En Louisiane à la fin du XIXe siècle la vie est paisible: villas du bord …
Exquis ce chapitre où Edna refuse de rentrer se coucher malgré les protestations de son mari. Elle reste installée à l'extérieur sur un hamac et résiste à un mari déconcerté par le comportement de sa femme. L'époux finit par s'installer dehors, non loin d'elle, pour fumer cigare sur cigare. Puis Edna ne sait plus trop pourquoi elle a tant résisté et (en quelque sorte) capitule. Elle rentre tandis que son mari reste dehors quelques minutes supplémentaires.
Aucun de nous ne reviendra est, plus qu'un récit, une suite de moments restitués. Ils …
Aucun de nous ne reviendra
5 étoiles
La génération à laquelle j'appartiens n'a pas échappé à cette conviction qu'il ne fallait pas oublier. Parce que la mémoire serait un remède contre de futures horreurs. J'ai donc grandi, été éduqué en ce sens, été imprégné par ces récits autour des camps d'extermination. Je n'avais jamais rien lu à ce sujet, mais l'école, le lycée et le cinéma m'ont apporté des images et ont façonné en moi un univers « imaginable » de quelque chose d'inimaginable.
En ouvrant ce livre de Charlotte Delbo, je pensais en quelque sorte retrouver cet univers. J'y allais un peu à reculons. Mais il n'en est rien. Le récit, une succession de chapitres assez courts, est d'une force évocatrice telle qu'il perturbe ces images intérieures et me plonge dans un univers incompréhensible — d'ailleurs, les vociférations des bourreaux sont le plus souvent inintelligibles. Des nuits « plus épuisantes » que les jours, des jours …
La génération à laquelle j'appartiens n'a pas échappé à cette conviction qu'il ne fallait pas oublier. Parce que la mémoire serait un remède contre de futures horreurs. J'ai donc grandi, été éduqué en ce sens, été imprégné par ces récits autour des camps d'extermination. Je n'avais jamais rien lu à ce sujet, mais l'école, le lycée et le cinéma m'ont apporté des images et ont façonné en moi un univers « imaginable » de quelque chose d'inimaginable.
En ouvrant ce livre de Charlotte Delbo, je pensais en quelque sorte retrouver cet univers. J'y allais un peu à reculons. Mais il n'en est rien. Le récit, une succession de chapitres assez courts, est d'une force évocatrice telle qu'il perturbe ces images intérieures et me plonge dans un univers incompréhensible — d'ailleurs, les vociférations des bourreaux sont le plus souvent inintelligibles. Des nuits « plus épuisantes » que les jours, des jours de forçats. Des « bouches hurlantes au ciel », des corps désarticulés, des corps inanimés, des vies qui n'en sont plus vraiment et qu'on croit déjà anéanties, mais qui résistent par on ne sait quel mystère. Le froid glacial de ces interminables attentes (l'appel) pénètre en nous, nous déchire, et je pense qu'un nombre de pages plus important aurait été difficilement supportable.
Une soirée d'été sur une île au large de l'Écosse. Pôle de convergence des regards …
Vers le phare
5 étoiles
Cette Promenade au Phare est un véritable joyau littéraire qui prend la forme d'une œuvre picturale. L'un des personnages du récit achève son tableau de la même manière que l'auteure réalise ici son dessein : « C’était fait ; c’était fini. Oui, se dit-elle, reposant son pinceau avec une lassitude extrême, j’ai eu ma vision. ». Le roman se résume en peu de mots : la vie qui s'écoule, les relations entre hommes et femmes, entre père et enfants ; le caractère fugace de la vie sous le regard du phare qui surplombe et veille sur tout cela. Mais il y a un tel génie dans ce peu (en termes d'action) qu'il vous emporte et vous subjugue. On referme ce livre avec l'idée de perfection, de complétude, d'une œuvre que le moindre petit changement aurait dénaturée.
« Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l'intelligence, et même le …
L'Anomalie
4 étoiles
Alors j'ai ouvert ce bouquin sans savoir à quoi m'attendre, sachant seulement qu'il avait eu le Goncourt et qu'il avait fait son petit succès (le Goncourt ça aide).
Chapitre après chapitre on découvre différents personnages et peu à peu l'intrigue s'installe, jusqu'à rendre l'attente difficile sur les derniers chapitres qui précèdent les premières révélations.
Je dois avouer que ça fonctionne. Souvent je me fais la réflexion que la science-fiction est trop souvent assez mal rédigée, qu'elle manque de style (du point de vue littéraire). Et bien ici (une anomalie ?) ce n'est pas le cas : l'écriture est juste, belle, soignée.
J'ai vraiment pris un grand plaisir à lire ce récit, du début à la fin.
La Montagne de l'Âme, le roman qui a valu à Gao Xingjian sa notoriété et …
La montagne de l'âme
5 étoiles
L'auteur de La Montagne de l'âme se joue de nous, lecteurs, et nous lui en sommes gré.
Les chapitres se suivent et nous en perdons le fil. « Tu », « je », « elle », « il » se succèdent et nous n'avons pas le temps de monter une hypothèse, que soudain celle-ci s'effondre, ou plutôt, vient s'ajouter aux possibilités précédentes.
Vient un chapitre où le narrateur (un narrateur) vient même répondre à ta critique.
Dialogues, chansons, émanations poétiques, le narrateur (et l'auteur) semble à la recherche d'un temps perdu et en quête à la fois personnelle et ethnologique.
Il n'y a donc pas un seul récit mais toute une série de textes qui n'en forment qu'un et qui ne s'éloignent jamais vraiment de la montagne.
Elle a dit, c'est génial finalement, considère qu'on est les deux filles d'une seule et …
La fille parfaite
5 étoiles
Du vide laissé par la soudaine disparition naît le questionnement. Il est ici question de deuil, de littérature, de mathématiques ; l'avenir étant désormais entre les mains de ces dernières, la littérature n'étant plus que le fantôme d'elle-même. Ou alors, comme l'écrit l'autrice, le livre en sortira vainqueur parce que lui seul sait raconter. Il est ici question d'amitié, de rivalité, de ce qui nous retient en vie et de ce que l'autre emporte comme secrets dans la tombe. Je resterai donc vague car c'est un livre qu'il n'est pas facile de résumer sans risque de le clôturer.
Roman d'aventures ou dystopie, voici LE western du Grand Nord. Un roman déjà culte. Steppes …
Au nord du monde
4 étoiles
Le récit est bien mené, efficace et parfaitement assaisonné de révélations qui nous font peu à peu découvrir la vie et la solitude de Makepeace. Cependant, ma seule déception réside dans l'absence d'originalité du monde post-apocalyptique décrit par l'auteur. On y retrouve tous les éléments habituels que l'on trouve souvent dans les romans et les séries après un effondrement. Cette image du héros solitaire – survivaliste – portant seul en lui ce qui reste de l'humanité, fait face à la dangerosité du groupe, indubitablement pourvu de tout ce qui caractérise le pire de l'être humain.
En 1971, Harley Mann revisite son enfance et raconte l'installation de sa famille dans les …
Le royaume enchanté
4 étoiles
Une plongée dans la vie de la communauté religieuse des Shakers, en Floride, au début du siècle dernier. Roman richement documenté où l'auteur lui-même semble éprouver une certaine fascination pour ladite communauté. Russell Banks a découvert les Shakers pendant ses études et il avait déjà écrit une première ébauche du roman dans les années soixante.
J'ai souvent pensé à Proust. Non pas pour la forme, mais pour les thèmes de la mémoire et de la jalousie. Cette plongée dans le passé, via des souvenirs du principal narrateur, explore avec justesse les processus par lesquels nous nous remémorons notre jeunesse.
Sur Terre, la situation est critique : le climat se détériore inexorablement et les tensions …
Sur la lune
4 étoiles
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce troisième et dernier opus de « Lady Astronaute » (changement de personnage, on passe d'Elma, une mathématicienne, à Nicole, une pilote/astronaute/(...)/femme mariée à un homme politique « présidentiable »). Mais une fois ce changement accepté, on retrouve le talent littéraire de l'autrice et on dévore à nouveau le récit. Il émane des textes de Mary Robinette Kowal une sorte de « bienveillance », très reposante, qui ne nuit en rien à la narration très « cinématographique », avec des fins de chapitre en suspense (cliffhanger). Pour conclure donc, j'ai lu avec grand plaisir cette trilogie.
Mathilde est devenue insomniaque. Puis elle a perdu le sens du toucher. Il y a …
Qui-vive
4 étoiles
On ne saurait trop décrire ce qui pousse Mathilde (« conscience tourmentée », selon les mots de l'autrice interviewée sur France Culture) à partir chercher des réponses. Heureuse dans sa vie professionnelle et personnelle, c'est sans doute les troubles de l'époque, la fin ou le bouleversement d'un monde ? qui déclenchent en premier lieu la somatisation en elle, puis, dans la foulée, la quête qu'elle entame et son départ pour Israël. Ce dernier livre de Valérie Zenatti fut pour moi l'occasion de découvrir les talents littéraires de l'autrice. Et j'irai plus loin dans mes lectures, tant ce roman m'a plu.
Yu Ling travaille depuis dix ans à Pékin en tant que nounou et rêve de …
L’Hôtel du Cygne
3 étoiles
Le style est sobre, et bien que le récit ne soit pas dénué d'intérêt, je ne pense pas que « L’Hôtel du Cygne » me laissera un souvenir marquant, d'autant plus que le faible nombre de pages est un frein et que l'on a à peine le temps de se plonger dans la narration de Zhang Yueran. Le court récit se passe en Chine, à Pékin, mais il pourrait très bien se situer dans n'importe quel foyer fortuné. Les deux principaux protagonistes, la nounou et l'enfant, sont quant à eux peints dans leur complexité. On prend plaisir à suivre leurs aventures suite à l'effondrement du monde (très) confortable dans lequel vivait la famille de la nounou. Le récit manque donc un peu de profondeur et aurait mérité davantage de longueur.
Pendant que la Mort Blanche étend sur la Terre son linceul glacé, rançon de la …
Le Diable L'Emporte
3 étoiles
J'ai bien du mal à me faire une opinion de cet ouvrage de René Barjavel. Si dans un premier élan j'ai bien apprécié la narration et ce qu'elle véhicule de cette époque – la sortie de la guerre, l'imagination concernant la technologie à venir et les grandes interrogations que soulève l'arrivée exterminatrice de l'arme atomique –, j'ai éprouvé quelques difficultés avec le caractère extrêmement sexiste du texte. J'ai cru au début qu'il s'agissait de « second degré », mais l'insistance avec laquelle l'auteur place les femmes dans l'unique rôle de ménagère, voire de « procréatrice », a largement dilué cette première hypothèse. Abstraction faite de cela, le texte est parfois très drôle et même assez précurseur dans ce qu'il imagine du futur. Je ne regrette donc pas ma lecture, mais je reste sur cette perplexité quant à mon appréciation.