Antoine Chambert-Loir a cité Indépendance par Javier Cercas (Terra Alta, #2)
Les romans ne servent à rien, sauf à nous sauver la vie.
— Indépendance de Javier Cercas (Terra Alta, #2) (Page 449)
Apprenti mathématicien, professeur à l'université Paris Cité Apprenti musicien (batterie, tablas) Apprenti lecteur (romans, essais, poésie… en français ou en anglais)
Mastodon : antoinechambertloir@mathstodon.xyz
Ce lien ouvre une nouvelle fenêtre
Les romans ne servent à rien, sauf à nous sauver la vie.
— Indépendance de Javier Cercas (Terra Alta, #2) (Page 449)
Terra Alta, tome 2. C'est parti. Je me demande ce qui me touche dans ce flic dont le passé est jonché de drames, dont la colère semble inextinguible, et dont la violence reste difficilement justifiable, quand bien même elle s'exercerait à l'encontre de salopards.
Je ne lis presque plus de romans policiers, mais celui-ci en est un. Je ne sais pas bien pourquoi je l'ai choisi, probablement parce que je sais déjà qu'il ne sera pas que cela, et qu'y remonteront à la surface les blessures de la guerre civile espagnole et le combat pour la justice.
... Même si elle prend la forme de 60kg de chair, de fourrure et de crocs, un peu stupide au point une tu lui donnes ce nom, et qu'elle bouleverse tout de qui tourne autour de votre vie de sale con raté, malheureux de ne plus savoir s'y prendre, si jamais tu l'as su. Le compte à rebours est implacable mais tu peux décider de son issue, et sauver de ta vie ce qui mérite de l'être. C'est pas si mal. Et ça pourrait te faire pleurer.
Parce que nous avons aussi besoin d'un peu de légèreté, de l'humour de John Fabre, et peut-être de la douceur et de l'affection de ce gros chien qui déboule dans la vie de cette famille — pas des plus aimables — près de Los Angeles. Le héros l'appelle Stupide, mais ça ne lui fait rien, il vous aime bien quand même. (Mais faut pas trop qu'on l'emmerde non plus.)
Dans un livre à paraître, le sociologue Baptiste Brossard souligne d'ailleurs l'étrangeté qu'il y a à penser séparément la santé mentale et l'état du monde. On conçoit l'univers de la santé mentale comme un espace dépolitisé, hors sol, où n'existe que « l'individu en lui-même, parfois accompagné de sa famille proche », observe-t-il ; « dans les processus de soin et de guérison, le politique et le vivant ne font office que de contexte oublié et oubliable. »
— Résister à la culpabilisation de Mona Chollet (Page 240 - 241)
Je note ce paragraphe, bouleversant, à un moment où tout autour de nous, famille, milieu professionnel, réseaux sociaux, presse, s'accumulent départs, reconversions, quand ce ne sont pas carrément des retraits. Les motivations varient, de même que les symptômes — lassitude, dégoût, fatigue... — mais c'est partout comme si le Soi et le Monde ne pouvaient plus s'aligner naturellement, où, peut-être plus précisément, comme si les modèles précédents avaient atteint leur limites. Ce qui semble étayer cette hypothèse, c'est la réaction qu'elle suscite chez ceux qui en auraient été les bénéficiaires, ou chez leurs portes-parole, visiblement mortifiés que l'embrigadement ne prenne plus.
... cette belle réflexion de la philosophe Michela Marzano : “La fidélité au devoir est une forme de trahison de soi qui efface la valeur même de la fidélité : au lieu d'être ce par quoi l'on cherche à respecter son être, elle devient ce par quoi l'on s'efface.”
— Résister à la culpabilisation de Mona Chollet (Page 241 - 232)
Le second chapitre est consacré à l'éducation des enfants. Les extraits choisis (Naouri, Rugo, Goldman, Pleux...) sont glaçants tant Chollet parvient à mettre au jour la composante revancharde du modèle standard d'éducation. Mais j'ai l'impression qu'elle quitte un peu son sujet pour un autre combat en se focalisant sur ces quelques voix — quand bien même elles seraient représentatives de ce modèle dominant. J'aurais aimé entendre le point de vue des pères ou des mères, l'entendre réfléchir à ce que ça nous fait d'avoir été élevé·es comme ça, tant dans notre vie d'adulte (de compagnon, entre autres, mais aussi au travail), que dans notre vie de parent. Le livre n'est pas fini non plus...
Je prends ce livre comme une arme, cette lecture comme un acte de combat contre mon plus intime ennemi.
La fin de l'Écharpe rouge, que je finissais ce soir, évoquait le combat du chevalier Balin contre un adversaire aussi farouche qu'anonyme, et ce n'est qu'à la fin, la mort les trouvant tous deux, qu'ils découvraient qu'ils étaient frères.
La lecture du petit livre de Wolfgang Matz m'a conduit à lire ce texte d'Yves Bonnefoy, l'un de derniers que le poète publia. C'est l'histoire de quelques vers, écrits en 1964 et jamais achevés, mais toujours conservés à portée de main, dans une pochette sur le secrétaire où Bonnefoy travaillait. 50 ans plus tard, ces mystérieux vers au parfum surréaliste prennent d'un coup une signification que leur auteur n'avait soupçonné. Commence alors ce texte, cette seconde Écharpe rouge en quelque sorte, où Bonnefoy revient sur ses parents et la relation mutique qui l'unissait à eux. Parfois un peu trop ampoulé, peut-être, ce texte est néanmoins très touchant, en particulier parce qu'il provoque à de multiples endroits une introspection analogue.
Un « petit » livre nous dit la 4e de couverture, mais rempli d'une telle profondeur, d'une telle luminosité, d'une tell' intelligence et surtout d'un tel amour pour son sujet, la poésie et ces trois comparses-poètes qu'étaient André du Bouchet, Yves Bonnefoy et Philippe Jaccottet, qu'il n'était pas utile qu'il fût plus épais. Sublime.
Mi-policier, mi-western, avec des traces de chamanisme. Il y a du vent, de la neige, des montagnes, un méchant qui traîne, un loup aussi, et d'autres pas très gentils, et un shérif qui se démène tant bien que mal. Une lecture pas désagréable.
Un livre de réflexion sur l'ascension du Rassemblement national et son caractère inéluctable, issu de deux journées de travail au sein de l'Institut La Boétie (en gros, l'organe de réflexion de La France Insoumise).
Je n'ai pour l'instant lu que la préface de Johann Chapoutot, ainsi que le premier texte (Stefano Palombarini) qui pointe du doigt de façon troublante comment le projet économique du Rassemblement national ne diffère essentiellement pas du projet néolibéral défendu par le reste de la droite. C'est assez paradoxal lorsqu'on écoute la rhétorique “UMPS” de ce mouvement. Restera à comprendre comment ce mouvement parvient à s'installer (Palombarini conteste que le racisme soit le marqueur principal), et comment on va pouvoir expliquer cela à ses électeurs.