalité. Changer d'identité change-t-il ce que nous sommes et ce à quoi nous sommes destinés ? Et sommes-nous réellement …
Lucas Harari déploie encore une fois son talent pour nous plonger dans l'étrange, en donnant une vraie place à l'architecture et en usant d'une palette restreinte mais judicieusement choisie. C'est une bande-dessinée très graphique et labyrinthique, dans la lignée de ce qu'il nous a donné jusqu'ici, au détail près qu'il est cette fois accompagné de son frère Arthur (réalisateur et scénariste par ailleurs) au scénario.
Toujours à cheval entre le polar et le fantastique, ils ont choisi d'installer la plus grande partie du récit dans le quartier de Belleville à Paris en le restituant de manière quasi-documentaire, ce qui tranche avec l'histoire de body-swap qui donne son départ et sa direction à l'histoire, en laissant transparaître que le sujet n'est clairement pas là.
C'est une bande-dessinée qui parle d'identité et de fatalité. Changer d'identité change-t-il ce que nous sommes et ce à quoi nous sommes destinés ? Et sommes-nous réellement destinés à quoi que ce soit ? ou ne parlons-nous que de prophéties auto-réalisatrices qu'on porte avec soi comme un talisman porteur de notre identité ?
Chef-d’œuvre de la littérature décadente américaine, ce recueil de nouvelles convoque un univers singulier où …
Le Roi en Jaune
3 étoiles
Sur le papier, j'aime beaucoup le fil du livre interdit et maudit, qui rend fou ceux qui ont le malheur d'en parcourir les mots, et qui réapparaît à chaque nouvelle, traçant un lien ténu mais bien présent entre des histoires a priori indépendantes.
Et cette question permanente : est-ce bien le livre qui rend fou ses lecteurs ? Ou n'est-il que le catalyseur d'une angoisse déjà présente ?
Mais dans les faits je me suis senti un peu frustré, comme si on avait entrouvert la porte à de belles possibilités de récit fantastique, pour au final ne terminer le recueil qu'avec des nouvelles d'étudiants américains en art à Paris qui m'ont passablement ennuyé et m'ont paru répétitives (au point que j'ai lu en diagonale plusieurs passages).
Une belle promesse dans les quelques premières nouvelles, donc, et qui aurait eu une influence importante sur d'autres auteur.rice.s du fantastique, mais semble n'être …
Sur le papier, j'aime beaucoup le fil du livre interdit et maudit, qui rend fou ceux qui ont le malheur d'en parcourir les mots, et qui réapparaît à chaque nouvelle, traçant un lien ténu mais bien présent entre des histoires a priori indépendantes.
Et cette question permanente : est-ce bien le livre qui rend fou ses lecteurs ? Ou n'est-il que le catalyseur d'une angoisse déjà présente ?
Mais dans les faits je me suis senti un peu frustré, comme si on avait entrouvert la porte à de belles possibilités de récit fantastique, pour au final ne terminer le recueil qu'avec des nouvelles d'étudiants américains en art à Paris qui m'ont passablement ennuyé et m'ont paru répétitives (au point que j'ai lu en diagonale plusieurs passages).
Une belle promesse dans les quelques premières nouvelles, donc, et qui aurait eu une influence importante sur d'autres auteur.rice.s du fantastique, mais semble n'être qu'une courte expérimentation de l'auteur qui s'est arrêté avant d'ouvrir son univers au complet (à la Lovecraft).
Salome is a tragedy by Oscar Wilde. The original 1891 version of the play was …
Salomé
4 étoiles
Le théâtre symbolique c'est bien joli dans les images, ça donne de jolies formules, mais en fin de compte les enjeux et les personnages filent entre les doigts et même si on comprend qu'il se passe des choses graves on n'est pas particulièrement inquiet.
(Peut-être qu'une inculture religieuse me fait prendre le récit trop au premier degré et m'empêche de lire dans les sous-couches, alors je vous conseille tout de même d'essayer, après tout c'est très très court)
Shuna, prince d’une contrée pauvre, regarde, impuissant, ses sujets souffrir de la faim et se …
Le voyage de Shuna
5 étoiles
Très belle fable illustrée (adaptée d'une légende tibétaine) avec des dessins colorés à l'aquarelle où on reconnaît la patte de Miyazaki (les types de personnages, leurs vêtements, les décors et les thèmes).
On a toujours ce héros valeureux, mais pour une fois peut-être un peu moins pur que ceux auxquels nous sommes habitués (est-ce que ses motivations sont toujours les bonnes, est-ce que ses actes sont toujours justifiés par une droiture sans faille ?).
On a toujours cette nature puissante et mystique, mais elle semble davantage être la métaphore d'une industrie qui broie les faibles plutôt que la victime de celle-ci.
Et surtout, on n'a que la moitié de l'histoire et on ne peut que s'imaginer les voyages magnifiques qu'on aimerait qu'il nous ait raconté.
Exilé depuis près de cinq ans loin du fracas de la civilisation, le journaliste Spider …
Transmetropolitan T1
4 étoiles
Parfois, les wannabe-punks anti-bienpensance qui se disent méchants par anti-conformisme ça me crispe parce que ça augure surtout d'un dédouanement complet face à l'angle problématique accordé à certains sujets.
Ça veut aussi souvent dire que l'humour sera surtout basé sur le fait de placer une injure tous les trois mots et que le personnage principal (nihiliste) se fait casser la gueule pour avoir dit leurs "quatre vérités" à des hypocrites.
Ici c'est un peu le cas et j'étais sur mes gardes dès la préface, mais on est finalement sur quelque chose de plus fin avec le personnage de Spider Jerusalem, figure absolue du journaliste, imperméable à toute influence, défiant les puissants et en constante recherche de la Vérité.
Il y a une belle idée qui est que le reportage live consiste en la diffusion en direct de ce que tape le journaliste sur sa machine à écrire alors qu'il se …
Parfois, les wannabe-punks anti-bienpensance qui se disent méchants par anti-conformisme ça me crispe parce que ça augure surtout d'un dédouanement complet face à l'angle problématique accordé à certains sujets.
Ça veut aussi souvent dire que l'humour sera surtout basé sur le fait de placer une injure tous les trois mots et que le personnage principal (nihiliste) se fait casser la gueule pour avoir dit leurs "quatre vérités" à des hypocrites.
Ici c'est un peu le cas et j'étais sur mes gardes dès la préface, mais on est finalement sur quelque chose de plus fin avec le personnage de Spider Jerusalem, figure absolue du journaliste, imperméable à toute influence, défiant les puissants et en constante recherche de la Vérité.
Il y a une belle idée qui est que le reportage live consiste en la diffusion en direct de ce que tape le journaliste sur sa machine à écrire alors qu'il se trouve au cœur des évènements (des émeutes dans ce cas). Un direct qui suivrait le fil de pensée plutôt que les images, avec la puissance des mots, plus proche de la Vérité que la preuve par les images.
Le tome est séparé en chapitres qui sont autant d'histoires plus ou moins indépendantes (j'imagine que c'était à l'origine publié dans des magazines de comics) et abordant chacune un sujet de société ou un concept qui sera le sujet du personnage principal (dans une New York futuriste, en miroir exacerbé de notre présent). Mention spéciale au chapitre sur le musée des civilisations disparues (muséifier des cultures pour les empêcher de disparaître, est-ce que ce n'est pas une autre manière de leur donner la mort ?).
Aujourd’hui, le village est "planétaire", l’adolescent "mondial" et la société de consommation dominée par les …
No Logo
5 étoiles
Lire No Logo juste après avoir fini Au Bonheur des Dames de Zola, était une coïncidence amusante mais pas dénuée de sens.
Ce que Naomi Klein expose dans son essai reste terriblement pertinent un quart de siècle plus tard. Les méthodes et les objectifs des multinationales sont les mêmes, les outils ont changé, certaines marques en ont remplacé d'autres, mais au mieux les constats sont les mêmes.
Les sweatshops existent toujours, une des formes les plus violentes actuellement étant celle imposée aux Ouighours.
Les marques cherchent toujours à occuper les espaces qui leur échappent : à l'époque les universités, maintenant nos toilettes et bientôt notre sommeil.
Naomi Klein décrivaient comment certaines personnes étaient des marques à part entière — nous pouvons désormais leur ajouter les influenceur.euse.s — et comment les travailleur.euse.s indépendant.e.s allaient devoir à leur tour se constituer en marques pour se vendre sur le marché du travail.
Elle …
Lire No Logo juste après avoir fini Au Bonheur des Dames de Zola, était une coïncidence amusante mais pas dénuée de sens.
Ce que Naomi Klein expose dans son essai reste terriblement pertinent un quart de siècle plus tard. Les méthodes et les objectifs des multinationales sont les mêmes, les outils ont changé, certaines marques en ont remplacé d'autres, mais au mieux les constats sont les mêmes.
Les sweatshops existent toujours, une des formes les plus violentes actuellement étant celle imposée aux Ouighours.
Les marques cherchent toujours à occuper les espaces qui leur échappent : à l'époque les universités, maintenant nos toilettes et bientôt notre sommeil.
Naomi Klein décrivaient comment certaines personnes étaient des marques à part entière — nous pouvons désormais leur ajouter les influenceur.euse.s — et comment les travailleur.euse.s indépendant.e.s allaient devoir à leur tour se constituer en marques pour se vendre sur le marché du travail.
Elle anticipe même l'ubérisation en expliquant comment les multinationales ont cessé de fabriquer des produits (en sous-traitant à l'autre bout du monde) pour se concentrer sur la fabrication d'une marque, d'une image en somme, en se débarrassant des usines. Ce faisant elles se débarrassaient aussi de la part ouvrière de leurs employé.e.s, mais l'idéal à atteindre serait une société sans aucun.e employé.e pour n'avoir de comptes à rendre qu'aux actionnaires. Nous y sommes.
Ce qui a le plus changé depuis la parution de ce livre finalement, ce sont les groupes et les méthodes de lutte qui s'érigeaient à l'époque contre ces multinationales et l'omniprésence de la pub (les altermondialistes pour aller vite) qui ont rarement eu la même longévité que les marques citées par l'autrice, à l'image du mouvement Reclaim The Streets, dont elle parle longuement. Ils ont plutôt infusé d'autres mouvements ou, discrètement, des imaginaires (RTS comme influence chez Alain Damasio).
L'ensemble est écrit dans un style proche du long reportage, qui s'appuie donc sur de nombreux exemples et donne un essai assez lisible parce que pas trop abstrait. Il y a en plus un petit plaisir rétro à revoir se dessiner une époque qu'on a traversé et peut-être plus lointaine qu'on ne voudrait l'admettre.
Octave Mouret affole les femmes de désir. Son grand magasin parisien, Au Bonheur des Dames, …
Au Bonheur des Dames
5 étoiles
Un grand roman d'entrée dans le monde moderne par un personnage qui monte à la capitale (un peu comme les Illusions Perdues).
Ici c'est Denise qui découvre les grands magasins parisiens, avatar du capitalisme (qui n'est pas encore nommé comme tel) où l'objectif premier est la croissance (permanente et exponentielle), et le monopole (qu'on laisse crever tous ceux qui ne peuvent suivre). La méthode est le mouvement constant (et étourdissant) des flux de marchandises et de capitaux (le flux tendu), et l'inondation du marché (créer la demande).
Ça parle de publicité et de marketing (les géniales recettes de Mouret sont encore utilisées de nos jours).
Ça parle du monde du travail au XIXe (quasiment les seules revendications qu'arrivent à faire entendre les employés sont sur la qualité de la cuisine à la cantine alors qu'ils dorment dans des logements sous-chauffés, avec un couvre-feu, certains à même le sol dans la …
Un grand roman d'entrée dans le monde moderne par un personnage qui monte à la capitale (un peu comme les Illusions Perdues).
Ici c'est Denise qui découvre les grands magasins parisiens, avatar du capitalisme (qui n'est pas encore nommé comme tel) où l'objectif premier est la croissance (permanente et exponentielle), et le monopole (qu'on laisse crever tous ceux qui ne peuvent suivre). La méthode est le mouvement constant (et étourdissant) des flux de marchandises et de capitaux (le flux tendu), et l'inondation du marché (créer la demande).
Ça parle de publicité et de marketing (les géniales recettes de Mouret sont encore utilisées de nos jours).
Ça parle du monde du travail au XIXe (quasiment les seules revendications qu'arrivent à faire entendre les employés sont sur la qualité de la cuisine à la cantine alors qu'ils dorment dans des logements sous-chauffés, avec un couvre-feu, certains à même le sol dans la boutique, qu'ils sont en permanence sur un siège éjectable — pas question de tomber enceinte — et que tout les encourage à se monter les uns contre les autres pour espérer gagner plus).
Ça parle encore de plein d'autres choses mais ça parle surtout d'un monde qui s'effondre (les magasins familiaux, spécialisés et indépendants) sous le poids du nouveau qui fait littéralement disparaître jusqu'au souvenir de sa concurrence en l'engloutissant dans son magasin en permanente expansion.
Les chapitres où le magasin fait ses grandes ouvertures sont des tourbillons dont on ressort aussi essoufflé que les clientes qui ont perdu toute notion du temps et de leurs besoin réels. Une merveille.
C'est un roman génial, et en fin de compte je ne sais pas toujours si Zola est fasciné ou critique de l'univers qu'il dépeint, certainement un peu des deux.
Ubik, written in 1966 and published in 1969, is one of Philip K. Dick's masterpieces …
Ubik
4 étoiles
Un roman vertigineux. De la SF encore très moderne — malgré quelques couleurs un peu passées — où le capitalisme a englouti le monde et les sociétés remplacé les états, un monde où tout se paye et où on ne peut pas sortir de son propre appartement si on n'a pas la monnaie pour passer sa porte.
Philip K. Dick nous entraîne une nouvelle fois dans une réalité distordue, version moins paranoïaque (quoique), mais surtout une réalité qui s'effrite au fil du récit sans qu'on sache plus à quoi se raccrocher quand même le passé peut être changé.