En 1984, deux jeunes frères exilés aux États-Unis retournent au Guatemala, au cour de la …
Tarentule
4 étoiles
Dans Tarentule, nous naviguons achronologiquement dans des souvenirs, reconstruisons petit à petit une Histoire, souvent confrontés à l'incertitude quant à savoir si l'événement narré a été vécu ou rêvé.
Le nom du narrateur est identique à celui de l'auteur, ce qui floute davantage la nature même du récit. Il est question de judaïsme. Imposé – violemment – à Eduardo pendant son enfance, il semble que, peu à peu, ce dernier parvienne à en dessiner ses propres contours.
Les petits-enfants de celles et ceux qui ont vécu l'impensable, ou qui ne sont pas revenus, se cherchent et tâtonnent différemment dans leurs cheminements mémoriels : certains par l'écrit, d'autres dans la transmission par le rite – la tradition –, et d'autres encore dans la brutalité.
Tarentule est un roman assez court qui explore et ouvre des portes sans les travers de l'explication.
Il y a quelques années, on lui proposa d'être professeur en prison. Il accepta sans …
En prison
4 étoiles
Court, très court roman, En prison de Frédéric Boyer pâtit sans doute de sa brièveté. Et si le style est agréable, si la description du monde carcéral, de son inhumanité, de ce qui transforme les êtres en fantômes, convainc, il manque malheureusement ce petit trait d’union entre les mots et le récit.
On comprend ce vers quoi tend la narration, cette transmutation du narrateur par amour, mais il m’a semblé qu’il manquait un petit quelque chose pour l’exprimer : une lacune dans ce passage du monde des vivants au monde des reclus, des infâmes, des honteux.
Quelques années plus tard, Frédéric Boyer écrira Des choses idiotes et douces, sur la sortie de prison. Il me faudra lire ce dernier pour voir s'il permet de donner plus de consistance à son dessein littéraire.
Cette ouvre de la fin du XIXème siècle reste extrémement moderne du fait qu'elle nous …
La faim
5 étoiles
La Faim, du Nobel norvégien Knut Hamsun, est une sacrée « claque littéraire ». Une incursion dans le flux de pensées d’un auteur aux prises avec la misère, qui sombre peu à peu – consciemment – dans des épisodes de folie brillamment exprimés. Le dispositif narratif, les mots, le style : toute l’écriture semble coller au réel, à tel point que nous nous sentons projetés dans la Pensée du narrateur.
J’ai pris connaissance du passé de l’auteur en cours de lecture, de sa pitoyable déchéance, survenue plusieurs dizaines d’années après l’écriture de ce roman. Sans cela, je n’aurais peut-être pas choisi ce livre. Mais je suis heureux d’avoir découvert cette plume. J’ai plusieurs fois eu la sensation d’être immergé dans la peau de ces âmes errantes que nous croisons dans les rues : ces femmes et ces hommes qui nous font détourner le regard ou que nous prenons en pitié. …
La Faim, du Nobel norvégien Knut Hamsun, est une sacrée « claque littéraire ». Une incursion dans le flux de pensées d’un auteur aux prises avec la misère, qui sombre peu à peu – consciemment – dans des épisodes de folie brillamment exprimés. Le dispositif narratif, les mots, le style : toute l’écriture semble coller au réel, à tel point que nous nous sentons projetés dans la Pensée du narrateur.
J’ai pris connaissance du passé de l’auteur en cours de lecture, de sa pitoyable déchéance, survenue plusieurs dizaines d’années après l’écriture de ce roman. Sans cela, je n’aurais peut-être pas choisi ce livre. Mais je suis heureux d’avoir découvert cette plume. J’ai plusieurs fois eu la sensation d’être immergé dans la peau de ces âmes errantes que nous croisons dans les rues : ces femmes et ces hommes qui nous font détourner le regard ou que nous prenons en pitié. Ces gens qui, parfois, parlent seuls, hurlent et effraient, ou que, au contraire, le mutisme rend invisibles dans nos paysages urbains.
Vous aurez donc compris à quel point cet ouvrage m’a ébranlé.
Edition enrichie (Introduction, analyse, chronologie, table des noms propres). Née à Venise en 1364, fille …
La cité des dames
Aucune note
Une fois encore, je me défilerai en me refusant d'attribuer une « note » à un récit écrit il y a six siècles.
Et si j'ai trouvé quelques longueurs dans la succession des exemples fournis par Christine de Pizan, des modèles féminins issus de l'Histoire (un agréable mélange de personnages historiques et mythologiques dont on ne sait si l'autrice tient l'existence pour véritablement « réelle » ou imaginée), j'ai trouvé le principe du récit d'une fabuleuse ingéniosité : une allégorie à base de superbes analogies tirées de la construction d'une cité.
Le novice que je suis comprend que l'autrice travaille à construire un récit-citadelle qui remet sur le devant de la scène toutes ces Femmes que l'histoire a, au minimum, avilies, au pire, réduites à des personnages secondaires insignifiants, une sorte de décorum de l'histoire de l'homme.
Christine de Pizan ouvre la voie au féminisme, et bien qu'évidemment l'époque fasse …
Une fois encore, je me défilerai en me refusant d'attribuer une « note » à un récit écrit il y a six siècles.
Et si j'ai trouvé quelques longueurs dans la succession des exemples fournis par Christine de Pizan, des modèles féminins issus de l'Histoire (un agréable mélange de personnages historiques et mythologiques dont on ne sait si l'autrice tient l'existence pour véritablement « réelle » ou imaginée), j'ai trouvé le principe du récit d'une fabuleuse ingéniosité : une allégorie à base de superbes analogies tirées de la construction d'une cité.
Le novice que je suis comprend que l'autrice travaille à construire un récit-citadelle qui remet sur le devant de la scène toutes ces Femmes que l'histoire a, au minimum, avilies, au pire, réduites à des personnages secondaires insignifiants, une sorte de décorum de l'histoire de l'homme.
Christine de Pizan ouvre la voie au féminisme, et bien qu'évidemment l'époque fasse peser quelques lourdeurs morales – notamment concernant la chasteté de ses héroïnes ou leur fidélité indéfectible –, nous retrouvons ici bien des arguments qui, malheureusement, pourraient encore être utilisés ici et là malgré les siècles et les indéniables avancées sociétales. Un texte incroyable donc.
Si nous étions en Iran, cette salle d'attente d'hôpital ressemblerait à un caravansérail, songe Kimiâ. …
Désorientale
4 étoiles
Désorientale n'est pas une autobiographie, précise l'autrice (française et iranienne) Négar Djavadi. C'est une information déconcertante, tant l'ouvrage est réaliste et poignant. Une épopée familiale qui s'inscrit dans l'Histoire meurtrie de l'Iran. Le récit, aux multiples branches, se raconte tel que la mémoire se présente : par rameaux que l'on suit au gré des ramifications, mais sans jamais se perdre, sauf parfois dans le nom des nombreux personnages (pour cela, l'autrice a même prévu quelques pages d'explication en fin de livre). La « face B » du roman s'inscrit dans un quasi-présent européen, mais je n'en dévoilerai pas davantage les contours pour ne pas vous divulgâcher ce que l'autrice dévoile petit à petit tout au long du, ou plutôt des, récits.
Dans son laboratoire de physique à ultra-haute énergie, Alicia Butterworth, une jeune scientifique, procède à …
La sphère
3 étoiles
J'ai deux avis bien distincts sur cet ouvrage de Gregory Benford. J'ai beaucoup aimé tout ce qui concerne son volet (hard) science-fiction. On est entraîné dans un univers avec force détails techniques, mais sans s'y perdre, même avec une culture limitée en matière scientifique.
Par contre, je n'ai vraiment pas accroché à tout ce qui s'écarte de la thématique principale. Les aventures — à la fois sentimentales et extra-professionnelles — de l'héroïne m'ont ennuyé, et j'aurais bien évité bon nombre de chapitres qui, si je comprends le désir de l'auteur d'ajouter de la profondeur à son personnage, ont pour moi raté leur but. Je suis de plus en plus exigeant en matière littéraire, et je trouve que c'est une grosse lacune d'une grande partie du corpus de la SF.
En 1935, deux jeunes chercheurs débarquent dans une petite ville albanaise avec un magnétophone. Ils …
Le Dossier H
5 étoiles
J'entamerai cette petite critique par un point négatif : ce livre est trop court. En approchant du dernier chapitre, j'ai bien cru à un ouvrage inachevé tant j'ai trouvé que l'intrigue pouvait être l'occasion d'une épopée, d'un roman fleuve.
Ce premier point devrait vous avoir mis la puce à l'oreille : j'ai dévoré ce livre. Un style des plus agréables, un humour délicieux, mais surtout, cette plongée dans le monde passionnant des rhapsodes et des épopées orales albanaises et serbo-croates. Ce livre a été un vrai plaisir de lecture, bien qu'il m'ait laissé avec un léger sentiment d'inachevé – une petite frustration – une fois terminé.
Cette année-là, entre un déluge et une éclipse solaire, Beevi, vieille dame fantasque aussi revêche …
La somme de nos folies
3 étoiles
Ce roman ne me laissera pas un grand souvenir. Si j'ai bien apprécié cette petite « excursion » en Malaisie contemporaine, et plus particulièrement certains épisodes de la vie des habitants de cette petite communauté, j'ai trouvé que le récit de Shih-Li Kow manquait de ce petit quelque chose dans la forme qui fait la différence. C'est la première fois que je suis un peu déçu – le mot est peut-être un peu fort – par une proposition des éditions Zulma.
« On peut repousser ses idées, blâmer ses actes ; on ne saurait s'empêcher de …
Mémoires de Louise Michel
Aucune note
Je serais bien incapable de donner une note à ces mémoires. En effet, la personnalité de son autrice, la richesse de sa vie — une vie consacrée à ses idéaux — et son incroyable courage (qui lui valut tout de même un poème de Victor Hugo) rendent difficile la notation de cet ouvrage. Parfois, on se perd dans les détails — mes connaissances historiques sur cette période sont limitées — mais la narration, vivante, reste toujours compréhensible. Pas de note donc, mais une recommandation : ce livre mérite d’être lu, ne serait-ce que pour la personnalité fascinante de son autrice.
« Les villes comme les rêves sont construites de désirs et de peurs, même si …
Les villes invisibles
5 étoiles
Ce court mais riche ouvrage d'Italo Calvino serait bien difficile à classer. Mais l'auteur lui-même nous aide en parlant de poésie en prose.
Un « rêve qui n'était pas un rêve¹ », c'est un peu l'impression que pourraient laisser ces descriptions de villes par ce Marco Polo. L'émissaire a pour mission de décrire à l'empereur Kublai Khan toutes ces cités qu'il ne peut lui-même connaître, tant s'étend son empire.
On est happé par ce livre, et comme il se lit relativement vite, on en ressort avec la certitude d'être passé à côté de trop de choses pour ne pas le rouvrir. Je regrette de l'avoir acquis sous forme numérique, c'est un livre qu'il faudrait avoir à portée de main, posé sur l'étagère ou sur la table de chevet, un livre qui, malgré son absence d'illustrations, est comme une plongée dans l'image mentale de ces multiples villes invisibles.
¹ En référence …
Ce court mais riche ouvrage d'Italo Calvino serait bien difficile à classer. Mais l'auteur lui-même nous aide en parlant de poésie en prose.
Un « rêve qui n'était pas un rêve¹ », c'est un peu l'impression que pourraient laisser ces descriptions de villes par ce Marco Polo. L'émissaire a pour mission de décrire à l'empereur Kublai Khan toutes ces cités qu'il ne peut lui-même connaître, tant s'étend son empire.
On est happé par ce livre, et comme il se lit relativement vite, on en ressort avec la certitude d'être passé à côté de trop de choses pour ne pas le rouvrir. Je regrette de l'avoir acquis sous forme numérique, c'est un livre qu'il faudrait avoir à portée de main, posé sur l'étagère ou sur la table de chevet, un livre qui, malgré son absence d'illustrations, est comme une plongée dans l'image mentale de ces multiples villes invisibles.
¹ En référence à une réplique du film d'animation Mon Voisin Totoro, d'Hayao Miyazaki.
Panique électorale : à l’heure du dépouillement, 83% de votes blancs sont comptabilisés. Le chaos …
La lucidité
5 étoiles
Que de plaisir j'ai éprouvé à lire ce roman. En deux temps sur le plan narratif : d'une part, un regard omniscient qui décrit ces élections où les électeurs décident – d'un mystérieux accord – de voter blanc et où les institutions perdent toute mesure en voulant endiguer « l'épidémie » ; d'autre part, en suivant un commissaire chargé d'enquêter sur le sujet.
Cette fiction politique est étonnamment réaliste, souvent drôle, et révèle beaucoup de l'absurdité qui peut émaner de nos institutions lorsqu'elles cherchent à se défendre lorsqu'elles se sentent en danger. Pour prévenir le lecteur, ce roman est comme la prolongation du roman précédent de Saramago, L'Aveuglement – je l'ai compris en cours de lecture parce que j'avais lu la quatrième de couverture de ce dernier – mais il peut se lire indépendamment.
De septembre 1580 à novembre 1581, Montaigne voyage en Europe : Allemagne, Suisse, Italie. Pour …
Journal de voyage
Aucune note
J'ai relu le journal en parallèle de mes autres lectures, à un rythme tranquille, à raison d'un ou plusieurs passages (d'un lieu à un autre) selon les occasions que j'avais dans la journée. Je ne noterai pas cette lecture puisqu'il s'agit d'un journal de voyage non destiné à être publié, qui plus est écrit à quatre mains, puisque une bonne partie a été rédigée par un secrétaire « anonyme ». Ce livre est un trésor concernant la vie et les mœurs de la fin du XVIe siècle. Certaines parties plus autopathographiques (essentiellement dans la section rédigée en italien) m'ont été moins agréables. Mais l'ensemble du journal révèle une grande curiosité de l'auteur, qui lui fait rapporter un nombre considérable de détails historiques très enrichissants pour le novice que je suis.
Vous vous réveillez dans un aéroport. Vous ne savez pas qui vous êtes ni où …
Double nationalité
4 étoiles
Ce monologue intérieur — ou plutôt cette pensée en action — de quelque 700 pages ne doit pas laisser indifférent. Pour ma part, j'ai bien apprécié le récit. Si j'ai cru un instant qu'il n'aurait pas le souffle nécessaire pour tenir tout du long, je me suis trompé, parce que le second chapitre donne à nouveau l'énergie pour une prise d'altitude. L'autrice franco-hongroise, à travers une narration riche, originale et impétueuse, nous entraîne dans la complexité de son bilinguisme, du monde de la traduction et de ses deux nationalités. Son recul sur ses deux pays lui permet également un recul salutaire pour juger les qualités et travers de chacun. Je suis heureux d'avoir découvert cette écrivaine.