Anthony a cité Être sans destin par Imre Kertész
“Tu as dû traverser beaucoup d’horreurs ?” et je lui réponds que cela dépend de ce qu’il entend par horreur. J’avais dû, dit-il alors avec une expression qui semblait assez gênée, beaucoup souffrir de privations, de la faim, et j’avais vraisemblablement été battu, sans doute, et je lui dis : “Naturellement.” “Pourquoi, mon garçon, s’est-il alors écrié, mais je voyais qu’il commençait à perdre patience, dis-tu à tout bout de champ « naturellement » à propos de choses qui ne le sont pas du tout ?!” Je lui dis : “Dans un camp de concentration, c’est naturel.” “Oui, oui, fait-il, là-bas, oui, mais… et là, il s’interrompt, hésite un peu, mais… comment dire, le camp de concentration lui-même n’est pas naturel !” dit-il, semblant finalement trouver le mot juste, et je ne réponds rien, car je commence tout doucement à voir qu’il y a une ou deux choses dont on ne peut visiblement jamais discuter avec des étrangers, des ignorants, dans un certain sens des enfants, pour ainsi dire.
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